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    04/05/2023

    Elle parle de révolution sur BFMTV

    Ariane Anemoyannis, figure montante de la jeunesse radicale

    Par Lina Rhrissi , Pauline Gauer

    Sur les plateaux télé, Ariane Anemoyannis recadre un ministre et tient tête aux présentateurs. À 24 ans, l’étudiante parle révolution, dénonce les violences policières et voudrait renverser le système. Portrait.

    « Votre gouvernement ne tient que sur le sang des manifestants, sur la violence de la police, sur la terreur que vous insufflez à l’ensemble de la population. » Ariane Anemoyannis, 24 ans, visage poupin et voix assurée, lâche la tirade au ministre de l’Industrie, Roland Lescure, le 26 mars 2023, dans l’émission C Politique sur France 5. Le premier passage télé de la militante révolutionnaire est un succès.

    Après le recours au 49.3 pour faire appliquer la réforme des retraites, le 16 mars dernier, les étudiants sortent en masse dans la rue. Faisant fi du cortège à horaires réglés de l’intersyndicale, ils battent les pavés jusqu’à tard le soir. Les témoignages de violences policières et d’arrestations abusives affluent. Ariane Anemoyannis, qui étudie le droit à Paris I, participe aux manifestations sauvages. La Parisienne est membre du collectif Poing Levé, émanation étudiante du parti trotskiste Révolution permanente (RP). France 5 lui propose de la suivre trois jours pour un sujet sur la jeunesse en colère, puis de venir en plateau. Elle accepte. « On veut pouvoir s’adresser au plus de monde possible », nous explique la militante quand on la rencontre dans un café, Place de Clichy, à Paris.

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    « On veut pouvoir s’adresser au plus de monde possible », nous explique la militante quand on la rencontre dans un café, Place de Clichy, à Paris. / Crédits : Pauline Gauer

    La veille, la production la prévient que le ministre macroniste sera présent. « Je me souviens que pendant la diffusion du reportage, il hochait la tête. Ça se voyait que c’était l’homme que le gouvernement envoyait au front pour incarner la conciliation », bouillonne-t-elle :

    « Il prenait un air compréhensif quand derrière Macron nous tabassait dans la rue. Je n’avais pas envie de jouer à ce jeu de dupes. Ça me paraissait insupportable de le laisser parler comme si de rien n’était ! »

    Le visage de la jeunesse en colère

    Après sa saillie remarquée, les prods l’appellent pour l’avoir sur leur chaîne. Sur BFMTV, elle doit réagir après des images de poubelles qui brûlent. « Ils veulent nous faire passer pour des jeunes factieux. Mais quand j’explique que même Assas est bloquée, ça débunke totalement leur discours ! » C’est dans l’émission Apolline Matin, sur RMC, que les échanges sont les plus tendus. « Quand la police vous dit que c’est le moment de rentrer chez vous […], pourquoi vous ne le faites pas ? » demande la présentatrice Apolline de Malherbe, cinglante. Ariane Anemoyannis répond :
    « On a compris qu’on n’allait pas s’en sortir avec des manifestations isolées de temps en temps. »

    L’invitée dénonce les agissements de la BRAV-M, des « voltigeurs qui roulent sur un étudiant en BTS dans la rue, qui fracassent des crânes », face à une journaliste outrée.

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    « C’est incroyable à quel point elle arrive à maintenir des tunnels sans se faire couper la parole, comme si ça faisait cinq ans qu’elle faisait des médias », dit Anasse Kazib, tête d’affiche de Révolution Permanente. Le cheminot est épaté par l’aplomb de sa camarade de lutte. Il a lui-même été la coqueluche des plateaux un certain temps et sait de quoi il parle. L’intéressée garde la tête froide :

    « Je suis le produit d’une génération et d’une séquence, plutôt qu’une personnalité médiatique. »

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    La Parisienne est membre du collectif Poing levé, émanation étudiante du parti trotskiste Révolution permanente (RP) / Crédits : Pauline Gauer

    Marxisme 2.0

    Sa formation militante, elle la doit surtout à Révolution Permanente, issue d’une scission avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en 2022. Mais aussi à son collectif étudiant, le Poing Levé, dont elle a participé à la création à l’université Paris I, en 2018, lors de la mobilisation contre Parcoursup. L’organisation étudiante d’extrême gauche a gagné en visibilité pendant le mouvement social contre la réforme des retraites. Difficile d’évaluer la popularité du collectif dans les facs et lycées puisqu’il ne distribue pour l’instant pas de carte de membre et ne reçoit pas de cotisation.

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    Ariane Anemoyannis a participé à la création du collectif étudiant le Poing Levé, à l’université Paris I, en 2018. / Crédits : Pauline Gauer

    Son objectif ? Faire le lien entre les étudiants et les travailleurs. « C’est en s’alliant avec les travailleurs qu’on va être en mesure de renverser ce système qui nous exploite », tonne la marxiste révolutionnaire.

    Alors, depuis le début de la mobilisation, Ariane Anemoyannis va soutenir les grévistes partout en France avec son mégaphone. Des raffineurs du Havre (76) aux éboueurs de Varennes-Jarcy (91), elle est partout. « C’est hyper intéressant de la voir évoluer comme cadre dirigeante de la jeunesse. Qu’il y ait des filles comme Ariane qui mettent au goût du jour un marxisme 2.0 », se réjouit Anasse Kazib de RP.

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    Quand on la voit à l’écran et sur les piquets, difficile de deviner qu’Ariane Anemoyannis est une grande timide. « Au début, à la fac, j’étais terrorisée quand il fallait prendre la parole pour des exposés », confie-t-elle. Mais il suffit de lui parler de révolution pour la voir oublier ses réserves. « Quand je l’ai connue, on s’entraînait beaucoup à prendre la parole publiquement », se souvient l’avocate Elsa Marcel, également encartée chez RP :

    « Pour les femmes, le travail politique est émancipateur. Ça nous aide à nous affirmer et à développer notre personnalité. »

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    « C’est hyper intéressant de la voir évoluer comme cadre dirigeante de la jeunesse. Qu’il y ait des filles comme Ariane qui mettent au goût du jour un marxisme 2.0 », se réjouit Anasse Kazib. / Crédits : Pauline Gauer


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    Depuis le début de la mobilisation, Ariane Anemoyannis va soutenir les grévistes partout en France, des raffineurs du Havre (76) aux éboueurs de Varennes-Jarcy (91). / Crédits : Pauline Gauer

    Génération blocus lycéens

    Si elle habite aujourd’hui à Saint-Denis (93), avec son copain qui milite aussi pour RP, Ariane Anemoyannis est née dans le 10e arrondissement de Paris. À l’aise avec les mots, l’élève-avocate exprime ses idées avec calme et clarté. Son milieu social d’origine a pu aider : son père, ancien cadre dans la presse, a travaillé un temps aux services abonnements des journaux Libération puis Le Monde. « Un ancien électeur du Parti socialiste déçu par les trahisons de la gauche », explique-t-elle. C’est à 15 ans, dans le très cossu lycée Sophie-Germain, dans le Marais, qu’elle a connu sa première manif’. Avec ses camarades de seconde, elle bloque son établissement pour protester contre l’expulsion de Léonarda, lycéenne kosovare interpellée par la police lors d’une sortie scolaire en 2013. « En première, la mort de Rémi Fraisse et en terminale, on vivait la loi Travail », analyse sa copine d’enfance Romane Bartolli, qui est aussi au Poing Levé :

    « La génération 98 a connu trois mouvements sociaux : les trois années de lycée. Ça a contribué à nous politiser. »

    Ariane Anemoyannis a trouvé son antidote à la démoralisation de l’époque : « militer permet de donner du sens à la vie. C’est une richesse qu’on ne connaît nulle part ailleurs ! »

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    Ariane Anemoyannis a trouvé son antidote à la démoralisation de l’époque : « militer permet de donner du sens à la vie. C’est une richesse qu’on ne connaît nulle part ailleurs ! » / Crédits : Pauline Gauer

    La future avocate des prolétaires ?

    Quand elle n’est pas en amphi ou dans une réunion politique, Ariane Anemoyannis est assistante juridique dans un cabinet parisien spécialisé dans la défense des salariés. L’avocate en devenir, qui a passé le barreau l’année dernière, fait partie de la génération des « bifurqueurs ». En 2022, huit ingénieurs d’AgroParisTech ont refusé leur diplôme pour signifier leur rejet des métiers de l’agro-industrie et leur désir de lutter contre le réchauffement climatique. Comme eux, l’étudiante veut donner du sens à son job :

    « Je veux être l’avocate de toutes celles et ceux qui ont besoin d’être défendus face à l’État, face aux patrons, faire du droit des étrangers. »

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    « Je veux être l'avocate de toutes celles et ceux qui ont besoin d'être défendus face à l'État, face aux patrons, faire du droit des étrangers. » tonne Ariane. / Crédits : Pauline Gauer

    Elle est critique de l’enseignement dans son université : en cours de droit du travail, on lui donnerait davantage de billes pour être aux côtés des employeurs que pour défendre les salariés. « On nous apprend à être les futurs dirigeants d’entreprises qui vont détruire la planète », dénonce la jeune trotskiste. « Mais nous, on veut mettre nos compétences au service d’un autre monde. »

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    À 24 ans, l’étudiante parle révolution, dénonce les violences policières et voudrait renverser le système. / Crédits : Pauline Gauer

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