Tribunal de Nanterre – Dans le box vitré, Jordan R., survet’ de foot noir, se tient droit. Avare de mots, il répond aux questions par des phrases courtes.
Retour sur les faits. Ce vendredi 26 janvier à 15h20 Jordan R. conduit une golf de loc’ sur l’A86. Il n’a pas le permis. Il ne l’a jamais eu. S’il est au volant, c’est parce que son ami est « fatigué », dit-il à la barre. Peu après le Stade de France, il croise deux motards de la police. Il est en excès de vitesse, « plus de 160 km/h », raconte l’un des policiers, veste de costume et collier de barbe impeccablement taillé :
« A cette vitesse, on a l’impression que les autres véhicules sont à l’arrêt. On aurait pu assister à un carnage sur l’A86. »
Les fonctionnaires déclenchent le gyrophare. Jordan R. ne s’arrête pas, « par peur de retourner en prison ». Course poursuite. Les deux motards disent se porter quasiment à hauteur de la golf. Le conducteur aurait alors tenté de les percuter. « Ce n’est pas vrai, ils ont toujours été derrière moi », assure l’accusé, torse toujours droit et bras croisés derrière le dos. Maître Ruben, l’avocat de Jordan R., interroge le policier sur le coup de volant : « Etes-vous certain que l’intention était de percuter et non simplement de faire peur ? », questionne en substance le baveux. En guise de réponse, le policier tente un parallèle entre le coup de volant et un coup de feu. Comparaison malheureuse : à l’issue de la course poursuite, son collègue a vidé son chargeur sur la golf, touchant à deux reprises le second occupant (il est depuis sorti de l’hôpital). C’est l’objet d’une autre procédure.
>> Relire notre article « 10 coups de feu pour un délit de fuite », sur cette affaire.
Retour sur l’autoroute. La golf s’engouffre vers une sortie. A l’approche du centre-ville de Villeneuve-la-Garenne, la circulation est dense et quelques mètres plus loin le véhicule est contraint de s’arrêter : un feu, alors au rouge, crée un petit embouteillage. L’un des motards tente de bloquer la portière avec la roue avant de son deux roues. Jordan R. se faufile. Sa tête cogne le rétroviseur. Il s’enfuie à pied, en direction d’une zone industrielle. Il tente d’entrer dans un utilitaire. Fermé à clef. Il ouvre la portière d’une seconde voiture. Pas de chance le véhicule est conduit par un policier qui n’est pas en service. Il est interpellé.
Conduite sans permis, refus d’obtempérer, violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique, et transport de stupéfiants. Des faits qui pourraient le renvoyer en cabane. D’autant qu’ils sont pour chacun en récidive. Le procureur requiert 3 ans de prison avec mandat de dépôt. De son côté, Maître Camus, l’avocate des deux policiers, insiste sur le traumatisme de ses clients. Elle demande 3.000 euros pour chacun au titre « du préjudice moral ». Ruben enfile ses lunettes, puis les retire avant de plaider :
« C’t‘affaire, elle est naze. Pourtant la salle est pleine. »
Il tonne, rappelle les coups de feu de l’un des fonctionnaires. Etablit à son tour un parallèle :
« Dans ce contexte, comment dire que c’est tellement grave qu’il mérite 3 ans ! »
Il dévie sur les débats de société : la réinsertion, les sanctions pour conduite sans permis, le droit à faire usage de son arme… Il passe rapidement sur les faits et embraye sur la culpabilité de son client, rongé d’avoir embarqué son ami dans cette affaire. Avant de conclure sur le message que le tribunal doit, dit-il, envoyer « aux quartiers » qui scrutent ce dossier.
Suspension pour délibérer. En comparution immédiate, la peine est prononcée dans la foulée. 30 mois ferme avec mandat de dépôt et 2.000 euros de dommage et intérêts pour chacun.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER