Accoudée au comptoir, éclairée d’une petite lumière, Kitzi consulte sa collection de selfies. Kaaris, Dosseh, Kery James, Vegedream, Kavinsky… Les « people », comme elle les appelle en rigolant, défilent sur l’écran de son téléphone. Joueurs de foot ou de basket, acteurs et actrices, animateurs radio, et même Harry Roselmack, sont venus goûter sa cuisine réunionnaise. « Il ne manque que Booba ! », plaisante-t-elle. Le Loyo existe depuis 15 ans, entre la butte Montmartre et Château Rouge. Kitzi l’a monté toute seule. « Un rêve de gosse » devenu réalité après un bac pro compta.
Comme à la maison
Un grand sourire aux lèvres et les cheveux attachés en queue de cheval, Kitzi porte ce soir-là un ensemble de cuisine noir. La quadragénaire originaire d’Orly a rencontré la Mafia K’1 Fry sur les bancs de l’école. Ils seront ses premiers clients célèbres. « C’était quand j’étais jeune ça ! », écarte-t-elle. Elle tient à protéger leur intimité :
« Ce qui se passe au Loyo, reste au Loyo ! »
(img) Les beaux invités de Kitzi
Rapidement, le bouche à oreille fait son petit effet. L’établissement cosy attire les ténors de la culture urbaine. « Je ne sais pas pourquoi les rappeurs viennent. Sans doute parce que c’est le meilleur poulet braisé de Paris. Les Noirs aiment beaucoup ça, plaisante-t-elle. Ils peuvent manger ici ou se poser dans la salle du fond. Ils sont comme chez eux ! » Sur les réseaux, elle n’étale pas les photos qu’elle prend avec ces clients. « C’est pour qu’ils puissent venir et passer vraiment un moment tranquille. Et puis, je ne suis pas vraiment de la génération instagram », avoue-t-elle.
Kitzi continue de scroller sa galerie de photos. Elle s’arrête parfois quelques secondes pour se souvenir du nom du « people ». Sans succès. « Des fois je prends des photos avec des gens, mais je pense pas à noter leur nom. » Très portée sur le rap « old-school », elle identifie en quelques secondes les Bustaflex et autres Passi. En revanche, elle admet sans honte ne pas connaître les petits nouveaux du rap français. « Alors lui je crois qu’il s’appelle RK c’est ça ? », tente-t-elle après un petit moment de réflexion. Bingo.
Sauce secrète
En cuisine, Mizan, encore en formation, s’affaire. Ce soir-là, Kitzi s’occupe du service. De grandes portions de poulet dégoulinant de sauce et de riz parfumé sont envoyées en salle, accompagnées de quelques bananes plantains. L’assiette copieuse est proposée à 17 euros :
« Le but c’est de plus avoir faim après avoir fini ! »
La recette de la sauce qui a fait son succès ? « C’est secret ! C’est comme ça que je les fais revenir », confie-t-elle, pleine de malice. Elle raconte même que deux Américains lui auraient demandé de s’implanter outre-Atlantique. « Tu m’aurais vu en Arizona ? », lâche-t-elle en rigolant.
Entre deux encaissements, la restauratrice claque des bises et taille le bout de gras avec ses clients. « C’est la cantine, le premier endroit où on pense à venir quand on veut manger. D’ailleurs on ne dit pas qu’on vient au Loyo mais chez Kitzi ! », explique Greg, un habitué.
La vraie star des lieux ! / Crédits : Rémi Yang
Vers 22 h, les derniers clients finissent leur assiette. « C’est Fiona Gelin là », glisse-t-elle, tout en montrant discrètement l’actrice française en train de se resservir un verre de vin. « C’est vraiment l’endroit incontournable du quartier, il est magique ! », lâche un peu plus tard la comédienne. « Les profils sont variés, très mixtes. Ça représente ce qu’on est aujourd’hui finalement. C’est la France », philosophe Kitzi. Pour illustrer ses propos, elle retrouve dans sa collection une photo en compagnie de l’ancienne ministre de l’Education Nationale, Najat Vallaud-Belkacem.
DJ Funky V aux platines
Sur Google, il est indiqué que l’établissement n’ouvre qu’à 19h et ferme à 22h. Mais il y a toujours moyen de s’arranger avec Kitzi, comme lorsque Végédream l’a privatisé un aprem’ pour une interview à Libération. « Ça m’est arrivé de lui passer un coup de téléphone tard le soir pour voir si elle est toujours ouverte », avoue également Greg. Le samedi, Kitzi assure le service jusqu’à deux heures du mat’. Niveau playlists, c’est sa mère, Véronique, qui gère le son. La fille montre une vidéo de Funky V :
« Elle a 62 ans et elle est DJ. C’est elle qui s’occupe de toutes les musiques du resto. »
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER