Pourquoi avoir choisi d’insister sur la religion dans le nom de votre mouvement ?
Je ne suis pas née avec le voile. Je le porte depuis uniquement deux ans. Et en réalité, je l’ai porté que 6 mois à cette époque là car quand je recherchais un emploi, j’ai dû le retirer pour pouvoir continuer à travailler en tant que consultante. J’ai finalement arrêté mon activité pour me consacrer à la cause des sourds et malentendants. C’est à ce moment que j’ai pu porter à nouveau mon voile
Le voile n’est pas une volonté d’afficher quoi que ce soit. C’est une conviction intime. J’ai rejoint ce parti il y a quelques mois car j’avais besoin de faire ce travail politique. Face à une islamophobie entretenue par les médias et les politiques, on apporte une réponse avec nos propres représentants. Dans le paysage politique on n’a aucun parti qui fait un travail de fond pour lutter contre l’islamophobie. Différents rapports de l’Union européenne le soulignent et envoient un signal d’alerte à nos responsables.
En réponse à cette situation on se présente en tant que Français et musulmans porteurs de valeurs positives. Pourquoi on se revendique musulman ? Car c’est notre identité, même si on nous demande d’être discrets.
Qu’est ce qui vous a conduit à la politique ?
Il y a cinq ans, je me suis engagée dans la lutte contre l’islamophobie, lors de la polémique dite du “pain au chocolat” de Jean-François Copé, alors président de l’UMP. Nous l’avons interpellé directement pour lui faire part de l’offense et de l’amalgame que comportaient ses propos envers les citoyens musulmans.
Plus jeune, je n’avais pas ce sentiment d’oppression. Il a grandi au fur et à mesure.
J’ai deux enfants qui ont 19 et 14 ans. Il m’ont posé beaucoup de question au moment de cette polémique du pain au chocolat ou bien lors de la publication des caricatures du prophète Mahomet. Ils ne savaient pas quoi penser ni comment réagir. Comment doit-on se positionner ? D’autant que leur père est français de “souche”, comme on dit et converti à l’islam. Il s’est passé quelque chose qui m’a marqué. Ils ont commencé à appréhender les conséquences de ces polémiques sur notre famille. En tant qu’enfants leurs interrogations n’avaient pas lieu d’être. Et pourtant ils craignaient qu’il y ait un clash entre la famille de mon mari de culture chrétienne et la nôtre.
De tout ça est né mon désir de m’engager en faveur du vivre-ensemble dans le monde associatif et maintenant en politique.
Et vous quelle est votre position par rapport aux caricatures ?
Pour moi c’est un peu choquant. Je suis croyante. Mais je ne suis pas favorable à l’interdiction des caricatures. Je pars du principe que toute personne est libre et a droit à la parole. C’est à nous, citoyens musulmans, par la discussion d’expliquer les choses s’il y a des interrogations. De par mon parcours j’ai été amenée à fréquenter tous types de populations et opinions. Donc j’ai l’habitude d’entendre la contradiction et d’être dans une position de discussion plutôt que d’être dans le rejet et l’accusation.
Rassurez-nous, vous ne comptez pas remplacer la Constitution par la Charia (sic) ?
J’ai bien saisi votre ironie, mais on n’est pas du tout dans cette optique. Ça n’a rien à voir… Des cadres du parti portent la barbe et c’est une barbe tout ce qu’il y a de plus moderne. Il n’y a rien de choquant dans la forme de leur barbe…
Avant de proposer mon profil à ce parti je me suis beaucoup renseigné à leur sujet en discutant avec eux sur leurs objectifs. Nous sommes des cadres, entrepreneurs, responsables associatifs qui estimons avoir des réponses sociales à apporter pour la société…
Justement, pourquoi constituer un parti qui fait référence à l’islam, plutôt que de rejoindre un mouvement existant et plus large ?
Le parti est une réponse politique aux politiciens qui font de l’appartenance à l’Islam un problème. C’est un travail de longue haleine. Si dans 5,10,15 ans, l’islamophobie disparaît du paysage francais, on changera de nom. Aujourd’hui les autres partis qui mettent en avant des candidats de la diversité ne font pas ce travail de fond contre l’islamophobie et les discriminations. C’est en cela que notre parti a le mérite d’exister.
À part le nom, qu’est-ce qu’il y a de “musulman” dans votre parti ?
Nous ne sommes pas un parti musulman. “ Français et musulman” existe parce que des politiques font des musulmans un problème. Nous souhaitons répondre à cette stigmatisation en présentant des candidats porteur d’une offre politique.
Pour répondre plus directement à votre question, nous portons une éthique politique et républicaine. A savoir porter haut les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité. Comme je l’ai toujours dans le monde associatif. On propose de reverser notre indemnité d’élu(e)s à des associations de notre circonscription. Voilà, je dirai que c’est toute une vision de la politique au sens noble du terme.
De quel bord politique êtes-vous ?
Aujourd’hui, le concept droite-gauche est dépassé. J’ai une double sensibilité du fait de mon parcours, d’une part entrepreneuriale et de l’autre sociale. J’ai une sensibilité de droite liée à ce premier côté, mais le libéralisme doit avoir un cadre. Ce que je souhaite défendre c’est un libéralisme à vocation sociale.
Il faut de la concurrence, il faut prendre part à la mondialisation, mais les richesses doivent être réparties beaucoup plus équitablement. J’ai une aversion profonde envers ces entreprises qui s’en mettent plein les poches, tandis que leurs salariés vivent au smic, sans accès au loisir ou à la culture.
Plusieurs organisations musulmanes se sont déclarées opposées au Mariage pour tous. Etes vous favorable à son abrogation?
C’est vrai qu’on peut se dire que le parti Français et Musulmans voudra absolument abroger cette loi. Elle a été votée et il y a une demande des Français dans ce sens. Donc on ne va pas aller à son encontre, ni revenir dessus.
Moi personnellement je ne regarde pas l’orientation sexuelle de la personne. Je peux comprendre à titre personnel l’amour entre deux hommes et deux femmes. Cela relève de leur vie privée et ce n’est pas à moi de m’improviser juge des bonnes moeurs entre deux individus. La loi a été votée point barre.
Dans le monde associatif on travaille ensemble et les homosexuels sont eux aussi discriminés. Donc ce n’est certainement pas moi qui vais les marginaliser.
Est-ce que l’élection est votre objectif ou souhaitez-vous surtout faire passer un message ?
Je suis tous les jours sur le terrain, donc si je fais tous ces efforts, c’est bien sur pour entrer à l’Assemblée nationale. Jean Christophe Lagarde a été élu aux dernières législatives avec 16128 voix et 57 % d’abstention. C’est à ça que se joue une élection. Mais nous sommes conscients d’être sur un travail de longue haleine qui va durer plusieures années. Nous sommes un jeune parti et nous devons faire nos preuves.
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