Le service d’urgence du centre hospitalier régional (CHR) Metz-Thionville (57) craque. Le personnel se dit au bord de l’asphyxie et dénonce, dans un article du Républicain Lorrain, un manque de moyens criant. Malheureusement, « il n’y a pas d’argent magique ». Enfin, ça dépend pour qui… Fin 2022, l’office public de l’habitat Moselis, s’est fait plus d’un million d’euros sur le dos du CHR. Une coquette somme qui aurait utilement renfloué les caisses de l’hôpital.
L’opération débute en 2015. Le 30 septembre de cette année, le CHR cède trois parcelles, soit 1,56 hectares d’un terrain qui lui appartient, situé à Thionville, pour la somme de 453.000 euros. Un tarif qui s’appuie, comme la loi l’impose, sur une évaluation menée par France domaine, précise la direction du CHR. L’acquéreur ? Moselis, un bailleur social qui sur cette opération n’a pas pour projet de faire du logement social. Franck Ceccato, l’actuel directeur général s’explique :
« En tant que bailleur social nous devons faire de la réserve foncière. Cela permet avec les années de faire des plus-values en cas de revente, qui permettent de financer des rénovations et constructions de logements. »
Trois ans plus tard, le 17 octobre 2018, Moselis obtient le permis d’aménager le terrain pour y implanter un lotissement à usage d’habitation de 17 lots. Grâce à ce sésame, l’acquéreur d’un des terrains peut y construire une maison et « n’a pas toutes les démarches d’obtention à faire auprès des services de l’État, de l’agglomération et de la ville », détaille Franck Ceccato, pour justifier la très jolie plus value que va réaliser Moselis.
Car dans la foulée, le terrain est revendu presque quatre fois plus cher – 1,7 million d’euros – à la société SAS Saint-Anne, dirigée par Georges Lucas, un mastodonte de l’immobilier. Moselis profite donc d’une plus value de 1,36 million d’euros, sans avoir jamais rien construit dessus ! Un choix du « plus offrant » assumé par Franck Ceccato, qui indique à StreetPress avoir fait « un appel à manifestation d’intérêt ». Le nouveau propriétaire va ensuite y bâtir un lotissement de 35 lots et à son tour encaisser une plus-value.
Tout le monde semble d’accord
Éric Michel, ancien directeur général du bailleur social Moselis, confirme « qu’il n’y a jamais eu de projet de logement social sur ce terrain », car « le but du jeu n’est pas qu’il y ait des logements sociaux, nous sommes en bordure d’un quartier d’habitat social et l’objectif était de diversifier l’habitat ». Il précise aussi qu’il y avait, à proximité, des tours à démolir. « Avec les services de l’État le discours était clair. On ne faisait la démolition des tours que si à côté on pouvait faire un lotissement qui nous permettait d’amortir les coûts », explique-t-il. En clair, l’opération a été menée avec l’aval de la ville et des services de l’État qui siègent au conseil de surveillance de l’hôpital (1). Il enchaîne :
« À partir du moment où on a eu des offres qui nous ont permis de dégager le solde positif qu’on attendait, on a préféré le céder parce que mes salariés avaient d’autres charges sur la table. »
La question à 1,7 million d’euros, c’est : pourquoi un hôpital public déjà très mal doté a indirectement financé une démolition de tours HLM ?
Pierre Cuny, vice-président du conseil de surveillance de l’hôpital et maire Horizons de Thionville, n’a pas donné suite aux sollicitations de StreetPress.
Illustration de Caroline Varon.