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    12/05/2023

    « C’est un militant sur qui tu pourras toujours compter »

    Mehdi Zenda, une voix pour les étudiants étrangers en France

    Par Lucie Mamouni

    Mehdi Zenda, 23 ans, étudiant à l'université Paris 8, a fui la situation politique en Algérie. Il est aujourd'hui une voix pour le droit des étudiants étrangers en France.

    Place de la République, Paris – Dans la marche des solidarités, entre le cortège de Révolution permanente et le Réseau pour la grève générale, Mehdi Zenda salue tout le monde, ce 29 avril. Veste noire, pantalon vert et casquette sombre, le militant de 23 ans de l’organisation étudiante Poing Levé connaît tout le monde : syndicats étudiants, militants communistes, trotskystes, collectifs de sans-papiers… Normal pour Gabriel, le comparse de Mehdi qui l’a connu à l’université Paris 8 :

    « Mehdi est de toutes les luttes, on l’a tous croisé au moins une fois. »

    Si le vingtenaire est une voix pour les droits des élèves étrangers, c’est aussi un hyperactif de l’activisme. Le jeune Algérien s’élance d’ailleurs dans la manifestation, aux chants des tambours. « So-so-so, solidarité avec les travailleurs du monde entier ! », célèbre-t-il avec détermination.

    Le combat contre la hausse des frais

    Étudiant à Paris depuis septembre 2019, Mehdi a vite rencontré des galères. Arrivé avec un visa « études » dans l’Hexagone, il se voit refuser trois fois l’obtention d’un titre de séjour. Il est obligé de passer le test de connaissance du français tout public (TCF), qui coûte 70 euros. « C’est très cher pour un Algérien », décrypte Mehdi. Son père, archéologue, ne touche par exemple que « 175 euros par mois » au pays. Sa mère est retraitée, après avoir été traductrice employée par l’État algérien, où elle a « trimé toute sa vie ». Il est finalement pris en Histoire à Paris 8, alors qu’il voulait faire de l’économie. « Je n’ai pas été accepté. J’ai demandé des équivalences dans des matières mais le secrétariat de l’université m’a répondu que ce n’était pas possible, que ce n’était pas le même niveau, ni les mêmes méthodes ». Ils auraient ajouté qu’il aurait dû « rester dans son pays », témoigne-t-il :

    « J’étais jeune, j’ai banalisé. »

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    Le militant de 23 ans de l’organisation étudiante Poing Levé connaît tout le monde : syndicats étudiants, militants communistes, trotskystes, collectifs de sans-papiers… / Crédits : Lucie Mamouni

    La hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers – qui fait passer en 2019 le coût d’une inscription en licence de 170 à 2.770 euros par an, contre 243 à 3.770 euros annuels en master– l’amène rapidement à s’engager pour ses droits et celui de ses camarades. Assemblées générales, blocage de la fac, tractage, manifestations, plus rien n’arrête l’étudiant. En même temps qu’il enchaîne les jobs de service dans les mariages ou travaille comme surveillant dans un lycée pour gagner sa croûte, il s’embarque pleinement dans la contestation, avec un mot d’ordre :

    « Une inscription égale une régularisation. »

    C’est là qu’il noue ses liens avec le Poing Levé, le mouvement jeunesse de l’organisation communiste trotskyste de Révolution Permanente. Il y a notamment rencontré Irène. « C’est non seulement une personne de confiance, mais c’est un militant sur qui tu pourras toujours compter », confie cette étudiante à propos de Mehdi. « C’est une personne de terrain. Il est déterminé et ne lâche jamais l’affaire », renchérit Elsa Marcel, avocate et engagée à Révolution Permanente, qui a également connu Mehdi Zenda à Paris 8. Cet état d’esprit, Mehdi dit le tenir de son pays : « C’est l’esprit révolutionnaire algérien : la révolution de 1954, l’indépendance, les traumatismes… »

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    Une aide de tous les jours

    « La lutte doit se faire par des rapports de force, près des personnes concernées », détaille Mehdi. Le vingtenaire aide comme il peut. L’année dernière, il a croisé le chemin d’Alaedine, un jeune Algérien de 28 ans dont l’histoire a déjà été racontée par StreetPress. Il a fui l’Ukraine où il étudiait après le début de l’attaque russe. À son arrivée en France, il a rencontré Mehdi qui l’a accompagné auprès de l’administration et de la préfecture, pour qu’il obtienne une inscription qui lui permettrait d’être régularisé. Pour l’aider financièrement, il a même créé une cagnotte. Touché, Alaedine souffle :

    « Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi. C’est mon frère ».

    Un hyperactif du militantisme

    Pour Mehdi, l’université est un champ de bataille, un moyen « de créer une convergence de lutte entre les travailleurs, les étudiants ou les luttes antiracistes ». De décembre 2019 à début mars 2020, le militant s’est engagé sur les piquets de grève contre le projet de la réforme des retraites du gouvernement Philippe – suspendu en 2020 avec le Covid avant d’être mis en place en 2023. Il est aux côtés des cheminots à Saint-Denis (93), comme Wadii. Un sourire en coin, ce dernier décrit Mehdi comme « l’agitateur, celui qui fait du bruit ». Et pour cause, Mehdi n’hésitait pas, par exemple, à prendre le micro « pour chanter Sans la nommer de Georges Moustaki ! » devant les grévistes de la RATP. Wadii s’exclame :

    « On était tous scotchés, les grévistes m’en parlent encore aujourd’hui ! »

    Mehdi s’est aussi engagé contre les violences policières et a participé à des événements au côté du comité Gaye Camara, tué par la police en janvier 2018. « Il a toujours manifesté à nos côtés », rappelle Landry, membre du collectif. En décembre 2021, Mehdi les fait intervenir à un débat « sur les violences policières et le racisme d’État » à Paris 8 qu’il anime. Il y convie aussi Assa Traoré ou Youcef Brakni. Il insiste alors sur « l’importance de lier les luttes sociales à celles des luttes antiracistes et féministes ».

    À VOIR AUSSI : Les proches de Gaye Camara prennent la parole dans notre documentaire Violences policières, le combat des familles-

    La convergence

    « Pierre par pierre, mur par mur, nous détruirons les centres de rétention ! » Mehdi continue de chanter à la marche des solidarités ce 29 avril. La manifestation est l’occasion de protester contre la future loi Immigration souhaitée par Gérald Darmanin. « Une attaque à la condition des sans-papiers, ces mêmes personnes qui ont fait tourner la société pendant le Covid », lance le militant du Poing Levé. Il enchaîne les punchlines :

    « On les appelait alors des héros. Aujourd’hui, on veut faire passer des lois pour les expulser. »

    La loi Immigration doit notamment faciliter les expulsions, réformer le droit d’asile et mettre en place une régularisation pour les sans-papiers dans les « métiers en tension », soit pour Mehdi les « métiers précaires et pénibles ». Dans son optique d’être tout le temps dans la convergence des luttes, il mêle cette loi avec la récente réforme des retraites et soutient qu’il faut autant se mobiliser :

    « Si tu es un immigré qui arrive en France à 30 ans, tu commences à travailler à 34, tu as 43 annuités à faire. Ton départ à la retraite est à plus de 64 ans. On va crever avant la retraite, c’est nous qui faisons les métiers les plus difficiles. »

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    « C’est une personne de terrain. Il est déterminé et ne lâche jamais l’affaire », renchérit Elsa Marcel, avocate et engagée à Révolution Permanente. / Crédits : Lucie Mamouni

    Des attaques

    L’hyperactivité du militant l’amène parfois à faire des erreurs factuelles. « Ils sont venus nous chercher en Afrique », scandait Mehdi par exemple lors d’un rassemblement contre la réforme des retraites le 27 mars dernier. Il ajoute alors :

    « On n’est pas venu admirer la Tour Eiffel que nos grands-parents ont construite. »

    Un contresens historique qui est épinglé par le site d’extrême droite fdesouche. Le tweet de la vidéo est vu plus de 800.000 fois. Le post entraîne des attaques de l’extrême droite notamment des députés RN Julien Odoul et Marine Le Pen ou du zemmouriste Gilbert Collard. Sur l’émission Touche pas à mon poste, le polémiste Jean Messiha appelle au retrait du titre de séjour de l’Algérien. « Je ne supporte pas que l’on dise du mal de la France, surtout lorsque l’on est étranger, que l’on vienne troubler l’ordre public », s’époumone l’éditorialiste et ancien haut-fonctionnaire d’extrême droite.

    « C’est vrai que c’était bête », concède Mehdi avec humour lors d’une de ses rencontres avec StreetPress, sur les bancs de l’université Paris 8. Mais ces attaques seraient également une preuve que son discours « terrorise la droite » selon l’avocate Elsa Marcel. Elle analyse :

    « Mehdi est attaqué pour ce qu’il représente : une alliance entre tous les travailleurs français et immigrés. »

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