Dans le champ des énergies renouvelables ou dans le secteur du bâtiment – avec l’isolation des logements par exemple – on sait que la transition énergétique va créer des emplois. Mais très concrètement, le gouvernement n’a pas mis en place les outils pour assurer les transitions professionnelles. On a donc un blocage sur cette question de la part des salariés et des syndicats. Ce qui est une réaction logique et légitime.
Une transition énergétique présente dans les esprits mais jamais concrétisée
Que ce soit au niveau national ou local, cette transition n’a jamais été organisée en termes de mutations professionnelles. On en arrive aujourd’hui à des situations de défiance.
Il est plus qu’urgent de prévoir la transformation des emplois dans les secteurs de l’énergie ou du bâtiment par exemple, car cette transition aura lieu qu’on le veuille ou non. Les acteurs de la vie économique et des territoires doivent mettre en place un accompagnement au niveau des bassins d’emploi.
Des salariés vont perdre leur emploi. Dans le même temps – et c’est la force de la transition énergétique – les secteurs qui se développent vont embaucher, plus massivement qu’en restant dans la situation actuelle.
On pourrait atteindre près de 380 000 emplois net en plus en France en 2030 avec la transition énergétique. Les deux secteurs qui seront les principales sources d’emploi sont les énergies renouvelables et l’isolation des logements. Même s’il y a des baisses d’emploi dans le nucléaire et les transports, les créations d’emplois dans les autres secteurs seront largement supérieures.
Exemple du secteur du bâtiment : une source d’emplois encore sous-exploitée
Le bâtiment est un exemple des opportunités qui s’offrent à nous, mais aussi de tout le chemin qui reste à parcourir.
Pour la rénovation des logements anciens, dont plus de 7 millions sont très mal isolés et considérés comme des passoires énergétiques, les objectifs sont ambitieux. La loi sur la transition énergétique prévoit la rénovation de 500 000 logements par an à partir de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes. En réalité, on est très loin d’atteindre ce but.
Et on a du mal à avancer, car les particuliers ont du mal à s’y retrouver parmi les aides financières nombreuses et complexes qui existent. Par ailleurs, les artisans sont plus ou moins formés à la rénovation énergétique des bâtiments. On n’a donc pas encore de mouvement massif pour la rénovation des logements, alors que c’est justement ce qu’il faut enclencher.
Les énergies renouvelables, telles que l’éolien, peuvent elles aussi créer plusieurs milliers d’emplois chaque année. Mais ce sont des filières qui ont presque été laissées à l’abandon pendant plusieurs années.
Les politiques de soutien sont restées longtemps instables sur les renouvelables ; cela fait 2 ans seulement qu’elles sont relancées par les pouvoirs publics. Ces filières doivent se remettre en marche et pour cela il faut de la visibilité sur quelques années, qu’elles puissent investir et créer ces emplois.
« Les politiques de soutien sont restées longtemps instables sur les renouvelables ; cela fait 2 ans seulement qu’elles sont relancées par les pouvoirs publics. »
Anne Bringault, CLER
La fermeture de Fessenheim avortée : la faute aux syndicats ?
La transition énergétique ne va pas à l’encontre des objectifs des syndicats en matière d’emplois. En ce qui concerne la fermeture de Fessenheim par exemple, les pouvoirs publics ne donnent pas d’alternative, alors je comprends que les salariés dans les sociétés de sous-traitance soient inquiets. Leur futur est préoccupant, c’est vrai. Moins pour les salariés d’EDF qui seront mutés ailleurs.
Toutefois, les syndicats devraient accepter l’idée que cette transition va se produire. Tous les domaines bougent. À un moment donné, freiner le déclin des énergies fossiles et nucléaire est contre-productif. Le mieux serait d’accompagner ces salariés.
Ils vont se retrouver un jour face au mur, et là ça va être encore plus douloureux pour les syndicats et les salariés qu’ils sont censés défendre.
« Les syndicats devraient accepter l’idée que cette transition va se produire. Ils vont se retrouver un jour face au mur. »
Anne Bringault, CLER
On annonce des fermetures, mais pas les mesures d’accompagnement
Quid des sous-traitants qui vivent grâce à la centrale ? Il n’y a pas eu de réelle concertation là encore entre les différents acteurs du territoire pour discuter de l’opportunité de développer d’autres secteurs.
Il y a des études qui ont montré que l’on pouvait développer le photovoltaïque, par exemple. Ce qui pourrait créer beaucoup d’emplois. Mais aucun plan de reconversion n’a été réalisé. Pour le moment, les salariés n’ont pas de perspectives d’avenir.
Si les mutations professionnelles ne sont pas préparées, c’est aussi parce que le gouvernement n’a fait que reculer sans cesse la date de fermeture de la plus vieille centrale durant le quinquennat. Les salariés ont gardé l’espoir que la centrale allait encore tourner pendant des années.
Idem pour la fermeture annoncée des centrales à charbon : il en reste encore une poignée en activité, en France. Là aussi, il y a eu une levée de boucliers des salariés, de leurs syndicats et des collectivités qui perçoivent des entrées fiscales grâce à ces centrales.
Le gouvernement a pêché par manque de clarté. Il n’a jamais voulu annoncer un plan clair : combien de réacteurs on va fermer, sous quel délai, pour laisser le temps d’organiser les transitions professionnelles.
Ce n’est pas la première fois qu’on est confrontés à ce genre de chamboulement. On avait beaucoup d’emplois dans les mines ou la sidérurgie à une autre époque. On sait qu’il faudra accompagner les salariés vers de nouveaux emplois.
La formation, l’autre chantier vers une transition réussie
La question de la formation, en lien avec la transition énergétique, est encore très balbutiante, même si des filières se créent pour des formations sur le renouvelable (maintenance des éoliennes par exemple). Des choses se mettent en place, mais sans visibilité sur le long terme.
Le ministère de l’Environnement prend des mesures en ce sens, mais dans le même temps le ministère du Travail, censé programmer les nouveaux besoins en compétences, les transitions professionnelles et les formations, ne les prend pas en compte.
C’est la cacophonie entre les différents ministères. Il serait temps d’adopter plus de transversalité, au gouvernement, comme au niveau des régions et des bassins d’emplois.
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