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    20/06/2012

    Les pirates poils à gratter de la DCRI syrienne

    Télécomix, le réseau de gentils hackers qui fout un « beau bordel » à Damas

    Par david-Julien Rahmil

    De Damas à Tunis en passant par le Caire, les hackers de Telecomix mettent leur grain de sable dans l'appareil répréssif des dictatures. Leur plus beau coup : Avoir détourné pendant un bref instant l'ensemble du trafic internet syrien.

    1 Télécomix, c’est quoi ?

    Télécomix est le nom que l’on donne à un groupe de hackers et d’activistes volontaires – hacktivistes si vous préférez – qui s’est formé en avril 2009 en Suède . Né au moment des débats sur une série de réformes européennes appelées « paquet télécom », le groupe avait pour objectif de recueillir des informations sur ces lois « liberticides » et d’alimenter le débat.

    Mais c’est surtout les soulèvements populaires de Tunisie et d’Egypte qui les ont fait connaître. Ils sont ainsi venus en aide aux insurgés en leur fournissant des informations utiles pour éviter de se faire épier sur Internet et en dupliquant (on dit « mirrorer » en langage geek) un grand nombre de sites internet menacés par la censure. A présent, plusieurs membres français comme “Bluetouff”:https://twitter.com/#!/bluetouff , Kheops , Okhin et bien d’autres se mobilisent sur le cas de la Syrie et donnent un coup de main pour que les internautes sur place.

    2 Quels sont leurs objectifs ?

    Comme ils aiment se définir eux mêmes, les Télécomix sont « les plombiers de l’internet ». « Nous vivons par et pour le réseau », explique Okhin. « Quand quelqu’un l’attaque nous le défendons. » Télécomix a donc pour principe de protéger le réseau dans les endroits où ce dernier est censuré, filtré ou coupé. Contrairement aux Anonymous qui organisent des attaques par déni de service afin de rendre certains sites inaccessibles, nos hackers se revendiquent d’une éthique reposant sur la circulation de l’information et la neutralité du réseau.

    Leurs principes, connus sous le nom de datalove et consultables ici, mettent en avant la libre utilisation des données, quelles qu’elles soient. Appliqué à l’échelle des révolutions arabes, leur combat consiste donc à permettre aux internautes de ces pays de pouvoir utiliser Internet de façon anonyme afin de communiquer entre eux de façon sécurisée mais aussi d’envoyer des informations (vidéos, témoignages écrits…) en dehors de leurs frontières.


    Okhin peut-il hacker la boite mail de Bachar avec son gobelet en plastique ?

    Okhin: « Nous vivons par et pour le réseau. Quand quelqu’un l’attaque nous le défendons »

    3 Comment ils bossent ?

    Eux mêmes ne le savent même pas vraiment. « A la façon des Anonymous, la structure de Télécomix est anarchique et totalement horizontale » indique Okhin. En d’autres termes, il n’y a pas de chef, ni d’organisation établie. « C’est difficile à expliquer pour ceux qui ne sont pas familiers avec la façon de faire des hackers, et plus particulièrement aux agents de la DCRI » , plaisante le hacker qui s’est fait interrogé par la DCRI en juin . « Mais en fin de compte tout le monde peut se revendiquer des Télécomix à partir du moment où il se rend sur notre IRC » (canal de discussion instantané que vous pouvez voir ici). A partir de cet endroit, les internautes peuvent participer aux projets déjà en cours ou bien proposer une idée. On a pas de dirigeant qui décide quelles actions entreprendre », précise Okhin. « On essaye plutôt de mettre en application la « do-ocratie » , c’est-à-dire le fait de venir dans un endroit et de monter son propre projet en fonction des besoins, sans attendre que quelqu’un te donne un ordre. » Au final, les Télécomix réunissent environ 250 à 300 personnes qui viennent régulièrement sur IRC et comptent environ une soixantaine de membres vraiment actifs.

    4 Quels sont leurs faits d’armes ?

    En plus de proposer à leurs contacts des outils permettant d’être anonyme sur Internet (voir ici ), Télécomix mène plusieurs projets qui ont déjà donné de bons résultats. Le premier d’entre eux est l’opération Streisand.me qui est un service permettant de « mirrorer » ( faire une exacte copie)  un site internet qui est menacé de censure.

    Le groupe de hackers a aussi marqué les esprits en janvier 2011 quand le gouvernement Egyptien coupa Internet en janvier 2011. Télécomix fit alors appel à des fournisseurs d’accès européens comme la FDN pour mettre à disposition des internautes des lignes téléphoniques permettant de se connecter via de vieux modems.

    Pendant l’été 2011, les hackers qui commencent à s’intéresser à la Syrie vont lever le voile sur un véritable scandale : une entreprise américaine du nom de BlueCoat vend des outils de filtrage et de surveillance du Net à la Syrie. L’information sera reprise par de grands médias américains et permettra une condamnation rapide de la société mise en cause. Comme le dit Kheops, «  la découverte de ces informations ne nous a pas demandé un grand effort mais ça a permis de mettre un beau bordel. Parfois, il suffit de pas grand chose. »


    Le logo des Telecomix

    5 L’#OPSyria c’est quoi ?

    Depuis l’été 2011, la Syrie retient une grande partie de l’attention des Télécomix qui a lancé OpSyria (diminutif d’Opération Syria) pour aider les internautes sur place à preserver leur anonymat. Afin de prévenir la population de la surveillance dont ils peuvent être victime, les membres de Télécomix sont allés jusqu’à détourner, pendant un bref instant, l’ensemble du trafic syrien vers une page en arabe contenant des liens vers des logiciels du type TOR. « Chaque personne qui voulait aller sur son Facebook à ce moment est tombée sur notre page. C’est la première fois que l’on faisait ça », indique Bluetouff « et honnêtement c’était contraire à notre éthique. Mais ça nous a permis d’établir des contacts avec les gens sur place. »

    Depuis cet épisode, une petite équipe de Télécomix agit en Syrie et permet de diffuser aux autres internautes des outils et un savoir faire afin de se protéger numériquement. De leur côté, les hackers français ne manquent pas de ressources puisqu’ils ont mis en place des outils permettant de récupérer l’ensemble des vidéos amateurs postées depuis la Syrie et travaillent actuellement sur un projet de drones. «  Ce n’est pas du tout au point, nous explique Kheops, mais l’idée est de s’inspirer de l’expérience des manifestants d’Occupy, qui filmaient leurs manifestations grâce à des hélicoptères télécommandés. On voudrait pouvoir mettre le même système en place pour que les syriens puisse filmer sans danger les exactions de l’armée et puissent diffuser en direct les événements sur Internet. » 

    6 Bon et comment je les rejoins ?

    Les hackers de Télécomix le promettent : il n’y a aucun rituel d’initiation secret pour faire partie de leur petit groupe. Si vous souhaitez apporter votre pierre à l’édifice vous pouvez toujours les rejoindre sur leur canal IRC, même si la complexité de leur conversation constitue souvent une première barrière. «  La première fois que j’ai entendu parler de Télécomix, c’était pendant la coupure du Net en Egypte », raconte Kheops. « Je suis donc aller  les voir sur leur site et j’ai passé plusieurs semaines à tenter de comprendre ce qui se passait. Au final, tout le monde passe par cette barrière au début. »  Attendez-vous donc à passer quelques temps à « lurker » sur l’IRC, c’est à dire, regarder ce qui se passe sans intervenir, si vous n’y connaissez rien en informatique. Mais si jamais vous parlez arabe ou bien si l’indexation et la classification de documents vidéo ne vous font pas peur, n’hésitez pas à proposer votre aide.


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