Porte de la Villette, Paris – Dans ce hangar loué pour l’occasion, les fans d’Asselineau sont chauffés à blanc. Sous les hourras, Vanessa Beeley prend le micro. La « journaliste » britannique galvanise la foule avant l’entrée en piste du leader de l’Union Populaire Républicaine. Ce 26 mars, le parti fête ses 10 ans. Plusieurs milliers de militants ont fait le déplacement. La foule écoute avec attention le speech de Vanessa Beelay :
« On nous ment. La Syrie n’est pas en guerre civile. Les réfugiés ne fuient pas le président Assad, au contraire. (…). C’est une sale guerre contre la Syrie menée par l’OTAN. »
Vanessa Beeley marque une pause, pour laisser la foule huer l’organisation militaire. L’invitée spéciale d’Asselineau est une petite star de la ré-information. Près de 15.000 abonnés sur twitter et des interviews vidéos vues plusieurs centaines de milliers de fois. Elle bosse pour 21st Century Wire, un blog bien connu outre-atlantique pour distiller fake news et autres théories fumeuses. Ils accusent notamment les casques blancs – nommés au prix Nobel de la paix – d’entretenir des liens avec des groupes terroristes. Un élément de langage lancé par Moscou largement démonté comme ici.
« Qu’on arrête de me faire passer pour un hurluberlu. Me qualifier de conspirationniste est une injonction à ne pas réfléchir », tonne François Asselineau, en lice pour l’élection présidentielle. L’accusation revient souvent et Streetpress a voulu en avoir le cœur net. Nous avons écouté une partie des discours du candidat du « parti qui monte malgré le silence des médias », épluché la liste des invités aux universités d’automne et regardé les comptes sur les réseaux sociaux des candidats UPR aux dernières élections.
Rappelons que – comme Streetpress le racontait en 2015 – le « petit » parti présentait 1971 candidats aux dernières élections régionales. Nous avons contacté à plusieurs reprises l’UPR. Nos demandes d’interview sont restées lettres mortes.
Table ronde farfelue
Notre croisière commence au bord du lac d’Annecy, le 22 septembre 2012. Cette première université d’automne pose les bases du logiciel idéologique de l’UPR. Le parti ne compte alors que quelques milliers d’adhérents, loin des 22.500 revendiqués aujourd’hui. Sous un chapiteau, une poignée de spectateurs assistent à un débat intitulé :
« La démocratie, les médias et la liberté d’expression. »
Autour de François Asselineau, le gratin du conspirationnisme français. Assis à deux chaises de lui, Robert Ménard, l’actuel maire de Béziers, monopolise la parole. A l’époque, il est en plein basculement. Fini le journaliste qui se bat pour la liberté de la presse. Quelques jours après ce raout, le fondateur de Reporters sans Frontières (RSF) lance Boulevard Voltaire, un média obsédé par une supposée islamisation croissante de la France et adepte des fake news. Il a notamment relayé, en février 2015, la création d’une mosquée à Tulle, subventionnée par les deniers publics. C’est faux, comme expliqué ici.
Benajam du Réseau Voltaire
En face d’Asselineau, un homme à la mèche grisonnante s’emporte fréquemment. Alain Benajam a le sang chaud. Lui aussi a un joli CV. Il a fondé le Réseau Voltaire dissout en 2007 avant d’être refondé en 2012 autour du pape du conspirationnisme Thierry Meyssan. Benajam prend alors la présidence du Réseau Voltaire France, sa branche française. A longueur d’articles, l’équipe pourfend le nouvel ordre mondial et le complexe militaro-industriel américain à l’origine du 11 septembre (la thèse qui a rendu célèbre Meyssan). Une obsession qui ressort dans les interventions de Benajam à la table de l’UPR :
« Si nous sommes ici [en France] asservis et passifs, le peuple syrien, lui, se bat les armes à la main et le dos au mur contre les milices recrutées perpétuellement et bien armées par les USA et leurs marionnettes, milices qui ont détruit ce pays tranquille. »
Comme le note Conspiracy Watch, depuis 2012, Alain Benajam fait régulièrement parler la poudre complotiste. Pour lui, les attentats perpétrés par les frères Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo relèvent du « coup fourré ! » Avant de détailler, sur son Facebook personnel, l’implication d’Israël et des Américains :
« On savait depuis quelque temps que la prochaine étape concoctée par l’impérialisme pour l’Europe afin d’en finir avec elle serait une bonne guerre de religion, on la sentait venir, les islamophobes étaient prêts et les terroristes du Mossad et de la CIA disposés. Maintenant c’est parti. »
Son blog personnel recommande toujours l’UPR parmi les 10 sites à suivre.
Etienne Chouard
Face à lui, Étienne Chouard n’a pas le profil de l’emploi. Chemise blanche impeccable, sa voix ne déraille pas pendant le débat. Son créneau : la formation d’une assemblée constituante tirée au sort. Lui y va moins franchement, mais il traîne aussi quelques casseroles. Au micro des conspis de l’Agence Info Libre, il qualifie l’Union Européenne de « projet fasciste » et dénonce « la théorie de la théorie du complot ». En 2010 il participait à une conf organisé par Reopen911, une asso’ qui remet en cause la version officielle des attentats du 11 septembre.
Quelques années plus tôt, il expliquait tout le bien qu’il pense de Thierry Meyssan :
« [Un homme] charmant, calme, cultivé et rigoureux dans ses analyses, très convaincant sur une série de sujets qu’il connaît parfaitement. »
Et les autres…
Au fil des années, les lieux des Universités d’Automne changent, les invités se ressemblent. Streetpress a épluché la liste des tables rondes. Reconnaissons d’emblée que les intervenants ne versent pas tous dans le conspirationnisme. Mais pour en trouver, il n’a pas fallu farfouiller bien longtemps. On a déniché trois profils borderline. Bios express.
1 Jean Bricmont
Fervent soutien d’Asselineau, le professeur d’université belge défend avec ferveur la liberté d’expression. Il milite pour l’abrogation de la loi « Gayssot » qui « tend à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » et soutient les négationnistes.
2 Bruno Drweski
L’homme discret est un proche de Claude Karnoouh et défenseur de Robert Faurisson, deux négationnistes bien connus en France. Ses écrits, comme le révèle confusionnisme.info, se retrouvent « sur de nombreux sites de la mouvance dite rouge-brune comme celui du Comité Valmy, Le Grand Soir ou Investig’Action. »
3 Olivier Berruyer
Il est le webmaster de Les-Crises.fr, site d’information à la fiabilité pour le moins aléatoire. Lui-même reconnaît que certaines infos publiées ne sont pas fiables.
La liste aurait pu être plus longue. Une liste qui pique un peu et le boss de l’UPR le sait. Sur son site, il écarte la critique d’un revers de la main :
« Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, la présence de ces différentes personnalités ne signifie évidemment pas que l’UPR soutient ou approuve les analyses »
Il souhaite simplement fournir aux Français « de vrais débats qui sortent des platitudes habituelles ». A quand les adeptes de la théorie de la terre plate ?
Le rêve américain d’Asselineau
Puisque les positions de ses invités n’engagent pas François Asselineau, intéressons-nous à ses discours. Pour comprendre, on a suivi, attentivement parfois, en somnolant souvent, les conférences que le candidat à l’Élysée a tenues. Publiées sur le Youtube de l’UPR, il parle parfois pendant quatre heures, aidé d’un PowerPoint illustré. Les titres : « Qui gouverne vraiment la France et l’Europe ? » ou encore « La tromperie universelle comme mode de gouvernement ». Il en existe des dizaines. Le fil rouge, la domination cachée des États-Unis et de l’OTAN. Quelques exemples :
« Les Femen, personne ne sait ce que c’est. À part des femmes qui se mettent les seins à l’air. Personne ne remarque que leurs slogans sont toujours écrits en américain. Et qu’il y a toujours une caméra pour diffuser ça (…) Elles ne représentent rien. Sauf qu’il y a quelqu’un qui paie derrière… »
« C’est du pur fantasme, il devrait s’acheter une vie plutôt que de délirer », ironise Sarah l’une des portes parole de Femen :
« On ne roule pas sur l’or ! Mais une action ne nécessite qu’un peu de peinture, quelques accessoires et parfois un billet d’avion. »
En 2014, Femen avait ouvert les comptes de leur asso loi 1901 au journal Le Monde. Et effectivement, leurs moyens sont limités : 24.225 euros en 2013 dont à peine plus de 10.000 euros de dons de particuliers. « Entre 5 et 50 euros en moyenne », précise Sarah. Aucune subvention publique ou émanant de fondations privées.
Un autre théorie de François Asselineau ? Sept minutes plus tard, lors de la même conférence sur la tromperie universelle :
« Le prix nobel de la paix, c’est une imposture. C’est désormais une opération de désinformation qui fait partie intégrante du dispositif hégémonique mondial des États-Unis d’Amérique. »
Le boss de l’UPR voit la main des États-Unis absolument partout. Jusqu’aux couleurs du logo choisi par l’UMP. Comme StreetPress le racontait déjà en 2015, il est prêt à dégainer Photoshop pour s’en expliquer :
« Le bleu n’est pas du tout le bleu marine foncé de notre drapeau national (…) Dans la palette RVB (Rouge-Vert-Bleu), le bleu du drapeau français est approximativement R0-V10-B94 alors que le bleu du logo UMP est à peu près R46-V89-B151 (…) [Cette décision} témoigne de la fascination pathologique et malsaine que les dirigeants de l’UMP éprouvent pour les États-Unis d’Amérique. »
Le boss de l’UPR se lâche sur Facebook
L’énarque se positionne également sur la scène internationale. Pro-russe, invité à plusieurs reprises par ProRussia.tv (une chaîne disparue aujourd’hui) et Russia Today, des médias financés par le Kremlin, François Asselineau adoube la méthode Poutine.
Fan de Poutine / Crédits : DR
Derrière l’assassinat de la parlementaire britannique Jo Cox, il verrait même une manœuvre politique visant à éviter le Brexit…
Bizarre, vous avez dit bizarre ? / Crédits : DR
Selon lui, la CIA serait partout. Attention, l’UPR devrait se méfier. L’agence américaine pourrait même avoir infiltré leurs bureaux, non ?
La main des USA... partout / Crédits : DR
Ornelle Guyet* :
« L’affaire date de 5-6 ans [juin 2011]. À l’époque, j’étais à Acrimed. En leur nom, j’avais été faire un petit exposé pour des étudiants de l’université américaine de Paris. C’est tout. Je n’ai jamais mis les pieds aux USA. Ni dans leur ambassade. »
CHERS CYBERMILITANTS, EFFACEZ TOUT !
Sur la question du conspirationnisme, l’UPR n’a pas vraiment la conscience tranquille. Comme StreetPress le révélait, à la veille des régionales le secrétaire national du parti demandait par mail aux responsables de nettoyer les réseaux sociaux des candidats. Mais la consigne ne semble pas avoir été bien comprise.
Nous avons recueilli des centaines de captures d’écran qui proviennent des comptes Facebook et Twitter de dizaines d’adhérents et d’un groupe secret destiné aux cybermilitants de l’UPR. Nous avons choisi de n’exposer que les personnalités qui se sont présentées à une élection sous les couleurs du parti. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le coup de « Kärcher » n’a pas eu l’effet escompté. Revue de posts.
Claude Macé, tête de liste pour les régionales de 2015. Laurent Ergon, candidat aux départementales de 2015 en Loire-Atlantique.
Voulez-vous connaître la vérité ? / Crédits : DR
François Bardin, candidat aux élections européennes de 2014 dans le sud-ouest. Clément Manenti, candidat aux élections européennes dans l’est.
Comme un avion sans ailes / Crédits : DR
Frédérique Mourgues, candidate aux départementales dans le canton de Nîmes. Cyril Carbonel, aux régionales de 2015 dans l’Aude. [Le FN a effectivement entretenu des liens avec la secte Moon, mais il n’a jamais été question de la CIA]
Encore un coup de la CIA... / Crédits : DR
Maxime Forner, candidat aux régionales dans les Yvelines, Complotiste, mais complotiste visionnaire !
Visionnaire le bougre / Crédits : DR
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER