La garde à vue est-elle répandue en France ?
Avec un total d’environ 900.000 gardes à vue pratiquées en 2009 – soit une hausse de plus de près 150% en dix ans – la France est un des pays européen qui utilise le plus la garde à vue. Cette mesure est utilisé aussi bien en matière de grand banditisme que pour des délits plus modestes. On estime ainsi à environ 200.000 le nombre de gardes à vue pratiquées suite à des délits routiers.
Pourquoi le Conseil Constitutionnel a t-il décidé de reformer le système de la garde à vue ?
La décision du Conseil Constitutionnel du 30 juillet met en évidence une réalité peu glorieuse : au cours de la garde à vue, les droits de la défense les plus élémentaires sont systématiquement ignorés. Le code de procédure pénale restreint en effet au maximum l’accès à un avocat durant cette détention. Ceux-ci ne peuvent s’entretenir avec leur client que pour une durée de 30 minutes. Ils ne peuvent pas non plus assister aux interrogatoires menés par les forces de police et n’ont aucun accès au dossier du suspect.
En tant que gardien des libertés fondamentales, le Conseil n’a pas manqué de constater que le droit français privait toute personne gardée à vue du droit de « bénéficier de l’assistance effective d’un avocat » lors des interrogatoires. Il a logiquement conclu à une violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, partie intégrante de notre Constitution.
Élément révélateur et déterminant, le Conseil fait également remarquer que le droit au silence, qui existe bien en droit français, n’est pas notifié aux personnes gardées à vue, laissant ainsi aux forces de police toute latitude pour « cuisiner » les suspects.
La garde à vue sera t-elle reformée pour tous types de délits ?
Non content de constater cette violation, le Conseil constitutionnel décide de l’abrogation des lois organisant la présence des avocats lors des gardes à vue, et donne au Parlement jusqu’au 1er juillet 2011 pour qu’il adopte une nouvelle loi, conforme, cette fois-ci, à la Constitution.
Pour autant, cette décision ne comble pas toutes les lacunes de la garde à vue à la française. De nombreux régimes spéciaux, applicables à la criminalité organisée ou au trafic de stupéfiants, prévoient un accès encore plus restreint à l’assistance d’un avocat. Ainsi, par exemple, en matière de trafic de stupéfiants, l’entretien avec un avocat n’est possible qu’au terme de la 72ème heure de détention, soit trois jours après le placement en garde à vue.
Le Conseil constitutionnel ne s’est cependant pas prononcé sur la conformité de cette loi avec les droits fondamentaux.
La France respectera t-elle désormais les critères de la Cour européenne des droits de l’Homme ?
La Cour européenne des droits de l’Homme – juge européen des droits fondamentaux dont les décisions font autorité dans l’ensemble des pays européens – a jugé à de nombreuses reprises que l’assistance d’un avocat devait être effective « dès le placement en garde à vue » et que les avocats devaient pouvoir « organiser la défense », « préparer les interrogatoires » et « rechercher des preuves » favorables aux gardés à vue.
La décision du Conseil constitutionnel représente donc une grande avancée vers le respect du Droit pendant la garde à vue. Mais en ne se prononçant pas sur les régimes spéciaux de garde à vue et en restant silencieux sur le droit, pour les avocats, d’avoir accès au dossier de leurs clients, le Conseil constitutionnel a pris le risque de voir la future loi entrer en contradiction avec les exigences européennes en matière de libertés fondamentales.
Source: Guillaume Dufey | StreetPress
Crédits photo de une: Wally Gobetz, Paris – Île de la Cité: Palais de Justice | Flick’r Creatives Commons
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