Dix mois d’emprisonnement en sursis, l’annulation de son permis de conduire, l’interdiction de repasser l’examen du permis pendant six mois et l’interdiction de conduire tout véhicule à moteur pendant six mois.
C’est la peine écopée le 21 mars 2025, au tribunal judiciaire de Paris, par le policier Clément C. pour avoir roulé excessivement et renversé Richy, alors âgé de 19 ans, en pleine nuit, au coeur de Paris.
« C’est scandaleux », estime Aarthy (1), ingénieure francilienne de 31 ans qui a passé des mois au chevet de son cousin à l’hôpital. Le jeune homme pédalait vers son job étudiant, dans le 6ème arrondissement de Paris, le 1er juillet 2024, à 5h du matin. Une affaire qui avait été révélée par StreetPress. Même amertume chez la mère de la victime :
« C’est injuste. Il va repasser son permis et il va encore avoir je ne sais combien d’accidents. »
Les larmes aux yeux, cette comptable franco-srilankaise de 50 ans explique ne plus vivre depuis l’accident de son fils. Le policier de la Division régionale motocycliste (DRM) Clément C. a reconnu les faits dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC). Le policier a été auditionné à huis clos, puis la famille a rejoint la salle d’audience pour connaître le verdict. La procédure CRPC explique la rapidité du jugement mais permet aussi au prévenu d’éviter de donner des explications à la barre et empêche un retour sur les circonstances de l’accident ou sur l’enquête de l’inspection générale de la police nationale (IGPN).
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D’après l’enquête de l’IGPN, le motard qui est entré en collision avec le Vélib’ de l’étudiant Richy le 1er juillet 2024, au croisement entre la rue de Buci et le boulevard Saint-Germain, roulait à 100km/h. La zone était pourtant limitée à 30 km/h. En outre, le policier, qui rentrait au commissariat, n’avait pas mis ses gyrophares, comme la loi l’y oblige.
« Pour moi, la police, c’est censé respecter les civils et faire respecter la loi »
Pendant l’audience, Richy, dont les mains tremblent ou se crispent, s’est déplacé lentement et avec l’aide de sa mère pour s’exprimer :
« Pour moi, la police, c’est censé respecter les civils et faire respecter la loi. Sauf que là, ils n’ont pas respecté les civils. Moi, je voulais juste aller travailler et je me retrouve à l’hôpital. »
Son avocat Henri Braun a dénoncé une « enquête bâclée ». Il a plaidé, sans succès, pour que le juge renvoie l’affaire au parquet, afin que le policier puisse comparaître devant un tribunal correctionnel :
« Ce genre de violences policières structurelles sont très répandues. Sur la route, on a des policiers qui se croient tout permis. Ce sont eux qui mettent les contraventions, donc ils ne sont pas sanctionnés. »
L’avocat des parties civiles a conclu : « Nous voulons savoir la vérité et nous voulons que ce débat puisse avoir lieu sur la place publique. »
Lâcher un peu le guidon
Devant Richy et ses proches, le conseil du policier a répondu :
« Mon client a dit qu’il est désolé de ce qui vous est arrivé, vraiment. Maintenant, c’était un accident. »
L’avocate a justifié la vitesse excessive du policier par ses fonctions, « parfois, les motards, surtout dans les services spécialisés, peut-être qu’ils lâchent un peu le guidon… ». Avant de demander à la salle d’audience : « Qui n’a pas déjà un peu dépassé la vitesse autorisée ? »
La robe noire, qui décrit son client comme « un jeune homme de 28 ans », dont le travail a toujours été – de façon assez ironique – « la sécurité routière » a tonné : « Monsieur C. a beaucoup souffert de cet accident. Il ne veut pas devenir le bouc émissaire d’une vendetta contre la police et contre la justice. » Avant l’accident nocturne du 1er juillet 2024, le policier avait déjà perdu à plusieurs reprises des points de permis pour excès de vitesse.
Les avocats se sont ensuite écharpés sur la couleur des feux de circulation au moment des faits. Si maître Henri Braun assure que les extraits de vidéos de caméras de surveillance qu’il a pu visionner ne permettent pas de confirmer que le feu était au rouge sur la route de Richy, à l’inverse de ce qu’affirmait l’IGPN à StreetPress, l’avocate du policier affirme de son côté que l’enquête va dans ce sens.
Une vie gâchée
Richy a été plongé dans un coma artificiel pendant un mois et demi après le drame. Il souffre toujours de lourds troubles moteurs, cognitifs et neurologiques, est incapable de reprendre ses études, se rend à l’hôpital tous les jours pour sa rééducation et a déposé un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
« Sa vie est gâchée », regrettait avant l’audience son père, 52 ans, chauffeur de métier. Sur le plan civil, qui concerne l’indemnisation des préjudices, l’audience est renvoyée au 20 octobre 2025.
(1) Les prénoms ont été changés.
Image d’illustration via Wikimedia Commons, prise par Guillaume Vachey.