1. Les faits
Lundi 12 juillet, l’Assemblée Nationale a adopté le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État. L’article 13 prévoit le remboursement par les otages français détenus à l’étranger des frais engagés pour leur libération. On peut y lire que « l’État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer ».
2. Le contexte
Au même moment, Ingrid Betancourt, otage des FARC entre 2002 et 2008, a exigé à l’État colombien une indemnisation de 6 millions d’euros. Hasard ou coïncidence: La franco-colombienne aurait-elle voulu assurer ses arrières en vue d’un remboursement prochain de ses frais de libération à la France ?
3. La question de StreetPress
Pensez-vous qu’Ingrid Betancourt ait demandé une indemnisation à la Colombie afin de pouvoir rembourser ses frais de libération à l’Etat français ?
4. La réponse des députés
Le projet de loi sur l’action extérieure de l’État ayant été voté au sein d’un hémicycle vide, il a fallu rappeler aux députés sur quoi porte le fameux article 13.
Du côté de la gauche, François de Rugy (Verts- Loire-Atlantique) « trouve ça déplacé de demander des indemnités à l’Etat colombien (…) Je pense que, là, c’est pousser le bouchon de la judiciarisation trop loin ». Sur l’article 13 de la loi relatif à l’action extérieure de l’État, il y voit immédiatement un rapport avec les journalistes de France 3: «Depuis quelques mois, le Président de la République, son entourage, essayent de rendre responsables les journalistes de France 3 pris en otage en Afghanistan, alors qu’ils n’ont fait que leur métier qui implique de prendre des risques, d’aller au-devant de théâtres d’opérations où il y a des risques (…) L’État français (…) doit être solidaire de ces journalistes, sans leur imputer financièrement les conséquences de leurs actes. Si on commence à aller dans cette voie-là, c’est très dangereux ».
Roland Muzeau (PCF – Hauts-de-Seine) estime que « l’adoption de cette loi est un véritable scandale » alors que Pierre Moscovici (PS – Doubs), parle d’un texte pas « très intelligent ».
Claude Bartolone (PS -Seine-Saint-Denis) dénonce l’intérêt financier qui se cache derrière le projet de loi : « c’est assez surprenant cette mesure (…) on a l’impression que toute action ne peut être intéressante que si elle appartient au monde du marché, si elle a une valeur économique… » Jean-Louis Touraine (PS – Rhône) en appelle à l’Etat-providence : « c’est insensé de demander aux otages de rembourser les frais de libération. Ça n’a pas de sens, soit on est un pays qui veut assurer à tous nos concitoyens une certaine sécurité et cela suppose une mutualisation des moyens et c’est en respect de la dignité humaine. Soit, c’est du chacun pour soi, les riches se protègent et les pauvres sont victimes. (…) Ils ont déjà une première difficulté, c’est celle d’exposer leur vie. Qu’ils n’aient pas une deuxième difficulté qui est de mettre leur famille sur la paille ».
Du côté de la droite, Jacques Myard (UMP – Yvelines) estime qu’on en fait trop autour de cette loi : « il y a beaucoup de fantasmes complètement ridicules. C’est une possibilité, il y a des garde-fous et personne ne va aller taxer des gens qui ont pris des risques excessifs alors que c’est leur métier ».
Lionnel Luca (UMP – Alpes-Maritimes) préfère insister sur la demande d’Ingrid Betancourt : « Je trouve indécent la revendication de Mme Betancourt. Elle va presque faire regretter qu’on l’ait libérée ». Un point de vue que partage Louis Guédon (UMP- Vendée): « Est-ce que les morts de la guerre 14-18 ont demandé un capital décès pour leur famille ? Non. Ils l’ont fait pour la libération de l’humanité ». Selon lui, l’ex-otage des Farc s’est battue non pas pour « un combat de liberté » mais pour « un combat de gros sous ». Il ajoute que « si celui qui a la vie sauve peut participer au dédommagement financier de ses concitoyens dans la dette où nous sommes, c’est un devoir de civisme (…) Le laxisme, c’est de faire croire que la collectivité et le contribuable peuvent payer à tout le monde, que c’est une manne d’abondance sans fin, inépuisable et qui peut arroser tout le monde. Ça, c’est pas vrai ».
Source: Lisa Serero | StreetPress
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