Selon Hannah Nelson-Gabin, le fonctionnaire de police qui lui a confisqué son matériel de protection le 21 novembre 2020 est le commissaire P., responsable de plusieurs coups portés à des journalistes lors de la manifestation contre la loi sécurité globale le 28 novembre 2020, comme l’a révélé Le Monde.
La journaliste et d’autres reporters présents ont reconnu le fonctionnaire grâce à la correspondance des numéros RIO.
« En 2020, dans 80% des manifs que j’ai couvert, je me suis retrouvé en garde à vue ! », lance remonté le journaliste Gaspard Glanz. Ras-le-bol ! Il porte plainte pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique », « abstention volontaire de mettre fin à une privation de liberté illégale » et « entrave à la liberté d’expression et du travail ».
Le journaliste dénonce plusieurs interpellations et gardes à vue « pour rien » et « aux prétextes toujours ubuesques ». « Cette plainte c’est pour qu’on me foute la paix et que je puisse enfin faire mon travail », explique le journaliste. « Il y a un véritable harcèlement depuis trop longtemps, peut-être que maintenant qu’il y a une instruction en cours, ils feront plus attention à ce qu’ils font », déclare Gaspard Glanz.
Sa collègue, Hannah Nelson-Gabin, porte aussi plainte pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique », mais également pour « abus de confiance, destruction de biens privés, violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique, et extorsion par personne porteuse d’une arme et en bande organisée ».
Interpellations en tout genre
Tout commence le samedi 23 mars 2019. Gaspard Glanz filme l’acte XIX du mouvement des Gilets jaunes. Peu avant 17h, il quitte les lieux et se rend à la station de métro de Gare du Nord. Alors qu’il s’apprête à acheter un ticket de métro sur une borne, un policier en uniforme le contrôle. Le journaliste est fouillé et sa carte d’identité est prise en photo. Il est ensuite emmené au commissariat au motif d’une fiche « J » (recherches de police judiciaire). Arrivé devant la porte du commissariat, il refuse le prélèvement ADN. Finalement, alors qu’il n’était même pas encore placé en garde à vue, les policiers le libèrent.
Le mercredi 2 octobre 2019, alors qu’il couvrait la manifestation policière du syndicat Alliance, plusieurs policiers en civil le sortent de la manifestation et le gardent entre deux fourgons de police. Après 30 minutes à attendre assis par terre, on l’informe finalement qu’il peut partir. Il retourne alors filmer la manifestation place de la République. Mais une quarantaine de minutes plus tard, rebelote, le journaliste est interpellé. Il est emmené cette fois-ci au commissariat du 11ème arrondissement. Après avoir passé un peu plus d’une heure à l’accueil, il ressort, sans en connaître là encore les motifs.
Le 16 juin 2020, le journaliste couvre une manifestation de personnels soignants avec sa collègue Hannah Nelson-Gabin. Mais avant même d’arriver à la manifestation, ils sont placés en garde à vue au commissariat du 9ème arrondissement pour « participation à un groupement en vue de la commission de violences ou de dégradations ». Malgré les nombreuses lettres de son avocat au parquet, ni la copie de la procédure, ni leurs masques ne leur seront rendus.
Deux mois après, le jeudi 17 septembre 2020, Gaspard Glanz est contrôlé à l’issue de la grève nationale à l’appel de la CGT. Il est ensuite conduit au poste du 12e arrondissement puis à celui du 17e, où il sera fouillé à nu à deux reprises.
Violences et extorsion en bande organisée
Le mardi 17 novembre 2020, sa collègue Hannah Nelson-Gabin couvre en tant que photoreporter le rassemblement devant l’Assemblée nationale contre la proposition de loi Sécurité globale. À 21h, elle est interpellée. Sur une vidéo, on peut voir un fonctionnaire de police la traîner sur le sol sur plusieurs mètres. Des blessures au cou seront constatées pendant sa garde à vue au commissariat du 10ème arrondissement. Elle ressortira le lendemain matin avec un rappel à la loi pour « participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser et dissimulation du visage ».
Le samedi 21 novembre 2020, elle retourne sur le terrain pour couvrir le rassemblement contre la loi « sécurité globale » place du Trocadéro cette fois-ci. Elle est contrôlée au début du rassemblement, avenue Kléber. Dans l’enregistrement dont StreetPress a eu accès, les policiers déclarent :
« Ce que vous allez faire les uns les autres, c’est que vous allez me passer votre matériel de protection (…) on va tout mettre dans un sac (…) et ça vous sera restitué (…) au commissariat du 14ème arrondissement (…) Vous me remettez le matériel et vous y allez ou vous terminez au commissariat. »
Hannah Nelson-Gabin remet alors aux policiers son masque, son casque, et ses lunettes. À l’issue du rassemblement, elle se rend au commissariat comme indiqué… où on lui apprend que son matériel a été détruit.
Pour ces faits, elle porte plainte pour « violences volontaires par personnes dépositaires de l’autorité publique » et « extorsion par personne porteuse d’une arme et en bande organisée. » Son avocat Raphaël Kempf explique :
« Dans le code pénal, l’extorsion correspond à se saisir de quelque chose sous la menace, ici la menace de privation de liberté sans fondements. »
Une plainte avant-tout symbolique
Pour Hannah Nelson-Gabin, c’est cette accumulation qui l’a poussé à porter plainte : « quand la deuxième arrestation arrive, et qu’on me vole mon matériel, c’était un peu la goutte d’eau ». Pour elle, cette plainte est surtout symbolique : « même si on n’abouti pas à quelques chose, on va aller au bout, pour ouvrir le débat sur les attaques des journalistes, les lois actuelles, et les violences policières en général ». Elle poursuit :
« Il ne faut pas que cela tombe dans l’oubli et montrer que l’on ne se laisse pas faire. »
Gaspard Glanz abonde. Cette plainte est pour lui « un moyen pour que les gens comprennent ce qu’il va se passer avec la PPL [proposition de loi sur la sécurité globale]. Il y a la loi et la réalité derrière, sur le terrain », ajoute-t-il.
« J’espère quand même qu’une enquête aura lieu et qu’il y aura des sanctions », déclare Raphaël Kempf qui les représente avec sa consoeur Aïnoha Pascual. « On veut aussi savoir qui prend ses décisions et que ces personnes soient poursuivies », précise-t-il :
« Depuis 4 ou 5 ans, mais surtout depuis l’acte IV des Gilets jaunes, il y a un caractère industriel des gardes à vue illégales. Il y a une vraie atteinte à la liberté de la presse et à la liberté de manifester. »
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