Place de la République (3e) – Un guitariste, en gilet jaune, chante fort en bas des marches. « C’est l’heure de faire chier Macron, la la la ». La petite musique est de mise, ce mercredi 29 novembre. Ce soir-là, la gauche de la gauche s’est donnée rendez-vous pour parler du sujet brûlant du moment : que faire avec le mouvement gilets jaunes ? France Insoumise, syndicats, Nuit Debout, Comité La vérité pour Adama, ils sont tous là. « Ce soir, en gros, ça va d’après le PS – je ne compte pas le PS dans la gauche – à au delà du NPA », renseigne Youlie, 34 ans.
À la base du rassemblement, organisé par la bande à Ruffin : un appel lancé par Assa Traoré à rejoindre le mouvement des Gilets Jaunes de ce samedi 1er décembre, pour une grande manifestation sur les Champs Elysées. « Quand on a vu le communiqué, notre sang n’a fait qu’un tour. On s’est dit “si eux y vont, et que nous on reste les deux pieds dans le même sabot, alors on est les derniers des derniers”. Si Nuit Debout ni va pas, vous êtes les derniers des derniers », explique Frédéric Lordon à la tribune :
« Nous sommes ici ce soir, au défi de prouver que non. »
Un symbole fort pour les militants des quartiers populaires – « les outsiders de Nuit Debout », comme les appelle Youcef Brakni – qui se sont longtemps vécus comme exclu du mouvement social traditionnel.
La France des places et celle des ronds points
« Ca marche, vous m’entendez ? C’est à l’arrache ce soir, ne nous en voulez pas. » Arthur Moreau, un ancien de Nuit Debout, micro en main, lance les hostilités. Il est posté au centre de la petite scène, improvisée sur le monument à la République et éclairée par des spots posés à terre. Le jeune homme résume l’événement en introduction :
« C’est un peu l’inverse de Nuit Debout ce soir. Nous, on a occupé des places, des villes. Ca s’est surtout concentré sur Paris. Et on n’a pas réussi à mobiliser autant qu’on l’aurait voulu. Aujourd’hui, tous les ronds points de France sont bloqués et jaune fluo. Mais à Paris, il ne se passe rien. On fait quoi ? »
« En ce moment on se fait chier et on ne comprend pas ce qui se passe. Au final, on est tous un peu paumés politiquement. On ne sait pas où aller », renchérit Youlie, également ex-nuit deboutiste, 200 manifs au compteur. Elle poursuit :
« On a décidé de se réunir pour en parler. Parce qu’on est aussi le peuple et qu’on a aussi des griefs contre le gouvernement. »
La large foule de militants présents – autour de 1.000 selon les organisateurs-, pour la plupart armés de carte navigo, sont peu à être touchés par la hausse du prix du carburant. Et puis que penser des revendications fouillies des gilets jaunes ? « Tout ce qu’on voit, c’est qu’il y a un climat d’agitation sociale important aujourd’hui en France », explique Olivier, qui fait partie des postiers des Hauts-de-Seine en grève depuis neuf mois :
« Il faut profiter de ce climat social défavorable au gouvernement pour aborder les questions qui nous touchent tous : la précarité au travail, les suppressions de postes – aussi bien dans le privé que dans le public-, et la hausse des salaires. »
« Pas une bande de bourrins beaufs d’extrême droite »
Sur l’estrade improvisée, le micro passe de main en main. Chacun prend cinq à dix minutes pour exprimer ses positions. François Ruffin est chaudement applaudi :
« Paris a une responsabilité. Vous appartenez à la classe intermédiaire, celle qui a le choix de derrière qui elle se range. (…) Mon rôle est d’éviter le mépris réciproque entre les gilets jaunes et les métropoles. »
Ruffin : "Paris a une responsabilité. Vous appartenez à la classe intermédiaire, celle qui a le choix de derrière qui elle se range" #GiletsJaunes pic.twitter.com/IJ4IPEXIjK
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) 29 novembre 2018
En aparté, son collègue député de la France Insoumise, Alexis Corbière, abonde. « Pour le moment, le mouvement gilet jaune est positif, mais il peut basculer dans quelque chose de négatif. En rejetant la faute sur les étrangers par exemple », explique-t-il en faisant référence aux différents débordements racistes, islamophobes ou homophobes intervenus un peu partout en France. « Il faut accompagner ce début de mouvement. Mais les gilets jaunes ne sont pas une bande de bourrins beaufs d’extrême droite. C’est faux ! »
Le micro continue de tourner. Djamila est à la CGT. Elle appelle « à un mouvement d’ampleur, pour les précaires et les chômeurs. Pour dire “non” à Macron ». Quant à Régis, c’est « un simple habitant du 19e », qui a cependant la particularité d’être un ancien de polytechnique. Il a même ramené son képi d’étudiant pour le prouver. Lui, c’est aux élites, comme lui, auxquelles il voudrait s’adresser : « S’il-vous-plaît, engagez vous politiquement, économiquement, écologiquement, peu importe ! Mais engagez-vous pour la justice ».
Anasse Kazib, cheminot : "C'est quand la classe ouvrière va prendre l'avant-garde de ce mouvement que les fachos qui essayent de le noyauter vont dégager" #GiletsJaunes pic.twitter.com/5bd6QNd0Tv
— Mathieu Dejean (@Mathieu2jean) 29 novembre 2018
Vient le tour du Comité Adama. Au micro, Assa Traoré tonne :
« On ne laissera pas des gilets jaunes racistes, d’extrême droite, prendre du terrain. Ils ne représentent pas le mouvement. Nous, nous iront avec les gilets jaunes qui ont soutenu ma famille et notre combat contre les violences policières depuis le début. »
Le rendez-vous est donné samedi à 13h à Saint-Lazare- d’ores et déjà rallié par les cheminots et les postiers en grève-, avant de converger vers les Champs-Élysées :
« Les quartiers populaires et les mondes ruraux, ensemble, on ira faire basculer le système. »
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