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    06/12/2010

    StreetPress a assisté à ce pas si Ch'ti procès

    "Chômeurs, pédophiles, consanguins": Procès des auteurs de la banderole anti-Ch'tis

    Par Kim Biegatch

    Le procès des auteurs de la banderole anti Chtis s'est ouvert ce 2 décembre devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny. Peut-on rire de tout mais pas partout? Récit minute par minute de l'audience.

    Après des délibérations autour de demandes de renvois incomplètes ou pas paginées, d’incohérences, de copies nulles, de demandes de renvoi, d’ordonnances pas équitables, de plaidoiries sur l’irrecevabilité de la demande de renvoi devant le TGI de Bobigny, le procès entre dans le vif du sujet le jeudi après-midi.

    « Avec le recul, l’effet est loupé »

    15h49 : La présidente rappelle les faits : le déploiement d’une banderole avec l’inscription “Pédophiles, chômeurs, consanguins : Bienvenus chez les ch’tis”, à la deuxième mi-temps du match PSG-RC Lens pour la finale de la coupe de la ligue. Le rôle de chaque prévenu est détaillé.

    16h05 : Vincent Bourdon est appelé à la barre. Le supporter indépendant explique que le slogan était une réponse de “mauvais goût” aux blagues des Tigers de Lille. « On s’est dit on va reprendre leur thème “Souviens-toi l’été dernier, j’étais avec ta soeur, je faisais l’acteur”. » Le terme pédophile, « c’était une parodie de l’affaire d’Outreau ». Interrogé sur le but attendu, Vincent Bourdon précise qu’il voulait faire sourire. «Avec le recul, l’effet est loupé» reconnaît-il.

    16h35 : Place au 2e prévenu, Alexandre D., qui va changer sa version des faits. : « Je reconnais ma participation à la peinture de la banderole, à son introduction et à son installation. Je reconnais tous les faits ». Un avocat de la partie civile l’interroge sur ce qui l’a poussé à tout avouer. « Je ne voulais pas que mon nom soit sali dans les médias et je ne le veux toujours pas » assure-t-il. Il dit avoir eu peur des conséquences d’une « blague d’ado » à la suite des déclarations de Nicolas Sarkozy. « Mais j’ai mûri ».

    17h44 : Julien Carré est appelé à témoigner. Il bafouille. « Je tiens à m’excuser, c’était pas intelligent », affirme l’ancien membre des milices de Paris. Le procureur lui apprend que son groupe a été dissous pour violences.

    « On s’est dit on va reprendre leur thème “Souviens-toi l’été dernier, j’étais avec ta soeur, je faisais l’acteur”. »

    La banderole? « Je trouvais que ça manquait d’humour… Ça m’a fait rire jaune »

    « Vous ne savez pas peindre ? » « Oh si, j’ai un CAP de peintre en bâtiment alors ça va ! »

    17h57 : « Votre surnom, c’est la galette ? » demande la présidente à François Biskut. « C’est mon ancien surnom » rectifie l’ex-membre des Boulogne Boys. Il raconte avoir aidé à retourner la banderole tenue à l’envers pour sauver l’honneur des supporters du PSG. « Mais je trouvais que ça manquait d’humour » assure le jeune homme. « Ça m’a fait rire jaune ».

    18h25 : Le 5e prévenu, Julien Lobo, se tient à la barre. La présidente lui demande pourquoi il a refusé de peindre le message injurieux sur la banderole. « Vous ne savez pas peindre ? » demande-t-elle. « Oh si, répond ironiquement le prévenu, j’ai un CAP de peintre en bâtiment alors ça va ! ». Les avocats s’esclaffent. « Je ne voulais pas être assimilé à ça. Je ne me reconnaissais pas dans le message » raconte le supporter initié de la bande.

    18h39 : La présidente évoque la personnalité des cinq prévenus. Tous ont un casier judiciaire vierge sauf Vincent Bourdon, condamné à 3 mois de sursis et à une amende en 2004 pour des faits de violence en réunion. Julien Carré s’excuse auprès de la cour.

    18h52 : L’audience est suspendue. Reprise vendredi à 9h30 pour les plaidoiries.

    Interview de Me Jérôme Triomphe, avocat de Vincent Bourdon

    « On entend toujours les même commentaires : ignoble, etc… Pourtant, il y a des choses plus graves dans ce département de Seine-Saint-Denis. Si vous décidez de qualifier d’incitation à la haine, on n’est plus dans un état de droit.

    Si la banderole était de bon ou mauvais goût, ça n’est pas à moi de le dire. L’affaire est partie du président de la république, Nicolas Sarkozy, qui a annoncé qu’il se montrerait très attentif dans cette affaire mais lui-même utilise ce terme. Ce qui est important, c’est que la banderole ne parle pas de pédophilie.

    La ligne de défense est simple : il n’y a pas d’infraction pénale. Dans ce procès, la question de fond est fondamentale. C’est de savoir si la défense a les mêmes droits que la partie civile. »

    « Mon stade a été taggé par ces jeunes »

    9h38 : L’audience s’ouvre avec les plaidoiries des parties civiles. L’avocat du PSG prend la parole. « Dans cette affaire, on essaye de faire porter le chapeau au Paris Saint Germain » lance l’avocat de la partie civile. Il revient sur les propos des prévenus qui affirment que le club de foot parisien a fait preuve d’un certain laxisme au moment de la confection des banderoles. « Le PSG a été jugé neuf fois dans cette affaire. Il n’y a aucune poursuite pénale » conclu l’avocat. En revanche, il accuse les prévenus d’avoir sali l’image du club : « ils ont déroulé une banderole qui n’affichait nul soutien mais un message odieux ». Il demande 135.062 euros de dommages et intérêts.

    9h56 : « Un stade, c’est un endroit extraordinaire » s’exclame l’avocat du Stade de France. « C’est un endroit de fête. C’est un endroit de joie. C’est un lieu d’émotion […] Mon stade a été taggé par ces jeunes ». L’avocat va même jusqu’à parler d’eugénisme puisque le « message odieux », « stigmatisant » inscrit sur la banderole provient d’un groupe surnommé « la milice ». La défense s’insurge. L’avocat de la partie civile se veut conciliant. « Qu’un carton jaune soit distribué à ces jeunes gens et qu’on en reste là » conclut-il.

    « Qu’un carton jaune soit distribué à ces jeunes gens et qu’on en reste là »

    « Qui êtes-vous, messieurs, pour vous moquer de ces gens là? […] Vous faîtes du chômage une insulte ! » Maître Lévy, l’avocat de la ville de Lens

    Dans un stade, « il y a toujours des imbéciles »

    10h12 : « Qui êtes-vous, messieurs, pour vous moquer de ces gens là (les ch’tis, NDLR) ? » s’énerve Maître Lévy, l’avocat de la ville de Lens. «Vous faîtes du chômage une insulte !» ajoute-t-il. Il demande aux prévenus s’ils ont conscience de la « souffrance » et la «honte» qu’ils peuvent causer à un père de famille sans emploi qui regarde le match à la télévision. Tous gardent la tête basse.

    10h41 : « Votre banderole, elle est catastrophique parce qu’elle est incitative » insiste l’avocat de la FFF et de la ligue professionnelle de football. « Ce n’est pas parce qu’il ne s’est rien passé qu’il ne faut pas condamner » ajoute-t-il sévèrement. Il estime que dans un stade, « il y a toujours des imbéciles » et que l’inscription aurait pu faire dégénérer la situation.

    10h53 : « Imbécile », c’est aussi le terme employé par l’avocat du RC Lens, Maitre Califano pour qualifier la banderole. Il veut prouver que les prévenus avaient conscience de la gravité de leurs actes. Pendant plusieurs minutes, il loue l’intelligence et le bon sens des 5 supporters. «A l’évidence, ils comprennent l’impact que peut avoir sur le public les termes de cette banderole».

    Faire preuve de « fermeté non seulement à l’égard des supporters mais aussi des clubs »

    11h29 : Le procureur prend assure que tous les éléments constitutifs de l’incitation à la haine et à la violence sont présents. Le moyen, c’est « une banderole de 55 mètres de long coupée en 11 morceaux » et les personnes visées, ce sont « les ch’tis ». Et même l’incitation « n’était pas le but escompté », « ce qui importe, c’est le comportement adopté ». Le procureur se tourne vers la présidente. « Ce que je vous demande aujourd’hui, c’est de punir les prévenus pour leur bêtise. Je demande à votre tribunal de leur infliger un carton rouge ».

    11h50 : Les peines requises par le parquet sont lourdes : 3 mois avec sursis et 5 ans d’interdiction de stade (IDS) – la durée maximale – pour Vincent Bourdon et Alexandre D., les meneurs. 2 mois avec sursis et 3 ans d’IDS pour Julien Carré qui a fait rentrer un morceau de banderole. Une amende de respectivement 600 et 300 euros et 3 ans d’IDS pour François Biskut et Julien Lobo, les victimes collatérales.

    11h57/ 13h51: La séance est levée. L’audience reprend.

    13h52 : L’avocat de Julien Carré s’adresse à la cour « Il aurait fallu qu’on fasse preuve de fermeté non seulement à l’égard des supporters mais aussi des clubs ». Selon lui, le Paris Saint Germain, qui n’applique pas de politique de prévention, n’a pas été assez vigilant au comportement des supporters. « Qui est responsable ? s’insurge l’avocat. Ce sont ces garçons ou on les a laissé faire ? »

    « On fait ici le procès de la bêtise mais la bêtise n’est pas un délit »

    14h28 : « Oui, c’est bête et d’un goût plus que douteux. On fait ici le procès de la bêtise mais la bêtise n’est pas un délit » lance l’avocat de François Biskut. La ligne de défense est claire : il s’agit de dire qu’on se trouve dans un cas classique d’injure et pas de provocation à la haine et à la violence. « On est pas à l’évidence dans la provocation. L’injure suinte tous les pores de ce dossier » plaide l’avocat de François Biskut. « Cette procédure, c’est l’aboutissement de 2 ans de souffrance. Il faut maintenant siffler la fin de la partie». Il demande la relaxe pour son client.

    15h01 : « Mais on prend vraiment les ch’tis pour des bas de front !» s’indigne Maître Bethune, l’avocat de Julien Lobo. Il ajoute que dans le nord, il n’y a pas que des ch’tis : « pour se défendre, la région Nord Pas de Calais a quand même eu recours à un avocat inscrit dans l’Essonne!» La présidente demande au public d’arrêter de rire.

    15h08 : Maître Bethune fait le procès de la liberté d’expression dans les stades. « On peut espérer une société édulcorée mais c’est peut-être le dernier endroit où on peut s’exciter si ce n’est, je cite Florent Pagny, la liberté de penser ». Pour « ceux qui ont eu l’idée », l’avocat requiert un «carton jaune». Pour «ceux qui sont venues les mains nues, rien du tout».

    15h35 : « Le suivi médiatique est extraordinaire. Pourquoi ? », s’interroge Maitre Pichon, l’avocat d’Alexandre D. « Il n’appartient pas au président de la république de rendre la justice ! » ajoute-t-il rappelant que ce sont les propos de Nicolas Sarkozy qui ont créé « l’emballement judiciaire ». Il se tourne vers la présidente et les juges. «Vous n’êtes pas ici pour donner un exemple mais pour rendre justice».

    « Mais on prend vraiment les ch’tis pour des bas de front !» Maître Béthune de Moro

    « On peut espérer une société édulcorée mais c’est peut-être le dernier endroit où on peut s’exciter si ce n’est, je cite Florent Pagny, la liberté de penser » « Il y a une césure capitale dans ce dossier entre la morale et le droit. Est-ce parce que c’est immoral que l’on doit condamner ? Je réponds non »

    « Cette banderole, elle est abjecte mais elle n’est pas condamnable pénalement »

    15h53 : Maître Triomphe, l’avocat de Vincent Bourdon, s’avance. « Il y a une césure capitale dans ce dossier entre la morale et le droit ». « Est-ce parce que c’est immoral que l’on doit condamner ? Je réponds non ». L’avocat rappelle l’affaire Charlie hebdo. « Cette banderole, elle est abjecte mais elle n’est pas condamnable pénalement. C’est dommage, peut-être, mais c’est comme ça » s’amuse Maître Triomphe. Il conclu simplement : « Vous ne pouvez pas condamner ».

    16h11 : Les prévenus se lèvent. Dans un dernier tour de table, Vincent Bourdon réclame « le droit au mauvais goût ». On lui demande s’il accepterait de suivre un stage de citoyenneté. Il demande « en quoi ça consiste ». La présidente l’informe qu’il s’agit d’un stage payant. « Ah ! Je dois payer en plus ! », s’exclame-t-il, goguenard. François Biskut dit ne toujours pas comprendre ce qu’il fait « aujourd’hui dans ce tribunal ». Alexandre D. assure « avoir confiance dans le droit français » mais accepte le principe des travaux d’intérêts généraux. Julien Carré s’excuse: «Je suis désolé, c’était idiot, je n’ai jamais voulu faire de mal à personne». «Tout a déjà été dit» conclut Julien Lobo.

    Verdict le 7 janvier à 13h.

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