Depuis des années, la filiale d’EDF en transport d’électricité RTE communique en grande pompe sur ses initiatives environnementales. Que ce soit pour vanter leur système de préservation de l’aigle de Bonelli dans les Bouches-du-Rhône, ou leurs conventions avec France Nature Environnement et la Ligue de protection des oiseaux (LPO) – avec qui RTE protège par exemple les Balbuzards dans l’Allier.
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Pourtant, StreetPress a appris en juin dernier que le procureur de la République de Nancy (54) avait été saisi pour « deux signalements de la part d’association de protection de l’environnement ». La LPO 54 en Meurthe-et-Moselle et Loana (Lorraine Association Nature) dans la Meuse (55) évoquent « des atteintes à des espèces protégées lors de l’entretien de pylônes électriques », selon le parquet. Deux enquêtes ont été ouvertes.
« On s’est retrouvés avec des nids et des oiseaux mort-nés au sol »
Nous sommes en début d’année 2022 et RTE doit refaire les peintures de ses pylônes électriques. Un entretien obligatoire tous les 15 ans pour lutter contre la rouille. Pour cela, elle contacte le responsable de la Ligue de Protection des Oiseaux du coin, convention oblige. RTE et ses sous-traitants demandent à l’association un inventaire sur les 100 pylônes de la ligne à haute tension qui part de la commune de Bauzemont jusqu’à Xousse (54). Christophe (1), un membre de l’association, explique :
« Les oiseaux font des nids sur les pylônes lors de certaines périodes de l’année. On leur a dit qu’il fallait prendre des précautions avec ces espèces. En avril 2022, on leur a même fait un inventaire des nids par pylônes. »
En mai 2022, les membres de la LPO 54 font une nouvelle tournée et se rendent compte que les nids ont été retirés des pylônes :
« Il y avait trois voire quatre entreprises sous-traitantes (de RTE, ndlr). Certaines avaient laissé les nids, d’autres les avaient détruits. On s’est retrouvés avec des nids au sol avec les oiseaux mort-nés. »
L’association décide de faire un signalement au parquet de Nancy. Dans les oiseaux concernés, il y a notamment le grand corbeau, « une espèce protégée », souligne Christophe de la LPO 54. L’homme évoque aussi d’autres espèces qui, si elles ne sont pas protégées, ne peuvent être piégées, tuées ou leurs habitats détruits que sous certaines conditions (2). Il cite la corneille noire, les corbeaux freux ou des faucons comme le crécerelle, le hobereau et le pèlerin.
Un non-respect de convention
Début mai, deux chargés de mission de l’asso Loana ont également la surprise de constater « des ouvriers d’une entreprise sous-traitante de RTE en train de repeindre le pylône en pleine période de nidification et de reproduction des oiseaux » dans la Meuse. Selon leurs dires, les ouvriers n’étaient pas sans le savoir. « Pour nous, il y a intentionnalité », explique Guillaume Leblanc, un des responsables de l’association.
L’action des sous-traitants n’a apparemment pas eu de conséquence sur le nid qu’il suivait depuis 2012. Mais le problème est ailleurs. Comme pour la LPO, RTE a une convention avec Loana qui stipule que la filiale d’EDF « doit adapter les périodes d’intervention selon la nidification », détaille Guillaume Leblanc. Or, cette fois-ci et contrairement à l’histoire avec la LPO 54, « aucune demande d’inventaire des oiseaux de toute la ligne électrique ne nous a été adressée » et RTE a traité « tous les pylônes » de la ligne électrique sans se poser de questions. Guillaume Leblanc enrage :
« Avec cette politique interne à RTE, si elle est appliquée partout en France, on peut se poser la question d’un impact délétère et conséquent sur la biodiversité. »
Qui a donné l’ordre ?
Suite à ces deux affaires, le parquet de Nancy a saisi l’Office français de la biodiversité (OFB) de chaque département, qui mène l’enquête. En Meurthe-et-Moselle, pour la « destruction de nids d’espèces protégées », comme le qualifiait le procureur d’alors François Pérain, l’enjeu est de savoir qui de RTE ou de ses sous-traitants ont été les donneurs d’ordres de la mort des oiseaux.
Dans ses documents internes, RTE met en avant l'importance qu'elle accorde à l'environnement. Dans les faits, c'est parfois bien différent. / Crédits : StreetPress
Contactée, RTE a tenu à préciser que l’entreprise était engagée sur ces questions « depuis plus de 30 ans » et met en valeur son partenariat avec la Ligue de protection des oiseaux, signé en 2013. Pourtant, elle rejette dans sa même réponse un peu la faute sur la LPO et excuse ses sous-traitants :
« Comme vous l’évoquez et malgré toutes les précautions portées à la vie des oiseaux à proximité des lignes, il peut arriver dans de rares cas qu’un de nos sous-traitants en charge d’une opération de maintenance, telle que la peinture nécessaire pour la durée de vie des liaisons aériennes, déplace ou dégrade un nid d’une espèce protégée qui n’avait pas été identifiée en amont de l’intervention. »
Sous-entendant que les associations n’ont pas réalisé un inventaire exhaustif, l’entreprise assure pourtant que leurs relations avec la LPO sont « très bonnes ». La société souligne même que ces partenariats « sont importants pour mieux recenser les espèces, leurs lieux de passage et le cas échéant permettent de définir en lien avec les associations les dispositions respectueuses à mettre en œuvre avant nos interventions ». À la justice de trancher sur ces fameuses « dispositions respectueuses ».
(1) Le prénom a été changé.
(2) Ils peuvent être piégés par des personnes agréées, ou tués sous autorisation préfectorale ou en période de chasse.
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