C’est une plainte qui vise le ministère de l’Intérieur : victime de plusieurs jours d’ITT suite à une interpellation musclée de la part de fonctionnaires de police, le militant « anti-négrophobie » et conseiller municipal de Fresnes (94) Almamy Kanouté vient de déposer plainte au Tribunal de Grande Instance de Paris.
L’objet de la plainte : un « abus d’autorité », une « discrimination » et des « violences volontaires » de la part des forces de l’ordre, en marge des commémorations officielles de l’abolition de l’esclavage le 10 mai dernier. Pour étayer sa plainte, Almamy Kanouté compte sur un certificat médical qui justifie de 6 jours d’ITT et d’un premier jugement qui atteste de vices de procédure lors de son interpellation. Mais, plus étonnant, aussi sur une note favorable des services des Renseignements Généraux.
Ze Story C’était le 10 mai 2013. Pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le président de la République réunissait au jardin du Luxembourg tout le gotha noir de France. Almamy Kanouté, en qualité de conseiller municipal de Fresnes, dispose d’une invitation. Mais à peine passées les portes, il aperçoit deux « camarades de lutte » de la Brigade Anti-Négrophobie à qui les autorités refusent l’entrée. Intrigué, le militant fait demi-tour pour demander aux policiers de se justifier et la tension monte d’un cran. Kanouté donne sa version :
« Il y a eu un mouvement de foule, j’ai tout de suite levé les bras mais j’ai pris un coup de matraque sur la jambe droite. Je ne suis pas tombé tout de suite alors ils ont fini par me plaquer au sol. »
Le militant se fait embarquer en compagnie de deux autres camarades, dont Franco, porte-parole de la Brigade Anti-Négrophobie. Au commissariat du 5e arrondissement, on leur signifie leur placement en garde à vue. Joint à l’époque par StreetPress, Franco est remonté :
« On a fait 24 heures pleines, ce qui est totalement injustifié et inhabituel pour ce type d’arrestation. »
Blessures Almamy Kanouté porte plainte contre X. « Une façon de viser le plus large possible », explique son avocat Maître Maati. Le militant se justifie :
« On a l’habitude de subir des discriminations et de laisser tomber, mais là je veux laver mon honneur ! »
A sa sortie du commissariat, le militant se rend chez un médecin. Le doc conclue à 6 jours d’Incapacité Totale de Travail (ITT) tout en prenant soin de préciser que « les lésions constatées sont susceptibles d’avoir été provoquées par les circonstances décrites » par Almamy Kanouté. Parmi les blessures référencées dans ce document que StreetPress a pu consulter : « Une limitation des mouvements de rotation de la tête à droite et à gauche », « une boiterie à la marche avec évitement du pas à droite » ou encore « un hématome palpable sur un diamètre de 4 cm au tiers supérieur droit »
Ils ont fini par me plaquer au sol
La plainte contre X, c’est une façon de viser le plus large possible
RG Le militant estime avoir été interpellé pour « des raisons politiques ». Une note qualifiée « d’importante », émise par l’état major de la police parisienne et que StreetPress s’était procurée alertait en effet sur « le risque d’actions de militants de la Brigade Anti-Négrophobie (BAN) »
Mais d’autres pièces semblent jouer en faveur d’Almamy Kanouté. Comme le procès verbal de la garde à vue, que StreetPress a pu consulter, qui fait état d’un échange entre la police judiciaire et les renseignements généraux. Les RG y déclarent notamment que la Brigade Anti-Négrophobie est un mouvement « pacifiste, non violent » et « invité à la commémoration de l’abolition de l’esclavage depuis 2010 au jardin du Luxembourg. » Quant à Almamy Kanouté, un agent du renseignement qui l’a « régulièrement au téléphone », le décrit comme « très correct ». Kanouté de se justifier de ses relations avec les RG :
« Les RG nous avaient appelés pour connaître notre point de vue sur une action que nous organisions cet été à Montreuil, et depuis ils nous recontactent assez souvent pour connaître la situation sur place. »
Vice de forme Le 5 juillet 2013, un premier procès a eu lieu à propos des événements du 10 mai. Mais ce coup-là, c’est Almamy Kanouté qui était sur le banc des accusés : un policier l’accusait de lui avoir infligé 4 jours d’ITT. StreetPress assistait à l’audience. En cinq minutes l’affaire était pliée à cause d’un vice de procédure. Les forces de l’ordre n’avaient pas notifié à l’accusé son droit à garder le silence. De bon augure pour la nouvelle procédure ? Ce qui est sûr, c’est qu’Almamy Kanouté ne se rendra plus à la commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage :
« Ce qui s’est passé cette année, ça a été la goutte de trop. Le prochain 10 mai, j’organiserai une autre cérémonie avec des militants de terrain. C’est la seule réponse à apporter. »
bqhidden. Je l’ai régulièrement au téléphone, il est très correct
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