Trois Allemands sont interpellés à deux pas de Biarritz à la veille du G7. Le 24 août dernier, ils sont condamnés pour « délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ». Ils écopent de 2 à 3 mois de prison ferme et croupissent en cellule depuis [relire à ce propos, l’article de nos confrères de Libération]. Sauf que selon certains éléments dont StreetPress a eu connaissance, l’affaire aurait tout de l’erreur judiciaire : il pourrait bien s’agir de simples touristes qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment. « Mon client ne comprend toujours pas pourquoi il est en prison, et ce n’est pas de la mauvaise foi », rapporte Raphaël Kempf, avocat – avec Arié Alimi et Alice Becker – des trois allemands, dans le cadre de leur procédure en appel. Pour lui, l’affaire est politique :
« Pour ce G7, la justice a voulu envoyer un message. Même si on n’a rien, on peut vous envoyer en prison. »
Retour sur les faits
Retour sur les événements. Vendredi 23 août, les pandores sont sur les dents. Le lendemain se tient le sommet du G7 à Biarritz. « Le gouvernement craint de voir débouler des hordes de Black Blocs venus de toute l’Europe. On est en pleine paranoïa », s’insurge l’avocat Raphaël Kempf. Et rien ne doit perturber le grand raout diplomatico-politique du président Macron. Pour s’en assurer, le ministère de l’Intérieur a déployé un dispositif sécuritaire de très grande ampleur : 13.200 gendarmes et policiers mobilisés. Une réquisition du procureur de la République leur permet de contrôler et de fouiller, sans motif, véhicules et individus.
Au péage de La Négresse, situé à hauteur de Biarritz, les gendarmes arrêtent un véhicule en provenance d’Allemagne. À son bord, trois jeunes passagers. Contrôle des papiers, puis fouille du véhicule. Après vérification, il s’avère que l’un d’eux est interdit de territoire en France. Sauf qu’il l’ignore, assure Maître Kempf. Les trois jeunes (18 à 22 ans) sont placés en rétention administrative. Un dispositif juridique qui permet de « maintenir dans un lieu fermé un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement », précise la loi. « Déjà là, c’est un détournement de procédure », s’insurge Raphaël Kempf. « Au moins deux d’entre eux sont là en toute légalité. » Ils seront, pendant la soirée, placés en garde à vue.
Terroristes ou touristes ?
La fouille du véhicule révèle, en plus du nécessaire de camping, une poignée d’autocollants militants, un livre en allemand qui selon la procédure évoque les stratégies de violences politiques, des vêtements (pour certains noirs ), du matériel de protection, des cagoules, un brise vitre et « une bombinette au poivre ». Par ailleurs, l’un des interpellés est donc interdit de territoire français, quand un autre est « fiché » en Allemagne pour son appartenance présumée à des mouvements d’extrême gauche. Pour le procureur de la République, l’affaire est entendue : les trois hommes sont venus au Pays basque pour en découdre avec les forces de l’ordre. Et qu’importe les éléments à décharge.
Au cours de la garde à vue, les trois hommes assurent être en route pour l’Espagne, où ils projettent de camper avec des copains. D’ailleurs, leurs amis, dans un autre véhicule, ont pu passer les contrôles sans encombre, jurent-ils. Si l’explication sonne faux, les vérifications de la maréchaussée confirment pourtant leurs dires : deux des trois ont déjà passé, en 2018, des vacances dans ce même camping situé à 103 km de Hendaye et, surtout, ils ont une réservation pour cette année.
Quant au « matériel de protection », il s’agirait en fait d’équipements d’entraînement pour les sports de combats, assurent-ils. Une passion commune à laquelle ils projetaient de consacrer une partie de leurs vacances, expliquent leurs avocats. Pour le brise-vitre aussi, ils ont aussi une explication : les automobiles allemandes en sont souvent équipées. Il permet de faciliter la sortie du véhicule en cas d’accident. En 2014, le député UMP Charles-Ange Ginesy projetait même de les rendre obligatoires en France .
Une fiche qui fait polémique en Allemagne
Demeure « la fiche ». Comme l’expliquait BastaMag, à la veille du G7, les autorités allemandes ont transmis à la France une liste d’individus fichés pour leur proximité avec des mouvements de gauche. Une liste établie par le Bundeskriminalamt (BKA, Office fédérale de police criminelle) qui fait polémique outre-Rhin. Sur son site internet, le député Andrej Hunko (Die Linke) dénonce un fichier fourre-tout qui contient, aux côtés de militants pour beaucoup jamais condamnés, des relations personnelles de ces derniers ou des journalistes avec qui ils ont pu échanger. L’élu a également posé une question écrite au gouvernement sur les modalités de ces échanges avec la France. Dans sa réponse, le ministère confirme que, parmi les personnes fichées, se trouvent des membres (présumés) de la gauche radicale, mais aussi d’autres individus qui ont eu « des contacts intensifs » avec des militants étrangers.
Si différents éléments laissent à penser que les trois allemands incarcérés ont bien des sympathies pour la gauche, rien n’établit leur intention de venir troubler le G7. « Aucun message de violences ou d’informations par rapport au G7 » n’ont été découverts par les agents lorsqu’ils ont épluchés la téléphonie des trois prévenus, relevait au procès l’avocate Floriane Herran, citée par Libération.
Le 24 août dernier, les trois Allemands ont été condamnés par le TGI de Bayonne, pour « délit de participation à un groupement en vue de commettre des violences » à 2 et 3 mois de prison ferme. Ils ont été relaxés sur la détention d’armes. Leurs familles n’ont, dans un premier temps, pas été informées de leur incarcération. Elles s’en sont émues dans une tribune largement relayée en Allemagne (et traduite ici par Révolution permanente). Leur procès en appel se tiendra à Pau, ce vendredi 27 septembre.
Image d’illustration.
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