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    18/10/2018

    Salah Gosh : tortionnaire, génocidaire et ancien agent de liaison de Ben Laden

    La vice-présidente LREM de l’Assemblée Nationale dîne avec l’un des responsables du génocide au Darfour

    Par Tomas Statius

    Le 10 octobre dernier, Carole Bureau-Bonnard, vice-présidente de l’assemblée nationale (LREM), et le député Jean-Baptiste Djebbari (LREM) ont dîné à l’ambassade du Soudan avec l’un des principaux responsables du génocide au Darfour, le général Salah Gosh.

    C’est un dîner organisé en catimini, qui risque d’être difficile à digérer. Le mercredi 10 octobre, la vice-présidente de l’Assemblée Nationale, Carole Bureau-Bonnard, et le député Jean-Baptiste Djebbari (tous deux LREM), étaient invités à casser la graine dans les salons de l’ambassade du Soudan, dans le 16e arrondissement.

    Autour de la table, en plus des diplomates en poste à Paris, une délégation venue de Khartoum. À sa tête, un haut dignitaire du régime au CV encombrant : le général-major Salah Gosh, chef des services de sécurité soudanais (le NISS). Selon les Nations Unies, l’homme est l’un des principaux organisateurs du génocide au Darfour qui, depuis 2003, a fait près de 300.000 morts. Il est également l’un des architectes de la guerre contre-insurrectionnelle menée par les forces soudanaises contre les rebelles darfouris.

    Le fameux Salah Gosh sd_cln_slah_gosh.jpg

    Personnage réputé féroce, il a été épinglé par des rapports d’Amnesty International pour des cas de détention arbitraire et de « torture sur des opposants politiques menés par ses services ». Entre 1990 et 1996, l’homme a également été l’agent de liaison de Ben Laden avec le gouvernement de Khartoum, quand le chef d’Al Qaïda était installé au Soudan. Puis l’un des principaux interlocuteurs de la CIA dans l’après le 11 septembre. Un personnage sombre. En 2012, il est incarcéré par le régime soudanais qui l’accuse d’avoir fomenté un coup d’état pour renverser le président Omar El-Béchir. Ce qu’il a toujours nié. En février 2018, il revient en grâce et reprend ses fonctions à la tête du Niss, poste qu’il occupait déjà de 2004 à 2009.

    Persona non grata

    Selon une rumeur insistante au sein des réseaux diplomatiques, le ministère des Affaires étrangères français aurait refusé de recevoir l’émissaire, jugé infréquentable. Les députés marcheurs, tous deux membres du groupe d’amitié France-Soudan à l’Assemblée, assurent qu’ils n’ont pas été mis au parfum. « On a reçu un courrier officiel de l’ambassade soudanaise nous invitant à un dîner », justifie le cabinet de Jean-Baptiste Djebbari :

    « Nous n’étions pas au courant de tous les participants. »

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    Capture prise sur leur twitter ! / Crédits : twitter

    « Impossible de ne pas être au courant », oppose un diplomate. Selon lui, l’ambassade avait prévenu de la présence de Monsieur Gosh sans s’étendre sur ses états de service. Une première réunion entre le groupe d’amitié et les autorités soudanaises a été organisée « au printemps ou à l’été dernier », explique le cabinet du député. Et d’affirmer :

    « On ne fait pas l’impasse sur les questions de droits humains »

    Depuis, les relations sont fréquentes avec les autorités soudanaises, rebondit la vice-présidente de l’Assemblée, notamment à « la demande du Soudan ».

    « On marche sur la tête »

    Du côté des spécialistes du sujet, la visite de l’un des plus hauts dignitaires de l’appareil répressif soudanais ne passe pas. « Je suis très en colère contre cette attitude », s’indigne Jacky Mamou, président de l’association Urgence Darfour :

    « Le fait qu’il [Salah Gosh] soit considéré comme hôte respectable, ce n’est pas possible. »

    Pour M. Mamou, la visite de Salah Gosh est également révélatrice d’une « grande naïveté et d’une grande méconnaissance des enjeux de la région » :

    « Tout le monde connaît l’influence néfaste du gouvernement soudanais qui finance des groupes terroristes en Centrafrique et en Libye. La politique qui consiste à faire du Soudan un pays fréquentable est insupportable. Il ne faut pas oublier que ce pays est gouverné par une équipe de personnes poursuivies par la Cour Pénale Internationale. »

    « On franchit un cran supplémentaire dans l’ignoble. On voit bien que les relations avec le Soudan se normalisent », commente la député européenne (GUE) Marie-Christine Vergiat qui a visité le Soudan en 2015 :

    « Je ne vois pas de différence entre Salvini et Macron. Les Italiens négocient avec les Libyens, on négocie avec les Soudanais. »

    Rencontre avec la DGSE et la DGSI

    À Paris, Salah Gosh n’a pas chômé. Selon plusieurs sources concordantes, il aurait également rencontré la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ainsi que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Des réunions informelles où il aurait été notamment question de lutte contre le terrorisme et de la gestion des flux migratoires en provenance du Soudan. Comme StreetPress le révélait, la police française collabore étroitement avec la dictature soudanaise depuis 2014 : accueil d’agents sur le territoire, visites en centre de rétention et même renvoi à Khartoum d’opposants politiques réfugiés en France. L’un d’entre eux a été enfermé et torturé dès sa descente de l’avion, expliquait le New York Times en mai dernier.

    Si Salah Gosh a fait des pieds et des mains pour rencontrer des responsables de la majorité, ce serait parce que « le régime soudanais est exsangue, ils n’ont plus d’argent », décrypte un autre spécialiste :

    « Béchir [président du Soudan depuis 1989, ndlr] lui a demandé de récolter de l’argent. Et pour le moment, il n’a pas franchement réussi. »

    La France n’est pas le premier pays auquel le patron des services secrets soudanais tente de rendre visite au cours des derniers mois. En octobre, il était attendu à Washington pour participer à une conférence. Son invitation a finalement été annulée sous la pression des associations de défense des droits humains. Il en aurait toutefois profité pour rencontrer des think tanks américains.

    Contactés par StreetPress, le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade du Soudan n’ont pour le moment pas répondu à nos questions.

    Après la publication de cette enquête, M. Djebbari nous a fait parvenir un droit de réponse que nous publions ici.

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