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    18/06/2011

    Le hoax du mois : Pour Jean Robin, le politologue Jean-Yves Camus serait un ancien militant nationaliste révolutionnaire

    La blague facho du polémiste Jean Robin

    Par Johan Weisz

    L'info bidon est sortie sur le site de Jean Robin : Le chercheur spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus serait un ancien du mouvement solidariste Troisième Voie. « Ahaha », rigole Christian Bouchet, qui est – lui – un vrai

    C’est la blague facho du mois et elle nous a bien fait rigoler à StreetPress. Sous la plume du polémiste Jean Robin (qui avait connu son quart d’heure de célébrité en 2006 avec un livre qui dézinguait Thierry Ardisson), on pouvait lire que Jean-Yves Camus, sans doute le plus fin spécialiste de l’ extrême droite en France, aurait appartenu au mouvement solidariste Troisième Voie :

    « Les mieux informés (…) connaissent aussi Jean-Yves Camus pour son appartenance dans les années 80 à l’extrême-droite, et notamment au GUD et au mouvement Troisième Voie, un mouvement réactivé en novembre 2010 par Serge Ayoub. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, Serge Ayoub est l’ex-leader skinhead, plus connu sous son surnom Batskin ».

    Le politologue Jean-Yves Camus, ancien militant nationaliste révolutionnaire à Troisième Voie ? Le hoax était tellement énorme qu’on a profité de l’excuse pour aller prendre un café avec Jean-Yves Camus :

    Alors c’est vrai cette histoire… Vous avez fait partie de Troisième Voie?

    « Tout à fait ! J’ai également appartenu sous un nom d’emprunt aux groupes nationalistes révolutionnaires de François Duprat à partir de 1979. Et ce que Jean-Robin a oublié de dire, c’est que j’ai aussi été un agent double des services guatémaltèques et zimbabwéens, ce qui m’a permis de m’acheter un chalet à Chamonix… »

    L’histoire du hoax Tout commence quelques semaines plus tôt. Dans Charlie Hebdo, Camus gratte un papier sur l’extrême droite qui déplaît à Jean Robin, dépeint comme un « proche des identitaires ». Robin lui répond un mail pas content, l’accusant – entre autres – d’être un ancien du GUD. Camus répond par retour de mail : « Vous vous trompez, ce n’était pas le GUD mais Troisième Voie. Le GUD Sciences-Po était composé de petits réacs qui ont tous fini préfets ou députés ». Le second degré aura sans doute échappé à Jean Robin, qui pond son article le soir même, croyant-là tenir un vrai scoop de la mort qui tue pour son site, Enquête et Débat.

    « Oui et j’ai aussi été un agent double des services guatémaltèques et zimbabwéens… »

    Joint par StreetPress au téléphone, Jean Robin, n’en démord pas :

    Allô Jean, tu es peut-être allé un peu vite en besogne, non ?

    - Ah non, il y a plein de témoins qui l’ont vu. Je tiens cette info de 3 sources différentes.

    Enfin Jean, c’était une blague…

    - Ah non non, Camus était très sérieux.

    « Complètement improbable » « Ca m’a fait sourire, cet article », répond à StreetPress Christian Bouchet qui n’est autre que l’ancien secrétaire général de Troisième Voie : « C’est pas que l’info n’est pas vraie, c’est que c’est complètement improbable », s’amuse Christian Bouchet, docteur en ethnologie et aujourd’hui « militant national » qui anime le site VoxNR et signe dans le bimensuel Flash. « Je n’y ai tellement pas cru, que je ne suis même pas allé vérifier dans le listing de Troisième Voie », précise Bouchet qui a gardé les archives du mouvement dans son garage.

    « Vous savez, reprend Christian Bouchet, Troisième Voie ce n’était pas des milliers de personnes. Si vous adhériez, ça se savait, on connaissait tous les adhérents ».

    Jean-Yves Camus : « Mon parcours, je suis prêt à le rendre public, mais il n’a rien d’exceptionnel en fait. Je viens d’une famille catholique pratiquante et gaulliste et à 16 ans j’adhère à la section locale de l’ UDR à Châtenay-Malabry, pendant la campagne présidentielle de Chaban. Je franchis le pas du RPR et je suis présent Porte de Versailles, le 5 décembre 1976, jour du congrès fondateur du parti.

    « Mais c’est à Sciences Po que ça change. J’étais d’une famille de droite avec des fondements très clairs : les valeurs républicaines, la résistance, le patriotisme, certaines valeurs sociales… Et je me retrouve face à une droite de classe, de l’argent, de l’héritage, avec un refus total du changement. Du coup, je cesse de militer. Je suis simplement sur une liste de l’Unef-ID aux élections étudiantes de 1980, mais je ne serai pas élu. Pendant ma scolarité, j’ai aussi adhéré à la Ligue des Droits de l’Homme. Depuis ma sortie de Sciences Po, je n’ai adhéré à aucun parti. C’est aussi simple que ça ».

    N’est pas spécialiste de l’extrême droite qui veut. En 1992, Jean-Yves Camus signe avec René Monzat (rencontré sur les bancs de Sciences Po) aux Presses Universitaires de Lyon un excellent Répertoire critique des droites nationales et radicales en France. Avec de nombreux travaux et publications depuis, le chercheur à l’Iris reste jusqu’à aujourd’hui un des meilleurs observateurs de l’extrême droite française. Il reste encore du chemin à faire à Jean Robin, qui – pour la petite histoire – vient de sortir au début de l’année un livre intitulé La Nouvelle extrême droite… Courrez l’acheter, il doit y avoir du lourd à l’intérieur !

    François Duprat (1940-1978) : Militant nationaliste, figure de l’extrême droite française dans les années 1960 et 1970, tué dans l’explosion de sa voiture piégée le 18 mars 1978.

    « Il y a plein de témoins qui l’ont vu. Je tiens cette info de 3 sources différentes »

    « Je n’y ai tellement pas cru, que je ne suis même pas allé vérifier dans le listing de Troisième Voie»

    « Je suis simplement sur une liste de l’Unef-ID aux élections étudiantes de 1980, mais je ne serai pas élu »

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