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    18/07/2017

    Condamné en France pour la mort de Saïd Bourarach, Israël va-t-il l’extrader ?

    La folle cavale de Dan Lampel, ancien de la LDJ

    Par Johan Weisz

    Condamné pour des violences ayant entrainé la mort du vigile Saïd Bourarach, Dan Lampel s'est barré en Israël. Entre braquage foiré et trafic de drogue, StreetPress te raconte la cavale de l'ancien membre de la Ligue de Défense Juive.

    « Quel imbécile irait croupir dans une prison française alors qu’il peut continuer à vivre comme un délinquant en Israël ? » C’est ainsi qu’un site d’info israélien titrait ironiquement, en janvier dernier, sur la drôle de cavale de Dan Lampel, 26 ans, en Israël.

    Condamné à 9 ans de prison en France – pour des violences ayant entraîné la mort d’un vigile avec qui il avait eu une altercation -, le jeune Franco-israélien avait filé en Israël quelques heures avant que le tribunal ne rende son verdict. Sauf que contrairement à une idée reçue, le pays extrade – assez souvent d’ailleurs – ses ressortissants ! Entre un braquage raté, des agressions violentes et du deal de drogue, l’ancien membre de la nébuleuse LDJ [Ligue de Défense Juive], a fait tout sauf profil bas depuis qu’il a posé ses valises dans une cité balnéaire de la côté israélienne. Un tribunal de Jérusalem pourrait statuer dès cet été sur l’extradition de Dan Lampel. StreetPress rembobine la story.

    L’« affaire Bourarach »

    Nous sommes en mars 2015. Cinq ans après les faits, Dan Lampel, mâchoire carrée et cheveux châtains, comparaît huit jours durant devant le tribunal de Bobigny. Il est jugé, ainsi que 3 autres complices, pour la mort de Saïd Bourarach, un vigile marocain d’une boutique de bricolage.

    Le 30 mars 2010 à 19h05, Dan Lampel se pointe à l’heure de la fermeture devant le magasin Batkor pour y acheter un pot de peinture. Saïd Bourarach, l’agent de sécurité, lui refuse l’entrée. S’ensuit une violente altercation : coups, jets de gaz lacrymogène. L’affaire aurait pu en rester là, mais Dan Lampel appelle ses frères, son cousin et un ami à la rescousse. En attendant, il ôte son t-shirt et s’arme de la manivelle du cric rangé dans le coffre de la voiture.

    A l’arrivée des renforts, la bagarre reprend et les coups redoublent – on retrouvera sur le corps noyé de Saïd Bourarach des marques d’ecchymoses et d’hématomes dans le dos, sur les bras, sur le torse et au visage. Le vigile renvoie des jets de lacrymo, mais la bande finit par prendre le dessus et le vigile, poursuivi par 4 hommes, se jette à l’eau avec son chien dans le canal de l’Ourcq tandis que les jeunes jettent des pierres dans sa direction puis quittent les lieux.

    Au dernier jour de son procès, alors qu’il est sous contrôle judiciaire, Dan Lampel ne se présente pas devant le tribunal devant lequel il a comparu 7 jours durant.

    Le début d’une folle cavale.

    Le caïd de Netanya

    Pas de scénario à la James Bond pour Dan Lampel, lorsqu’il fuit l’Hexagone malgré son interdiction de quitter le territoire. La police cherche un Français. Né avec la double nationalité franco-israélienne, à l’aéroport, il lui suffit de présenter son passeport israélien pour passer entre les mailles du filet. Il pose ensuite ses valises à Netanya, où il a de la famille. La ville israélienne sur la côte méditerranéenne, est très prisée par les francophones qui y représentent un tiers des habitants.

    Mais en dépit du bon sens, Dan Lampel s’y fera tout sauf discret. Il s’impose vite comme un des petits caïds de la ville. Un ancien responsable de la sécurité de la ville cité par le site Mako se souvient :

    « Les gens avaient peur de [Lampel], même au sein de la communauté française (…) Ceux qui ne faisaient pas ce qu’il demandait prenaient des coups »

    De fait, sur le « kikar », la grande place commerçante et touristique de la ville, Lampel est connu comme le loup blanc pour ses embrouilles avec les habitants. Comme la fois où il tente de braquer la caisse d’une pizzeria en s’introduisant par l’entrée de service. Il fait choux blanc. Impossible d’accéder au cash. Il repart avec une bouteille et se fait chopper par la police le jour-même.

    Parfois les embrouilles de Lampel sur le « kikar » partent en vrille. Comme ce jour où, selon la presse israélienne, Lampel, accompagné de ses potes, demande une cigarette à un promeneur… qui la lui donne. Mais Lampel en demande une autre, et devant le refus, tabasse le passant :

    « Lui et ses amis m’ont attaqué, m’ont mordu dans le dos, m’ont frappé avec des coups de poings et de pieds sur tout le corps »

    La justice israélienne localise Lampel… dans une de ses prisons

    La justice française mettra tout de même plus d’un an à adresser sa demande d’extradition. Mais lorsqu’en décembre dernier la Cour de district de Jérusalem se voit confier l’examen de la demande d’extradition, les autorités locales n’ont pas de mal à localiser Dan Lampel, puisqu’il est… à la prison de Hadarim. Le jeune Franco-israélien est mis en cause pour un trafic de stupéfiants : les flics, lors d’une descente à son domicile, y ont découvert 95 grammes de crystal meth !

    Dans la foulée de l’audience où Dan Lampel comparaît pieds et poings menottés, la demande d’extradition française remonte à la surface et prend une tournure politique en Israël. A la télévision, elle est devenue « l’affaire Dan Lampel », avec la diffusion début juillet d’un docu qui va jusqu’à reconstituer certaines des scènes de l’affaire, sur les bords du canal de l’Ourcq.

    Le documentaire donne la parole à des responsables israéliens de premier plan, comme l’ancienne Premier ministre et ministre de la Justice, Tsipi Livni, pour qui Israël ne peut « devenir un refuge pour les criminels ayant commis des méfaits de par le monde ». Sur le papier, tout plaide pour suivre la demande du procureur de l’Etat israélien d’extrader Dan Lampel. Car depuis 1999, Israël extrade ses ressortissants nationaux. Le Figaro rapporte ainsi un cas similaire à celui de Lampel ou un binational condamné en France a été extradé en 2015 pour purger sa peine dans l’Hexagone.

    « Ne laissons pas un frère mourir dans une prison française »

    Sauf que l’arrivée du sujet dans le débat médiatique israélien pourrait changer totalement la donne. D’abord parce que l’affaire Lampel fait écho à l’affaire Lee Zeitouni, ce fait divers qui a défrayé la chronique, avec ces deux chauffards qui ont renversé et tué la jeune israélienne Lee, avant de prendre la fuite en France. Or la France a refusé l’extradition. Les deux hommes ont été jugés et ont purgé leur peine en France. « Nous réclamons l’application du principe de réciprocité avec l’affaire Lee Zeitouni et que Dan soit jugé et purge sa peine en Israël », explique à StreetPress par téléphone Me Mira Beiton, l’avocate de Dan Lampel.

    Et l’avocate de Lampel de confier à StreetPress :

    « Je suis optimiste, car après la première décision, nous pourrons faire appel. Et ensuite, si la décision ne nous est toujours pas favorable, la ministre de la Justice doit signer l’acte d’extradition. L’extradition est un sujet politique, c’est une lutte de relations publiques »

    D’autant que les arguments des défenseurs de Lampel pourraient faire mouche auprès d’une partie de la société civile israélienne. L’avocate de Lampel – et c’est aussi la thèse du documentaire de la télévision israélienne sur « l’affaire Lampel » – assure que des menaces pèsent sur la vie de Dan Lampel si ce « juif israélien condamné pour avoir tué un marocain musulman » était incarcéré dans une prison française où « la majorité des détenus sont musulmans », assure Samuel, son frère. Pour la mère de Dan Lampel, c’est clair : « ils vont le tuer, ils vont l’égorger ! Hors d’Israël, il est mort », déclare-t-elle devant la caméra de la 2e chaîne. Un argument qui agace Me Dominique Cochain, qui défend la nièce et le frère de Saïd Bourarach: « les deux condamnés [de l’affaire Bourarach] qui ont purgé leur peine sont sortis de prison… bien vivants ! ».

    Sur la toile, deux pétitions demandant le refus de l’extradition circulent. « Si on laissait [Dan Lampel] revenir en France ce serait accepter son assassinat programmé », proclame l’une, quand l’autre juge :

    « Ne laissons pas un frère mourir dans une prison française ! »
    Cette dernière pétition a été lancée par… Jason T. aka « Binch », un ancien pilier de la LDJ condamné à plusieurs reprises à des peines de prison, pour des actions du groupuscule.

    Note : Sollicité par StreetPress, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité confirmer les informations parues dans la presse israélienne sur l’affaire Lampel, ni apporter de commentaire.

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