Le 27 juin 2023, le décès tragique de Nahel, 17 ans, tué par un policier à Nanterre (92), a provoqué une onde de choc qui a traversé toute la France. En quelques heures, des révoltes ont éclaté dans des centaines de villes, dont certaines n’avaient jamais été touchées auparavant. Le drame a cristallisé des années de tensions non résolues entre police et jeunes.
« Nahel, ça aurait pu être moi », confient les jeunes émeutiers à qui nous avons décidé de donner la parole. « Sa mère en pleurs, ça aurait pu être la mienne. » Les événements ont rapidement été réduits au bilan comptable de la casse et des interpellations. Les images de violences, diffusées en boucle, ont pris le pas sur les questions de fond : celles du racisme, de la ségrégation sociale et du ressentiment envers la police d’une partie de la jeunesse française. Sans cette lecture, comment empêcher qu’une telle flambée ne se reproduise demain ?
Un documentaire nous a semblé nécessaire pour prendre du recul et inscrire cet événement dans son contexte. « Nahel, un an après : la révolte étouffée », redonne une voix à ceux que l’on préfère souvent ignorer. Les jeunes qui sont sortis dans la rue ont été désignés comme un tout uniforme : des mineurs violents, déconnectés de la mort de Nahel, prêts à tout pour casser et piller. La réalité, bien plus complexe, méritait d’être racontée. A-t-on assisté à des émeutes ou à des révoltes ? Pourquoi le discours nauséabond de l’extrême droite a-t-il pris tant de place dans les débats ? Pourquoi la réponse politique est systématiquement celle du retour à l’ordre ?
Avec ce dossier – qui rassemble des enquêtes, des reportages et des témoignages, en plus du documentaire « Nahel, un an après : la révolte étouffée » – nous avons souhaité revenir sur la trace indélébile qu’ont laissée ces événements dans la société française.
- Documentaire : « Nahel, un an après : la révolte étouffée »
- Enquête : Perquisition violente d’une famille pour retrouver un émeutier. « Ils sont arrivés, ont tiré un coup de feu, nous ont violentés et sont repartis. »
- Reportage : « Si les émeutes devaient recommencer, j’y retournerais. » Des jeunes racontent la mort de Nahel et les violences policières qui continuent.
- Témoignage : « Je sers une institution criminelle. » Un an après les émeutes, des policiers racontent leur désaccord sur le maintien de l’ordre
- Entretien : La ségrégation sociale a nourri les émeutes de 2023, explique Marco Oberti, chercheur au Centre de recherche sur les inégalités sociales de Sciences Po.
Revoir et relire : notre sélection de contenus passés pour aller plus loin.
- Nahel, un an après : la révolte étouffée », le documentaire
Pendant une semaine, le pays a connu les émeutes les plus intenses de son histoire récente dans les quartiers populaires. Ce film donne la parole à ceux qui ont vécu cette explosion de colère. Aux jeunes, d’abord, qui ont participé à ces révoltes. À Maïssan, la cousine de Nahel, qui témoigne pour la première fois face caméra. À Virgil, un ancien militaire éborgné par un tir policier. Il y a aussi des voix engagées, comme celle d’Assa Traoré, emblème de la lutte contre les violences policières en France, ou de militants des droits humains. Des sociologues, des chercheurs, des avocats apportent également un éclairage sur les racines profondes de cette révolte et analysent la répression brutale qui a suivi.
- Enquête : une famille victime de violences policières lors d’une perquisition liée aux révoltes pour Nahel
« Ils sont arrivés, ont tiré un coup de feu, nous ont violentés, insultés et sont repartis. » Vanessa, Marcel et leurs quatre enfants ont été victimes de violences policières lors d’une perquisition en mars 2024. Un agent a tiré dans leur logement. Ils cherchaient le cadet, suspecté d’avoir participé à l’incendie d’une école, qui n’a entraîné aucune poursuite.
Un agent a tiré une balle dans leur logement. / Crédits : Nnoman Cadoret
Vanessa, Marcel et leurs quatre enfants ont été victimes de violences policières lors d’une perquisition en mars 2024. / Crédits : Nnoman Cadoret
- Reportage : « Si les émeutes devaient recommencer, j’y retournerais. »
À quelques kilomètres de Nanterre, des jeunes ayant participé aux révoltes urbaines à Bezons (95) restent marqués par le souvenir de la mort de Nahel. Ils racontent les violences policières qu’ils vivent eux aussi. « Moi, les condés, j’ai la haine contre eux. Récemment, en garde à vue, ils m’ont frappé et écrasé la tête contre le sol. Il faut être fort mentalement : face à ça, on est impuissants. »
Des jeunes ayant participé aux révoltes urbaines à Bezons racontent les violences policières qu’ils vivent eux aussi. / Crédits : CLPRESS
- Témoignage : Un an après les émeutes, des policiers racontent leur désaccord sur le maintien de l’ordre
« Je sers une institution criminelle. » Des policiers confient à StreetPress leurs désaccords avec l’institution au moment des émeutes de 2023. Choqués par les images du tir, ils se désolidarisent des choix de leur hiérarchie en termes de maintien de l’ordre.
Après la mort de Nahel, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et le président de la République Emmanuel Macron, affirment que leur objectif est de rétablir « l’ordre ». / Crédits : CLPRESS
Des policiers confient à StreetPress leurs désaccords avec l’institution après les émeutes de 2023. / Crédits : CLPRESS
- Entretien : « Ces jeunes ont un sentiment de relégation et de discrimination »
Le chercheur et sociologue Marco Oberti fait deux grands constats : la France a connu les émeutes urbaines les plus intenses de son histoire contemporaine et le mouvement insurrectionnel a touché 219 nouvelles villes par rapport à 2005. Il explique que la ségrégation sociale, soit la concentration de la pauvreté dans des espaces spécifiques, est prédictive des émeutes : « Après 2023, on ne peut plus dire que les émeutes sont uniquement urbaines, au sens des banlieues des grandes métropoles. Elles mobilisent des adolescents de cités d’habitat social de petites villes, qui s’identifient pour une part aux jeunes des banlieues de grandes métropoles. »
Il y a une forte corrélation entre le profil social de la commune et la probabilité que des émeutes aient lieu. / Crédits : StreetPress
Marco Oberti est professeur de sociologie et chercheur au CRIS de Sciences Po. / Crédits : StreetPress
Relire et revoir : « Gilets Jaunes : une répression d’État »
Avant 2023 et les mouvements de protestations liées à la mort de Nahel, il y a eu les Gilets Jaunes, en 2018. Une répression d’une violence inédite s’est abattue sur ces manifestants partout en France. À travers les témoignages de blessés, spécialistes et militants, le documentaire « Gilets Jaunes : une répression d’état », sorti en 2019, décrypte les dérives du maintien de l’ordre.
Dans un article de 2017, nous vous racontions qu’en dix ans, 47 hommes désarmés étaient morts à la suite d’une intervention musclée des forces de l’ordre. En 2019, StreetPress avait recensé sept décès survenus lors d’interventions des forces de l’ordre.
Nous avons aussi rencontré différentes familles qui ont perdu un proche dans une intervention de police. Pour retrouver le récit de leurs combats, cliquez sur leurs noms. ADAMA, AMINE, ANGELO, BABACAR, GAYE, IBO, KLODO, LAMINE, MEHDI, ROMAIN, SABRI, SHAOYAO, STEVE, YANIS, WISSAM.
En 2023, nous avons également réalisé « Violences policières : le combat des familles », diffusé sur FranceTV Slash. Ce documentaire raconte les histoires et les combats de familles touchées par les violences policières. Leur frère, leur père, leur proche sont morts après une intervention des forces de l’ordre.
Pour voir le documentaire gratuitement et en intégralité : cliquez ici.
/ Crédits : Corentin Fohlen & Caroline Varon
La photo de Une (et de l’affiche) a été prise par Corentin Fohlen. L’affiche du documentaire a été réalisée par Caroline Varon.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER