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    17/05/2023

    « Il m’a attrapée au cou et m’a soulevée du sol »

    Une gréviste de Vertbaudet porte plainte contre un policier qui l’a étranglée

    Par Inès Belgacem

    Le 16 mai, le piquet de grève, présent depuis huit semaines devant l’usine Vertbaudet dans le Nord, a été délogé. Claudia, une gréviste, annonce son intention de porter plainte après avoir été étranglée par un policier.

    « Je reste choquée. Je ne suis pas une délinquante, je n’ai rien fait de mal. » Au téléphone, Claudia raconte son agression par un policier, ce mardi 16 mai. Elle fait partie des 72 grévistes de l’usine d’acheminement de Vertbaudet, à Marquette-lez-Lille (59), dans le Nord. Depuis 50 jours, ces travailleuses bloquent leur entrepôt et réclament une augmentation de leur salaire. « Une soixantaine de CRS ont forcé les salariés grévistes - dont 90 % de femmes - à partir du piquet en employant la force », contextualise Manon Ovion, représentante syndicale CGT.

    En commençant cette grève, Claudia n’imaginait pas finir aux urgences. La mère de famille de 36 ans est en CDI à l’entrepôt de l’entreprise de puériculture depuis neuf ans, après plusieurs années d’intérim. Comme ses collègues, elle gagne à peine le SMIC. « Un mètre 60, 48 kilos, en rémission d’un cancer, je ne suis pas un gros bras ! » Elle continue :

    « Mais il m’a prise pour cible, il m’a attrapée au cou et m’a soulevée du sol. Je me suis sentie partir quelques secondes. »

    Evacuation du piquet

    « Le CRS a attrapé Claudia : il a placé son bras autour de son cou et l’a soulevée », confirme Mohammed. Le représentant syndical CGT, raconte l’expulsion tendue du piquet de grève installé depuis huit semaines. Mardi 16 mai au matin, la présence policière s’est intensifiée, raconte-t-il : « Ils ont bloqué les routes des deux côtés avec les boucliers, leur artillerie et tout. » Des agents se seraient ensuite placés autour du piquet, en leur demandant de récupérer leurs affaires et de partir :

    « On leur a demandé le papier de la décision de justice, ils ont refusé de nous le montrer. »

    « Ils nous ont demandé de récupérer nos affaires, alors on a tout remballé », assure Claudia. Les grévistes démontent la tonnelle de la tente, récupèrent quelques babioles. Les policiers les pressent et avancent un peu. Effrayées, certaines grévistes décident de passer de l’autre côté du trottoir. « J’ai ramassé leurs affaires pour elles. Je suis toute menue, je n’ai rien fait de mal, je n’allais pas me faire frapper. » Reste Claudia, deux collègues et Mohammed, qui complète :

    « On traînait un peu, ils ont décidé d’intervenir violemment. »

    Un agent aurait tenté d’attraper par le bras Claudia, qui le repousse. « Je n’ai été ni violente ni insultante. Mais je lui ai dit de me lâcher deux fois. Il n’a pas apprécié. » Il lui aurait alors fait une clé de bras avant de l’attraper au cou. Une vidéo montre le policier l’emmener loin du piquet, tenu par le cou :

    « Il me donnait des coups de coude dans le dos et me serrait plus fort si je bougeais. Je me suis laissée faire. Sur plusieurs mètres, mes pieds ne touchaient pas le sol. J’ai eu peur, j’ai manqué de souffle, je sentais mes paupières lourdes. »

    Mohammed raconte avoir été bousculé par deux agents jusqu’à son véhicule. « Ils m’ont dit : “T’inquiète, tu recevras une amende pour le stationnement de ta voiture”. »

    La préfecture du Nord explique dans un communiqué que « de nombreux et graves troubles à l’ordre public ont été constatés ces derniers jours ». L’entreprise Vertbaudet « a demandé le concours de la force publique » pour « procéder à l’expulsion de tout occupant illicite de son site ».

    Deux plaintes pour violences

    Claudia est emmenée aux urgences. Les médecins lui assurent qu’elle n’a pas de blessures graves et que les douleurs sont musculaires. Ils lui prescrivent toutefois quatre jours d’ITT. Elle est aujourd’hui sous anti-douleurs sérieux et porte une minerve. « J’ai le dos en compote et toujours des douleurs fortes dans le cou et le bras. » Elle compte déposer plainte.

    Ce lundi 15 mai, d’autres violences ont déjà eu lieu sur le piquet de grève. Deux cégétistes de l’union locale de Tourcoing (59), une ville voisine, ont terminé en garde à vue après une action de blocage. Ils sont arrêtés pour « entrave à la circulation sur une voie ouverte au public ». Leur avocat Ioannis Kappopoulos juge le motif d’interpellation « douteux ». « L’une des personnes interpellées était là en simple observateur. Il était au téléphone avec moi pour s’assurer des droits des grévistes. » Sur une vidéo, on voit l’homme être bousculé par un policier contre un poteau, avant de tomber au sol et d’être victime d’un plaquage ventral. L’avocat explique sans plus de détails :

    « Il a une blessure au genou et une côte cassée. Son visage est abîmé et contusionné parce qu’il a été traîné sur le macadam. Il raconte également des insultes dans le camion de police. Une plainte pour violences policières sera prochainement déposée. »

    Et la grève ?

    La CGT s’indigne d’une « entrave grave et d’une atteinte au droit constitutionnel de grève ». Via différents communiqués, l’organisation syndicale dénonce également l’agression d’un gréviste à son domicile et devant sa famille. Il aurait été pris pour cible parce qu’il est représentant syndical. Les agresseurs, qui se sont cachés le visage, ne sont pas connus. Jointe par StreetPress, la victime ne souhaite pas s’exprimer sur la question.

    Claudia, elle, assure continuer la grève « encore plus remontée que jamais » :

    « On est en France, on a respecté les règles, pourquoi on m’a fait ça ? Ça me met hors de moi. La police devrait être là pour nous protéger. Ce n’est pas parce que je suis petite et menue que je devrais me laisser faire. Je suis déterminée à avoir gain de cause. »

    Ce mercredi 17 mai, les salariés mobilisés étaient de retour sur le piquet de grève.

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