Allô Fuzati, tu as fini de manger ?
Ouais ouais ça va, je vais faire une pause.
Tu portes aussi ton masque pendant les interviews téléphoniques ?
Non mais je vais bientôt le mettre, je vais aller à la radio là.
Comment Fuzati est passé des pornos et des packs de bière dans Vive la vie à un monstre de sexe dans ton dernier album ?
Ça s’inverse vachement à trente ans. À 30 ans, les filles commencent à avoir pas mal bourlingué. Elles sont rattrapées par leur horloge biologique. Il y a un espèce de poids de la société qui fait qu’une fille, à 30 ans, si elle est célibataire elle a un problème, alors qu’un mec ça passe hyper bien. Quand tu vas dans un bar à trente ans, une fille va plus facilement te sauter dessus que quand t’es ado où la situation est inversée. C’est l’évolution naturelle de la vie. Quand t’es un mec, plus tu vieillis, plus c’est facile et les filles c’est l’inverse. Enfin, ça reste des généralités…
[L’indien]
Un mec est venu me voir un peu bourré et il m’a dit : « en crachant ta haine, tu nous donnes de l’amour »
C’est toi qui a évolué comme ça ou le personnage de Fuzati ?
Fuzati c’est moi poussé à l’extrème. Il n’est pas très loin de ce que je suis mais poussé à l’extrème. C’est aussi pour ça que j’ai attendu autant de temps entre les deux albums : c’était pour nourrir le personnage. Après ce n’est pas un album de trentenaire, dans le sens où bosser, faire des enfants, ce sont des trucs qui arrivent plus jeune, vers 24 – 25 ans. Je n’aime pas trop le postulat « album de trentenaire » ou « album de la maturité ». C’est simplement un album plus adulte. J’ai toujours voulu faire une trilogie et faire évoluer le personnage.
Ton avis est très tranché sur la reproduction humaine – tu es contre. C’est donc autant ton avis que celui de Fuzati ?
C’est complètement mon avis mais avec Fuzati c’est poussé à l’extrème. Au quotidien, je ne fais pas de prosélitisme, j’ai des potes qui ont eu des gosses, je continue à leur parler ! Ce que je voulais avec cet album c’est que les gens se posent la question. Personne ne se rend compte que l’on est 7 milliards… Et on continue, il n’y a pas de soucis. Les gens doivent comprendre la portée de cet acte : on ne fait pas des enfants comme ça. Et quand on est plus de 7 milliars, ça a un sens. Quand plus d’un mariage sur deux fini en divorce, ça a un sens aussi. J’ai envie que les gens réfléchissent un petit peu. Et j’aime mettre le doigt là où ça fait mal.
Envers les femmes, l’album est encore très dur…
Oui mais les sujets sont traités avec humour et avec respect. Par exemple, à mon dernier concert à Montpellier, il y avait beaucoup beaucoup de filles. Et un mec est venu me voir un peu bourré et il m’a dit : « en crachant ta haine, tu nous donnes de l’amour. » Et je crois qu’il a complètement compris le truc. C’est une haine mais qui veut être constructive en fait. C’est jamais gratuit, il y a toujours un propos derrière. C’est à cause de la reproduction que le mec baise autant. Parce que les meufs veulent se reproduire. Mais lui ne veut pas donc il se casse et passe à une autre. Ça devient du sexe qui n’a pas vraiment de sens.
Fuzati | Bio express
1978 : Naissance de Fuzati à Versailles2003 : Premier EP du Klub des loosers avec Baise les gens
2004 : Premier album avec Vive La Vie
2012 : Sortie de son nouvel album La Fin De l’Espèce
J’ai des potes qui ont eu des gosses, je continue à leur parler
Tu fais complet à Metz, tu fais complet à Paris, ton nouvel album a été rapidement en rupture de stock. Ça fait quoi d’être attendu maintenant ?
Pour l’album, j’en avais juste pas pressé assez, mais tant mieux ! Mais je ne me pose pas la question d’être attendu ou pas. J’essaie de garder cet amateurisme au bon sens du terme, garder cette fraîcheur en fait. D’arriver sur scène comme si c’était mon premier concert. Là par exemple j’ai laissé beaucoup de temps entre les deux albums, mais c’était pour avoir l’impression de refaire un premier album. Parfois je peux passer 3 ou 4 mois sans faire de musique et oublier complètement cette vie artistique, même si ça reste dans un coin de ma tête. J’ai besoin de vivre pour nourrir ma musique. Je ne traîne pas avec les gens de la musique, limite j’ai besoin de me rappeller que je suis Fuzati de temps en temps. Mais c’est ma manière de fonctionner et je trouve ça cool.
Pourquoi faire tes albums en amateur en travaillant à côté et en produisant tout, tout seul ?
Parce que c’est ce qui convient à ma musique pour garder une liberté artistique. Mais je le fais de manière très professionnelle. Beaucoup de mecs le font aussi en amateur mais il n’osent pas le dire parce que c’est une défaite. Personne ne vend de disques en ce moment de toute façon. Pour Vive La Vie, j’ai fait beaucoup de promo et je me suis aperçu que pour vivre de ma musique, dans le sens bien en vivre, il fallait ne pas que je mette de l’eau dans mon vin. Mais c’est un système qui me convient parfaitement, je veux garder ma liberté artistique mais elle a un prix : c’est d’avoir un taff à côté. Mes choix artistiques ne seront jamais dictés par une contrainte économique.
Je préfère attendre mais que chaque ligne soit une punchline
On te voit peu sur Twitter et Facebook. L’amateurisme encore ?
C’est juste que c’est ma nature. Au quotidien, je ne suis pas un mec qui parle beaucoup, je suis un peu autiste. Le Facebook, ce n’est pas moi qui le tient et Twitter, je trouve ça ridicule en fait. Les gens passent plus de temps à mettre leur vie en scène que de la vivre. Je trouve ça bizarre. Moi je ne me réveille pas le matin en me disant « tiens je suis artiste ». Mon public n’a pas besoin de savoir ce que je suis en train de faire. Je m’en branle.
On a lu que tu bossais un peu sur des nouvelles, des poèmes. Alors est-ce qu’au bout du compte, tu vas revenir à de simples écrits, à l’origine presque ?
Je ne me suis jamais considéré comme rappeur, juste comme un mec qui écrit. Après j’adore faire des prods, j’ai mis du temps à avoir un sampleur, mais j’adore ça. Pour écrire, je me mets vachement la pression, je veux que chaque ligne soit justifiée. Je me mets toujours un poids pour l’écriture. Je préfère attendre mais que chaque ligne soit une punchline. Je travaille tout le temps mais pour moi. Et des fois je me dis qu’un texte pourrait sortir.
Il paraît que tu aimes bien Michel Houellbecq. Est-ce que tu l’as déjà contacté pour un featuring ?
J’aime bien Houellbecq mais je suis pas fan plus que ça. J’ai beaucoup aimé le disque qu’il a fait avec Burgalat, je trouve ça super bien. En tant qu’auteur il est fort mais ce n’est pas un maître à penser. Après pour un featuring, ça pourrait être intéressant. Pourquoi pas ? Mais je préférerais qu’il refasse un album solo. Là c’est l’auditeur qui parle.
La critique de l’album, c’est ici
Houellebecq pour un featuring, ca pourrait être intéressant
On dit que Houellbecq est un anar de droite. Toi aussi ?
La politique, je m’en branle complètement. Je m’en fous, c’est niqué. J’ai pas le temps de m’y intéresser. Même si je vais voter je m’en fous. Et j’ai pas du tout envie de faire rentrer la politique dans Fuzati. Le personnage est apolitique. J’essaie plutôt d’être dans l’intemporel.
Vu qu’on parle littérature, tu as des livres à recommander ?
J’ai pas encore eu le temps de le lire, mais y a un nouveau Bukowski qui a été traduit, il faut que je lise ça. Pendant les promos, je n’ai pas trop le temps de lire mais j’ai toujours un Jim Harrison. En ce moment je lis Alcools d’Appolinaire, y a des putain de punchline dedans. Attends c’était quoi ? « Elles ne sont pas méchantes ces femmes, elles ont des soucis. Cependant même la plus laide d’entre elles a fait souffrir son amant. » Ça défonce.
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