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    09/10/2015

    Chaque mois, StreetPress recueille le témoignage d’un ex-détenu

    Baris, 25 ans, un an dans les prisons turques pour un tag

    Par Baris

    Pendant un an, Baris a été emprisonné pour un tag à la gloire du PKK, dont il ne serait même pas l’auteur. A StreetPress, il raconte la bouffe froide, la guerre psychologique avec les matons et l’organisation entre détenus pour résister.

    Baris a le malheur d’être kurde et d’avoir grandi à Diyarbakir, la capitale officieuse du Kurdistan. « Cela te donne une responsabilité » lance t-il. A 18 piges, les flics toquent à sa porte et l’emmène en taule pour un tag à la gloire du PKK qu’il réfute avoir tracé. Il est alors emprisonné avec plusieurs amis, sans procès, sans preuve, et sans réel moyen de contester la décision.

    « Mon premier jour en prison est difficile à oublier. Je suis arrivé le vendredi 28 novembre 2007 à 5 h de l’après-midi à la prison d’Eskişehir [à plus de 1000 km de chez lui, ndlr]. Les policiers m’ont mis tout le week-end dans la “discipline room“ : Une mini chambre, avec juste de la place pour un cadre de lit. Il n’y avait pas de matelas, pas d’oreillers, pas de drap, pas de toilettes, ni d’eau. Il y avait une petite fenêtre cassée et il faisait froid. Mes amis et moi étions sous le choc. A travers les murs, je les entendais pleurer.

    Les menaces

    Après ces deux jours, on m’a transféré dans une petite chambre avec 4 amis. On avait chacun notre lit, des toilettes, de quoi nous laver, et une petite cour extérieure où on pouvait se promener quand les gardiens venaient nous compter, le matin à 7 h et le soir. Le reste du temps, on était enfermé, sans aucun contact avec les autres détenus. Nous étions les seuls prisonniers politiques et la direction avait peur de nous.

    Un jour, le membre d’une association de défense des prisonniers est venu nous interviewer et on s’est plaint de nos conditions de détention. Le directeur nous écoutait. Après que le mec est parti, il nous a menacé : “Je suis le chef en prison, je peux ne rien vous donner à manger si je veux. La prochaine fois, vous vous tairez”. Pour la bouffe, à chaque fois, on était servi en dernier. Les policiers nous ont aussi obligé à couper nos cheveux. Tout ça pour nous rappeler qu’en prison, il n’y a pas de liberté.

    S’imposer une discipline

    En prison, si tu ne t’imposes pas une discipline, tu ne survis pas. Tout de suite, on a demandé à la direction s’il y avait une bibliothèque. Rapidement, ils nous ont autorisé à prendre des livres, à avoir des journaux. On avait aussi une télé et une radio.

    Mes amis et moi, on se soutenait, on se parlait beaucoup. On lisait des livres sur le PKK mais aussi de la socio, des poèmes et de la littérature. Mais bon on va pas se mentir : en prison, tu t’ennuies beaucoup. Tu as trop de temps et pas assez de choses à faire. Pour tenir, tu dois fumer. Tout le monde te dit qu’en prison, la cigarette est ta meilleure amie.

    La taule c’est la pression

    Au bout de 2 mois, j’ai été transféré à Ankara, dans une prison réservée aux opposants politiques où je suis resté 10 mois en attente de mon procès. La cellule n’était pas grande mais il y avait 2 étages. Je la partageais avec 2 autres détenus. Au rez-de-chaussée : la cuisine, la douche. Au premier : la chambre avec 3 lits. On avait aussi une petite cour bétonnée où on pouvait sortir. Chaque cour était séparée de celle d’à côté par un grand mur.

    Comme dans l’autre prison, on n’avait pas de contact avec les autres détenus et on ne pouvait pas sortir de notre cellule. Alors on s’envoyait des mots qu’on cachait dans des petites balles pour communiquer. On faisait ça pour prendre des nouvelles mais aussi pour organiser les élections de délégués, ou pour décider d’une grève de la faim. Il y avait des règles entre nous : par exemple on ne pouvait pas dépenser plus de 400 Livres par mois [près de 120 euros, ndlr] en cantine.

    L’administration nous mettait tout le temps la pression. Ils nous ont même empêché de cantiner. J’ai été en grève de la faim pendant plusieurs jours. Dans notre jardin, on élevait un petit oiseau qu’on avait recueilli. On le nourrissait, on lui donnait du lait, on lui avait même fait un nid et on le cachait. Un jour, les gardes l’ont découvert et l’ont jeté dans une poubelle avec nos déchets. J’ai beaucoup pensé à cette histoire. C’était un acte politique, pour nous punir. Ces gardes étaient gouvernés par l’idéologie. Pour eux, nous étions l’ennemi. »

    Après un an de prison, Baris est finalement libéré. Lors de son procès, il est condamné à 2 ans et demi de prison ferme. Une peine suspendue le temps qu’il finisse ses études. Son diplôme en poche, Baris se planque et attend un revirement législatif qui adviendra quelques mois plus tard. La justice turque considère finalement qu’un tag politique n’est plus un crime passible d’emprisonnement.

    Il est aujourd’hui étudiant à l’université d’Essex en Master de sociologie.

    Propos recueillis par Tomas Statius .

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