Dimanche 7 mai, 19h30, au Nüba (qui a changé de nom 2 jours plus tôt pour s’appeler Communion), l’ambiance n’est pas à la grosse fête. Silens, le groupe d’électro, mixe devant une dizaine de personnes qui s’agitent en rythme, sourires béats et traits tirés par un weekend festif.
Le rooftop qui surplombe la Seine est quasiment vide. Climat politique morose ou envie de regarder la soirée électorale posé devant sa télé ? Khoula, barmaid de 24 ans, a une explication plus pragmatique : « C’est la météo qui est pas au top. Gris et froid ».
Soulagement
Les élections ne semblent pas passionner les fêtards du dimanche soir. On parle plutôt musique que politique. A 20 heures, pour l’annonce des résultats, le set ne s’est pas arrêté. Tout juste les chiffres des résultats sur un site d’infos, une dizaine de secondes — quand ils n’ont pas carrément zappé.
Un mot revient souvent dans toutes les bouches : « Soulagement ». Mais on n’a pas entendu d’effusion de joie, comme les soirs de matchs quand il y a but. Fabien a son explication :
« Y a du challenge au moins au foot. Là c’était couru. »
« Ils ne proposent rien pour nous ces gens »
Mody, un des barman, peste quand même : « le but c’est pas d’être soulagé normalement après des élections, c’est d’être content ». Le jeune homme de 28 ans qui se dit « anti-système » n’a pas voté mais a vérifié son téléphone toutes les 5 minutes aux alentour de 20 heures. « On est obligé de s’informer un minimum. Même si pour moi ça ne change rien que ce soit Marine Le Pen, Macron ou Mélenchon, ils ne proposent rien pour nous ces gens. »
Noémie, une pote du groupe qui joue ce soir, lève « un demi pouce » pour Macron, signe que c’est cool. Mais juste un peu :
Ce n'est pas un like. Juste un demi like quoi. /
« C’aurait été glauque si ça avait été Le Pen », commente Khoula. Elle est rentrée dans le bar intérieur un peu avant 20 heures pour se rassembler avec ses collègues devant un de leurs smartphones branché à la télé. A six, ils ont un peu crié et applaudi, pour la forme. « Ca va pas me faire ma nuit, mais j’étais content quand même », raconte Brice, serveur de 28 ans, air à la cool et casquette à l’envers. Il voulait que Le Pen perde, mais n’a pas eu le temps de voter. « Je suis un flemmard ». Il avait travaillé de nuit la veille.
Flemme de vote ou refus du système
Yegan, manager du groupe, n’a pas non plus « eu la force » de bouger jusqu’en Picardie ce dimanche pour voter. Il a enchaîné les soirées et n’a pas beaucoup dormi ce week-end. Son pote Ryan, n’a pas non plus été voté, mais par choix dit-il. « C’est un truc de pauvres de voter », blague-t-il. Le jeune homme de 20 ans, veste en jean à écussons ne manque visiblement pas de bagou. « Nan mais quand ce sera sérieux et qu’on aura de vrais politiques en face de nous, et pas cette espèce de tragi-comédie, j’irai ».
Au premier tour, Ryan avait quand même mis un bulletin Poutou dans l’urne. Il voit un bon côté à l’échec de Marine Le Pen :
« J’aurais dû choisir entre ma nationalité algérienne et ma nationalité française. Franchement ça m’aurait fait chier. »
Et d’ajouter, rigolard : « J’aurais surement pris l’Algérie, j’aurais été beaucoup plus riche qu’ici et j’aurais vécu toute ma vie pépère ».
La politique passe…
Alexia et Mathilde, deux lyonnaises, la vingtaine, en visite à Paris ont trinqué, quand même. « C’était soit ça, soit boire pour oublier », rigole Alexia. Elles avaient voté Hamon au premier tour, Macron au second, par procuration.
Mody, le barman anti-système, retourne à ses cocktails. La politique passe, la fête continue.
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