Lyon (69) – À l’Hôtel de Région Auvergne-Rhône-Alpes, on susurre le nom d’Ange Sitbon, parfois avec crainte, souvent avec curiosité. Inconnu du grand public, il est « les yeux et les oreilles », « l’éminence grise » ou même « l’âme damnée » de Laurent Wauquiez, président du conseil régional. Ce brun trapu de 50 ans, l’oreille constamment vissée sur son téléphone, a consacré sa vie à la politique : ancien directeur du pôle élections de l’UMP puis des Républicains (LR), il a toujours préféré l’ombre des appareils à la lumière des médias. Et quand StreetPress lui passe un coup de fil, il décline poliment notre demande d’entretien.
En avril 2016, Ange Sitbon est nommé à Lyon en tant que responsable du service « Relations aux élus et aux Territoires ». Un poste clef : il tient les cordons de la bourse. Avec sa petite équipe, ils gèrent l’attribution des subventions pour une région dotée d’un budget de plus de 3 milliards d’euros. Certains murmurent qu’après l’élection annoncée de Laurent Wauquiez à la présidence des Républicains (LR), Ange Sitbon pourrait devenir le prochain Directeur général de LR. Enquête sur le consigliere de Laurent Wauquiez.
La « cellule Sitbon », dispositif clef de Wauquiez à la Région
Dans son bureau situé au 5e étage du conseil régional, le même étage que le boss de la région Rhône-Alpes, Sitbon règne sur une petite équipe surnommée à l’envi « la cellule Sitbon ». Officiellement rattaché à la Direction des Assemblées et des Relations aux Élus (DARES), l’homme gère les attributions de subventions après avoir reçu les demandes des collectivités territoriales. En plus de secrétaires et assistantes, six chargés de mission aux profils très politiques ont été recrutés après l’arrivée de Wauquiez aux manettes. Cinq de ces contractuels sont élus locaux. Tous sont adhérents ou sympathisants LR. Aucun doute pour les adversaires politiques : les dossiers de subventions passent au filtrage politique de ce « cabinet noir ». Un responsable politique grogne :
« Si Sitbon dit non pour les subventions, c’est non. La ‘cellule Sitbon’ passe directement des appels aux agents de la Région sur certains dossiers. Certains dossiers disparaissent, d’autres sont rajoutés au dernier moment. »
Un cadre de la Région renchérit :
« Il y a des fonctionnaires qui reçoivent un coup de fil de Sitbon leur disant : “Fais comme ça et débrouille-toi pour faire rentrer ça dans des cases”. »
« Cette cellule est au service de Wauquiez et non pas des territoires. Elle interfère sur le travail des services. Tout le monde est sous pression à la Région », dénonce Cécile Cukierman, présidente du groupe PCF – Front de gauche. Le Conseiller régional socialiste Jean-François Debat a son avis sur les membres de cette « cellule » :
« Ce sont des postes de cabinet déguisés. »
Officiellement, Sitbon fait remonter les demandes de subventions des territoires et fait le lien entre tous les élus du périmètre de la Région, les vice-présidents du conseil régional et les référents territoriaux. Le système des référents territoriaux a été créé de toutes pièces par Wauquiez dans la foulée de son élection. Tous sont issus des rangs de la majorité régionale LR-UDI-MoDem. Leur rôle est de faire remonter jusqu’à la Région les besoins des élus locaux, notamment en matière de subventions. Pour la majorité, il s’agit de traiter les demandes plus rapidement afin de gagner en efficacité.
La « cellule Sitbon », installée au 5e étage du conseil régional / Crédits : Emmanuel Bossanne
« La ‘cellule Sitbon’ est là pour que l’argent arrive au bon endroit au bon moment »
Les groupes d’opposition de gauche ne voient vraiment pas les choses de la même façon. Ils fustigent la disparition des instances de décisions collégiales et pointent les « risques clientélistes ». Selon Debat, le président du groupe socialiste, « la cellule Sitbon est là pour que l’argent arrive au bon endroit au bon moment ». « Le système des référents territoriaux est totalement opaque », dénonce l’écologiste Jean-Charles Kohlaas :
« Il n’y a plus de jury et plus de comité d’avis pluripartite. Avant il y avait des critères décidés en Assemblée plénière mais désormais ce sont directement les proches de Wauquiez qui disent oui ou non. »
Les associations aux thématiques jugées « trop idéologiques » – comprenez trop à gauche – par la majorité, ont vu leurs subventions diminuer : culture, solidarité internationale, égalité femmes-hommes et écologie.
Le président de la Région avait affiché la couleur peu avant le premier tour des Régionales, fin 2015, fustigeant dans un courrier aux agriculteurs révélé par Reporterre « les ayatollahs écologistes » et assurant dans un autre courrier, cette fois-ci aux chasseurs, que les nouveaux élus « seront enfin attentifs à assurer un juste rééquilibrage des subventions ».
Arrivés aux affaires, les équipes de Sitbon passent des paroles aux actes. Selon des chiffres que StreetPress s’est procuré, la majorité a ainsi diminué de 60 % en 2016 le montant alloué à Graine Auvergne-Rhône-Alpes, un réseau régional d’éducation à l’environnement et au développement durable, soit une perte de 176.000 euros. Elle a aussi supprimé la totalité de la subvention aux Compagnons de la Terre, une association qui œuvre en faveur du développement agricole bio. Dans le même temps, Wauquiez a accordé 3 millions d’euros à la Fédération régionale de chasse, en septembre 2016. Pour tenter de peser face à ces coupes budgétaires, une centaine d’associations se sont regroupées début 2017 au sein du collectif « Vents d’asso ».
Sitbon prépare les élections
Kohlaas voit également « la patte » de Sitbon dans la répartition des subventions régionales aux différentes communes :
« Les villes qui ne risquent pas de changer de majorité aux municipales [de 2020], comme Vichy, sont moins subventionnées que celles où il y a plus d’enjeux électoraux et un possible basculement, comme Valence, Roanne ou Bourgoin-Jallieu. »
Pour sa défense, la majorité met en avant « l’assouplissement » des critères. Elle souligne aussi que si les subventions bénéficient surtout aux communes dirigées par la droite et le centre-droit, c’est parce que « 70 à 75 % » des élus du territoire sont issus de ses rangs depuis les pertes successives de la gauche. En clair, circulez il n’y a rien à voir.
Sitbon, super stratège en campagne
Fin politique, Wauquiez ne s’est pas trompé en recrutant l’un des plus grands spécialistes de la carte électorale de France, tombé très tôt dans la marmite. Entre Sitbon et la politique, l’histoire d’amour commence en 1981. Cela ne s’invente pas : Sitbon, alors âgé de 13 ans, tombe malade… dans la foulée de l’élection de François Mitterrand. Bloqué à la clinique, l’adolescent met à profit son temps pour décortiquer les résultats de la présidentielle et des législatives publiés dans les journaux. Doté d’une mémoire prodigieuse, Sitbon apprend l’histoire de chaque circonscription et de chaque canton du pays. Il s’intéresse spécifiquement au report de voix entre le premier et le second tour.
Sitbon adhère en 1987 au RPR. On le retrouve lors des législatives de 1993 dans la circonscription de Sarcelles, où Dominique Strauss-Kahn, côté PS, affronte Pierre Lellouche, côté RPR. « Il m’a puissamment aidé », se souvient encore Lellouche 24 ans après cette campagne homérique. Sitbon, le jeune Parisien, débarque dans le Val-d’Oise sans jamais y avoir mis les pieds. Mais il apprend vite, très vite. Lellouche lui confie tous les résultats de la circonscription depuis 1979. Sitbon les analyse avec méticulosité, bureau de vote par bureau de vote.
Quinze ans avant le succès de la méthode de campagne de Barack Obama professionnalisant, grâce aux datas, l’action de terrain pour cibler précisément les électeurs, Sitbon propose déjà au candidat RPR de faire une campagne au plus proche des habitants, bloc d’immeuble par bloc d’immeuble. L’ex-député de Paris Lellouche est encore étonné :
« Il a une compréhension presque instinctive de la sensibilité du terrain, un don pour l’analyse sociologique. Il disait qu’il ne fallait pas faire campagne dans tel ou tel quartier car les électeurs votaient à gauche, ou qu’il fallait se rendre dans tel autre endroit pour aller chercher nos électeurs. »
En mars 1993, rares sont les personnes à miser sur la victoire de Lellouche. Qu’à cela ne tienne : il l’emporte de justesse face au ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur. Quelques jours avant le second tour, Sitbon aurait même prévu, au centième près, le score que Lellouche réalisera face à DSK : 51.22 %.
Ses talents d’oracle politique ont fait sa légende. Sitbon parie ainsi que le FN ne remportera aucune région lors des régionales de 2015. Il pense aussi que Saint-Ouen, bastion communiste, basculera à droite lors des municipales de 2014. Sitbon apporte sa finesse de perception des rapports de force. Il cerne l’état d’esprit des adhérents de son parti. « Il avait bien senti le décalage de popularité chez les militants entre Fillon et Copé en 2012 », témoigne un ex-cadre du parti. La pythie commet tout de même quelques erreurs. Comme beaucoup, il a été incapable de prédire la victoire surprise de la droite aux municipales à Limoges, en 2014, ou celle de la gauche lors des sénatoriales de 2011.
Sitbon, passionné par la carte électorale, a découpé de nouvelles circonscriptions pour favoriser l'UMP / Crédits : Emmanuel Bossanne
Trianguler le FN
Après Sarcelles, c’est dans une autre commune qui comprend des quartiers populaires que Sitbon, diplôme de droit et de l’EHESS en poche, débute sa carrière professionnelle trois ans plus tard : à Dreux. Dans le milieu politique, naturellement. En janvier 96, il devient directeur de cabinet de Gérard Hamel, député RPR et maire de la Sous-préfecture d’Eure-et-Loir. Retour sur le contexte politique local : dans cette commune où le RPR et le FN avaient fait alliance en 1983, Hamel remporte la mairie en juin 1995 face à la liste frontiste menée par l’ex-députée (1989-1993) Marie-France Stirbois. Mais patatras, l’élection municipale est invalidée quelques mois plus tard par le Conseil d’Etat.
Directeur de campagne du très chiraquien Hamel, Sitbon se démène pour le maire RPR sortant. « Sitbon était conscient de son challenge. Il savait que Jacques Chirac attendait des résultats à Dreux », rappelle un bon connaisseur de la vie locale. Il lui permet de l’emporter largement lors de la municipale partielle de novembre 1996, bien aidé par le retrait de la gauche entre les deux tours afin de faire barrage aux frontistes. Pour le FN local, qui avait fait de Dreux son « laboratoire politique » depuis une quinzaine d’années, c’est un coup d’arrêt.
Aux manettes de Dreux, Hamel et Sitbon se vantent de faire reculer la délinquance, notamment grâce à la vidéosurveillance. Lellouche raconte :
« Sitbon a nettoyé le FN de façon extrêmement fine, il a fait un boulot très spectaculaire. Hamel ne jurait que par lui. »
« J’ai rarement vu un dircab aussi puissant. Il rectifiait tous les tirs de l’opposition. Il n’y en a pas eu d’autres comme lui à Dreux après », commente un ancien élu du département.
L’âme d’un tueur
Mais déjà à Dreux, Sitbon s’attire les foudres de l’opposition. « Pour ses adversaires politiques, c’est l’ange noir manipulateur n’hésitant pas à faire des coups bas », rembobine un autre observateur de la vie locale. Un élu d’opposition socialiste se souvient parfaitement de Sitbon :
« C’était un homme de l’ombre qui prenait un plaisir extraordinaire à mener une bataille politique. »
Sitbon adore les combats. « En politique, j’aime faire mal à l’adversaire. (…) Lorsque ça castagne, je suis dans mon élément », déclare-t-il en 2002 dans un portrait publié par l’Optimum. Il ajoute :
« Franchement, je suis plus destructeur que constructeur. Je pourrais laisser ma santé dans un combat qui semble perdu d’avance alors qu’exercer le pouvoir ne m’excite pas plus que ça. »
Sitbon ne s’est présenté qu’une seule fois à une élection, aux municipales de 2008 à Paris. Troisième sur la liste de Lellouche dans le 8e arrondissement, il n’a finalement pas été élu, la faute à la victoire du maire sortant François Lebel, pourtant dissident.
Les ciseaux de Marleix et Sitbon redécoupent la carte électorale
Sitbon joue très tôt des coudes dans le parti. Il gravite chez les Jeunes RPR et dispose de précieux contacts au cabinet d’Alain Juppé, Premier ministre de Chirac entre 1995 et 1997. En septembre 2007, quelques mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, Sitbon quitte Dreux au grand regret de Hamel et devient directeur du service élections de l’UMP. Il est alors placé sous l’autorité d’Alain Marleix, indéboulonnable Secrétaire national aux élections de l’UMP, connu pour être depuis des années le « Monsieur élections » du parti. Marleix, qui l’a fait venir à l’UMP, ne tarit pas d’éloges sur son ancien protégé :
« C’est l’un des meilleurs connaisseurs de la carte électorale, quelqu’un de remarquable. Il passait son temps à mettre à jour sa connaissance. Le seul petit bémol, c’est que j’aurais voulu qu’il soit davantage sur le terrain. »
Au côté de Marleix, secrétaire d’Etat chargé des collectivités territoriales, Sitbon participe au redécoupage électoral des circonscriptions préparé en 2008 et 2009 à la demande de Sarkozy. Un tripatouillage visant à créer des circonscriptions sur mesure pour la droite. « Il a fait un gros travail pour rencontrer les élus UMP, solliciter leurs avis et les informer du redécoupage ou non alors que moi, je m’occupais de l’opposition », témoigne Marleix. Sitbon travaille aussi sur ce dossier avec l’Elysée. Il rencontre à cette occasion Eric Schahl, Conseiller technique chargé des élections de Sarkozy entre 2009 et 2012.
L'homme qui murmure à l'oreille de Wauquiez / Crédits : Emmanuel Bossanne
Sitbon, roi des investitures
Les deux hommes supervisent aussi les investitures de l’UMP. Le soir, ils peuvent passer de longues heures à balayer une liste de cantons, ou s’attarder sur un cas précis. Après chaque soirée électorale, Sitbon passe une nuit blanche pour analyser en détails les résultats et en faire une synthèse pour les cadres du parti.
A ce poste, Sitbon rencontre la plupart des élus UMP puis LR en fonction, comme ceux qui comptent l’être un jour, voire certains qui l’ont été et entendent bien le redevenir. Cela fait donc du monde. Son bureau situé au 3e étage de la rue de la Boétie, le siège de l’UMP dans le 8e arrondissement de Paris, puis celui de la rue de Vaugirard, dans le 15e arrondissement, lui aussi situé au 3e étage, est un défilé permanent. Les candidats le savent : Sitbon participe à chaque réunion de la Commission nationale d’investiture (CNI), et prépare en amont les dossiers. Il est l’un des cadres les mieux informés et les plus influents.
Sitbon œuvre en coulisses pour favoriser ses protégés. Ainsi, il affiche un soutien sans faille à un jeune élu qu’il a remarqué, l’actuel député LR du Lot Aurélien Pradié, élu Conseiller général en 2008 à tout juste 20 ans. Simple coïncidence ? Pradié est aujourd’hui proche de Wauquiez et participe activement à sa campagne pour la présidence du parti.
A l’inverse, Sitbon peut, sans états d’âmes, exécuter politiquement. Un élu se souvient encore du savon mémorable que Sitbon lui a passé peu avant une élection il y a quelques années. A l’époque, cet élu reçoit la double investiture UMP et Parti radical. Il subit de fortes pressions du « Monsieur élections » de l’UMP pour rattacher financièrement sa candidature à l’UMP et non au Parti radical. Finalement, il opte pour ce dernier. Dans les couloirs du parti, la simple prononciation du nom de ce « traître » provoque alors la colère du responsable des élections. La suite, ce dernier la raconte « en Off », encore traumatisé par cet événement :
« Il l’a pris comme une trahison. Il m’a dit qu’il me détruirait, que je n’aurai pas d’avenir politique à l’UMP. »
Une élection, c’est comme une guerre…
Dans son bureau, souvent parcouru par la fumée des cigarettes, l’éminence grise distille aux aspirants ses précieux conseils pour mener campagne : comment séduire les notables, réussir une campagne de porte-à-porte, ou l’intérêt de consulter les listes d’émargement entre les deux tours… Du très classique, mais pas seulement car le responsable des élections du parti ne s’embarrasse pas toujours des questions éthiques. Chez Sitbon, la fin justifie les moyens.
« Il a des méthodes peu recommandables », lance un ancien cadre du parti. L’un de ses conseils ? Téléguider une candidature alternative contre le principal adversaire. Lors des dernières législatives à Paris, Sitbon conseille ainsi à un candidat LR de susciter une candidature contre son adversaire d’En Marche ! Le but de la manœuvre ? Piquer quelques précieuses voix en entretenant le flou sur l’étiquette du candidat téléguidé. Sitbon suggère même un slogan pour ce candidat-marionnette : « Ensemble marchons à Paris ».
Autre conseil donné, pour les municipales cette fois : placer quelques personnes de confiance sur la liste d’un adversaire qui se retireront au dernier moment, juste avant le dépôt des listes. Objectif : empêcher ainsi son concurrent d’être candidat. « Quand j’ai vu la série Baron Noir, je me suis tout de suite dit que Sitbon aurait pu être conseiller scénario », sourit un ancien cadre du parti.
Ces recommandations, Sitbon les glisse aussi régulièrement lors de formations données aux Jeunes Populaires, aux élus et aux candidats de son parti. Février 2016, il lance son activité de conseil en relations publiques et communication, délivrant depuis deux prestations hors de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
« Il n’aime pas laisser de traces »
Homme de l’ombre, Sitbon ne s’assoit jamais aux premiers rangs des meetings ou des réunions du parti, préférant observer et écouter à l’abri des regards. « Il ne s’épanche pas sur sa vie, il sait compartimenter les choses », souligne un observateur. Un autre : « Ce n’était pas un joyeux drille. Il est assez sombre, dans la retenue, il cache ses émotions. Il n’apparaît pas beaucoup sur les photos. Il ne cherche pas la lumière mais à avoir de l’influence. »
Méfiance ou simple méthode de travail dénuée d’arrière-pensée ? Sitbon a toujours préféré l’oral à l’écrit. Un cadre du parti :
« Il écrit peu, il est beaucoup plus dans l’oralité. Il n’aime pas laisser de traces, il ne fait pas de notes. »
« Il m’a appris que quand on a un mot à faire passer, on voit les gens. La parole engage. Quand il dit quelque chose, il le fait », justifie Kamel Rezagui, qui a succédé à Sitbon à la tête du service élections de LR.
L'homme enchaîne les réunions secrètes / Crédits : Emmanuel Bossanne
Légitimiste avant tout
Si Sitbon est quasi-unanimement qualifié de tueur, il est aussi décrit comme quelqu’un de fidèle. Il est apprécié par les cadres de son parti. « C’est quelqu’un de très observateur, à l’écoute, carré, qui va droit au but. Il est aussi bienveillant. Il m’a toujours dit que sa porte resterait toujours ouverte », déclare l’ancien président des Jeunes populaires, Stéphane Tiki. « Il est très rigoureux et travailleur, toujours très disponible », note aussi la maire du IXe arrondissement de Paris, Delphine Burkli.
Dans son bureau, où s’entassent des piles de documents rangés seulement avant de partir en vacances, Sitbon montre fièrement à ses visiteurs le portrait du général de Gaulle, de Georges Pompidou, de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, ainsi qu’une photo commune de Pompidou et de Gaulle. Exit donc Valéry Giscard d’Estaing, pas issu de la famille gaulliste. Les deux assistantes de Sitbon affichent quant à elles fièrement des statuettes de Chirac. Le député LR de l’Yonne Guillaume Larrivé :
« Sitbon est profondément patriote, sincèrement et charnellement gaulliste. Il a l’esprit de compagnonnage du RPR. »
A Dreux, Sitbon déclare un jour, grandiloquent, qu’il « continuera jusqu’à son dernier souffle » son engagement « pour le général Gaulle et pour son pays ». C’est à peu près à la même époque que cet homme bien à droite délivre une certaine idée de la France. « La gauche n’aime pas la France, donc je combats la gauche. Je voterai même pour un con de droite pour barrer la route à un socialiste », dit-il à l’Optimum.
On ne lui connaît guère de passions en dehors de la politique. Tout juste sait-on qu’il aime passer ses vacances en Espagne, qu’il boit de l’alcool uniquement le week-end, qu’il ne lit pas de romans, qu’il n’a pas le permis de conduire et qu’il n’est pas originaire de Corse, contrairement à ce que prétendent plusieurs personnes interrogées. Légitimiste, Sitbon est au service du chef, quel qu’il soit, et cela suffit apparemment à son bonheur.
En campagne pour Wauquiez
Depuis son arrivée à Lyon, Sitbon ne ménage pas ses efforts pour Wauquiez sans jamais délaisser la politique nationale : à la rentrée 2016, il anime un séminaire de formation pour les candidats aux législatives déjà investis par LR. Le 9 octobre, on croise aussi Sitbon au grand meeting de Sarkozy au Zénith de Paris.
Le 16 septembre dernier, Sitbon accompagne Wauquiez lors d’une réunion de rentrée des Républicains d’Eure-et-Loir, à Tremblay-les-Villages. Il est accueilli à bras ouverts par des militants ravis de le revoir, dix ans après son départ de Dreux. Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et candidat à la présidence du parti LR lui, remercie Hamel de « lui avoir laissé un aussi bon directeur de cabinet ».
Quelques jours plus tôt, les 2 et 3 septembre, Sitbon avait aussi participé au Campus de rentrée des Jeunes Républicains, à Lyon, événement tout acquis à la cause de Wauquiez. « Je le croise assez souvent car il fait partie de son équipe rapprochée », confirme un cadre de la campagne. « Laurent apprécie Ange pour sa capacité de travail, son expertise, sa loyauté. Ils ont travaillé ensemble chez LR et ça matche », précise Rezagui. Devant ses proches, l’ex-responsable des élections vante les mérites de Wauquiez, « quelqu’un qui écoute beaucoup puis tranche. »
A l’été 2017, Sitbon confie à un interlocuteur le plan de Wauquiez « pour prendre la tête du parti » et se réjouit d’avance de la victoire annoncée du grand favori. « Maintenant, il y aura une tête », lui glisse-t-il. Un de nos interlocuteurs voit dans la campagne de Wauquiez la marque de fabrique de Sitbon et « de gens qui connaissent l’appareil », notamment la volonté du candidat de « fuir les débats », une « tactique habile pour ne pas sortir abîmé » de la campagne.
Lors d’un meeting de Wauquiez organisé à l’Hôtel Méridien le 20 novembre à Paris, le candidat vante les mérites de l’indéboulonnable patron des députés LR Christian Jacob, présent à ses côtés ce soir-là : « Mon grand père disait “quand on monte au front, est-ce qu’on a besoin de se retourner ou non ?” Avec Christian, on n’a pas besoin de se retourner’ ». Cela pourrait tout autant convenir à Ange Sitbon.
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