En ce moment

    07/12/2022

    Un petit coup de pouce qui a bien servi

    Alain Bauer a bénéficié d’un passe-droit dans son parcours étudiant

    Par Mourad Guichard

    Le très médiatique et influent criminologue Alain Bauer a obtenu l’un de ses diplômes universitaires grâce à un système discrétionnaire et dérogatoire. Tout son parcours universitaire s’est ensuite construit à partir de ce passe-droit.

    Dès qu’il s’agit de sécurité ou de terrorisme, il répond présent sur tous les plateaux des chaînes d’info en continu pour y étaler ses analyses fines. Depuis plusieurs décennies, on le voit promener son attaché-case de cabinets ministériels en collectivités locales pour y prodiguer ses riches et précieux conseils. En retour, il peut bénéficier de quelques gratifications, à l’image de cette accession miraculeuse en 2009 à la nouvelle chaire de criminologie du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), créée par le président Nicolas Sarkozy. Cet ancien camarade de jeu de Manuel Valls et Stéphane Fouks durant ses années universitaires a su transformer ses connaissances criminologiques en activités commerciales lucratives, notamment en Asie du Sud-Est et outre-Atlantique. Aujourd’hui, il a même la capacité d’analyser des fiascos comme celui de la sécurisation du match Liverpool-Real Madrid du 28 mai dernier au Stade de France.

    Lui, c’est Alain Bauer, expert de l’expertise qui a été biberonné au rocardisme au début des années 80 avec ses amis du syndicat étudiant Unef-ID. Il était alors élu à Paris I Panthéon-Sorbonne. Et c’est à cette période que l’influent Bauer, un diplôme d’études universitaires générales (DEUG) en poche, a pu bénéficier d’un coup de pouce salutaire lui permettant d’accéder directement à un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) de politiques publiques et gestion des organisations. En clair, le futur expert médiatique est passé d’un Bac+2 à un Bac+4, et n’a pas eu besoin de se coltiner les années d’études nécessaires pour arriver en Master.

    « J’ai postulé à deux DEA (diplômes d’études approfondies) et un DESS dirigés par des académiques reconnus », explique celui qui a parallèlement gravi les échelons du Grand Orient de France jusqu’à en devenir, au début des années 2000, le Grand Maître. Le franc-mac’ assure :

    « Ils ont respecté les dispositions existantes à l’époque qui n’ont pas été inventées pour moi et m’ont autorisé à m’inscrire. »

    Influence à Paris 1

    Lorsqu’on lui demande la nature de ces dispositions, Alain Bauer évoque le décret 85906. Et que dit ce texte « fixant les conditions de validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels en vue de l’accès aux différents niveaux de l’enseignement supérieur » ? Qu’un étudiant peut, outre la qualité de ses études antérieures, faire valoir « une expérience professionnelle acquise au cours d’une activité salariée ou non-salariée ou d’un stage ». Et c’est bien ce travail acharné qu’Alain Bauer met en avant en 2022, mais aussi en 2014 lors d’une première correspondance à ce sujet avec l’auteur de ces lignes. « On s’inscrit en DESS suivant les règles en vigueur à l’époque et qui permettaient à un étudiant travaillant pour payer ses études ou un jeune travailleur en formation, de présenter son dossier pour une inscription en DESS », expliquait-il alors dans un échange de mails :

    « Ne provenant pas d’une famille particulièrement aisée (mais pas de quoi pleurer non plus), j’ai choisi ce processus pour finaliser mon parcours de formation. »

    Ces explications, si elles ont le mérite de la franchise, ne convainquent pas l’un des proches du groupe Valls-Bauer-Fouks au sein de l’Unef-ID. « Si, contrairement aux autres, Bauer était très cultivé et qu’il bossait énormément, allant le soir de réunion en réunion, il n’en demeure pas moins qu’il avait une sorte de plan de carrière bien défini », se rappelle cet ancien étudiant, dubitatif. Selon lui, le futur criminologue semblait bien peser dans l’université :

    « Grâce à ses nombreuses relations, il avait pris une place considérable, au point d’avoir son propre bureau et d’influer directement sur certaines décisions prises par l’université. »

    Comme exemple concret, l’ex « camarade » évoque la gestion de la cafétéria de Tolbiac confiée, par le conseil d’administration de l’université, à une association proche de Bauer. « Et entre nous, j’ai du mal à imaginer que l’expérience professionnelle d’un étudiant d’une vingtaine d’années puisse peser dans la balance », confie ce même témoin. Questionné sur cet épisode en 2014, Alain Bauer lançait, telle une sentence définitive :

    « Je vous laisse en faire ce que votre parcours militant vous semblera utile… »

    Une réponse quasi similaire à celle faite aux signataires d’une tribune de 2009 remettant en cause les compétences du Maître titulaire d’une chaire « taillée sur mesure ! » et « imposée par le fait du prince ».

    Les petits diplômes font les grandes carrières

    D’autres compagnons de route d’alors observent une disposition particulière du futur criminologue pour la chose policière, voire l’ordre et la sécurité. L’un d’eux se souvient :

    « C’est lui qui, durant les rassemblements étudiants, faisait le lien entre les forces de l’ordre et les manifestants. »

    Une anecdote rapportée pour expliquer « une volonté ancienne d’approcher cette famille, coûte que coûte ». Bingo, il arrivera à le faire de manière professionnelle, notamment grâce à ce DESS obtenu par ce canal universitaire dérogatoire et discrétionnaire.

    Une activité qu’il a depuis parfaitement assumée, quitte à devenir la cible de critiques récurrentes sur son opportunisme ou à se mettre dans des situations judiciaires bancales, comme dans l’affaire Renault-Nissan, celle de la Caisse des dépots et consignations ou, plus récemment, l’enquête sur le cimentier Lafarge et ses activités en Syrie.

    Photo d’illustration d’Alain Bauer, lors d’une conférence à l’Ecole polytechnique sur « Les mutations du terrorisme » en janvier 2017. Crédit photographique : © École polytechnique – J.Barande. Via Flickr. Certains droits réservés

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER