Salle Jean Nicot, Paris 7e – Giselle est saisie au col. D’un coup vif, elle frappe son agresseur à l’oeil avec son journal. Malgré ses 62 ans, elle ne recule pas devant l’adversaire. En théorie seulement. Dans la pratique, la retraitée, en pantalon ample et chaussettes, simule les coups. Chaque lundi à quelques rues des Invalides, Giselle comme une douzaine d’autres seniors, perfectionne ses techniques de baston. Un cours de self-défense organisé par l’association sportive de seniors (Asserap).
Chaque séance commence par un rapide échauffement. Assis, les élèves lèvent une jambe, puis l’autre. Deux petits mouvements et déjà des gémissements : « Aïe », « Ah », « Ouh !». À 70 ans, n’est pas combattant qui veut. Certains sont inscrits pour garder la forme, d’autres pour soigner leurs angoisses. « J’ai eu des soucis avec une bande de jeunes qui voulait prendre mon portable, à Asnières-sur-Seine », rembobine Giselle, cheveux courts et yeux charbonneux. La dernière recrue, Hélène, 67 ans, s’est elle aussi inscrite après une mauvaise rencontre :
« Je me suis fait agresser verbalement dans le RER A. J’étais tétanisée, je ne pouvais plus rien faire. Ca m’a traumatisée. »
Faut pas trop les chercher... / Crédits : Constance Longobardi
Frapper vite et courir
Nouvel exercice. Cette fois, Hélène, jean droit et marinière, joue l’agresseur. Subitement, elle fronce les sourcils et empoigne sa victime. Sans vaciller, Sonia, l’oeil fripon derrière ses lunettes, lui assène un coup dans le plexus. « Ici, on apprend une technique, une façon d’être et des méthodes pour repérer un individu qui peut être dangereux », détaille Jean-Lou Monot, l’instructeur de 65 ans. Un seul objectif : s’en sortir avec le minimum de dommages. « Ce qui compte, c’est de rentrer en vie à la maison », poursuit-il.
« Paf ! Un coup et on se barre », s’amuse Giselle, avant de s’emparer d’une canne. Et ce n’est pas pour marcher. Elle la saisit à deux mains et la place devant elle, prête à repousser l’opposant. « Dans un premier temps, la canne permet de s’habituer à l’agressivité. Ce n’est pas dans la nature des seniors », précise Jean-Loup.
« Nous travaillons avec tout ce qu’il est possible de trouver sur notre chemin »
Patrick a déjà sa petite préférence :
« Avec des clefs, on peut faire énormément de dégâts. »
Le retraité pointe son trousseau en direction des yeux. Malgré ses 71 ans et son pantalon de velours, il paraît presque menaçant.
En position d'attaque. / Crédits : Constance Longobardi
Plus marrant que le yoga
Pendant l’entraînement, les mouvements ne sont pas toujours précis et les situations exagérées. « Hé ! Je peux t’agresser? », lance une élève avant de pouffer et de saisir maladroitement sa victime supposée. Une autre pousse un grognement de douleur et fait mine de s’effondrer. « Ici, on se paie surtout des crises de rire», commente la bavarde Giselle. Jean-Loup le sait bien, « il faut que ce soit ludique. Je varie les exercices tout en restant sur la même logique. » Face à ses élèves indisciplinés, il aime parler de « joyeux mélange ».
Pour les recadrer, l’instructeur propose une dernière mise en situation :
« Il est 20h30. Je rentre chez moi. Je ne me sens pas à l’aise. Je trouve un présentoir avec des journaux. Si c’est le 20 Minutes, j’en prends cinq ou six et je les roule sur la tranche. »
Il fait la démonstration et les retraités répètent cinq à six fois les gestes. Toujours aussi distraits, ils visent le nez, le menton, les yeux. Et soudain, l’un d’eux lance :
« Nous aussi, on peut agresser les jeunes ! Tu me passes ton iPhone ? »
Attaque au journal. / Crédits : Constance Longobardi
Article en partenariat avec le CFPJ
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