Pelouse verte impeccable et derbys qui attisent la ferveur de la ville. Bienvenue à San Siro. Pas l’enceinte mythique, théâtre des rêves milanais, mais un petit carré synthétique du Val Nord, à Argenteuil. C’est ici, coincé entre les hauts buildings qui font de l’ombre au terrain et un parking quasi vide, que Bernard Messi a choisi d’évoquer son parcours.
C’est ici aussi qu’il tapait la gonfle, minot, et que l’idée d’Impulstar, le plus grand tournoi de street foot d’Île-de-France, est née en 2011. Cinq ans plus tard, plus de 700 jeunes, répartis dans une centaine d’équipes, ont participé à l’événement. La grande finale avait eu lieu au Palais de Tokyo le 5 juin 2016, sous les yeux de l’international marocain Mehdi Benatia.
Assis sur un banc, dos tourné aux quatre gamins qui tâtent le cuir sur le San Siro du 9-5, Bernard se souvient de ses premiers matchs improvisés à la sortie des cours :
« Ce lieu, c’est l’âme du quartier. »
Le city-stade n’est plus le même que dans sa jeunesse. Fin 2016, il a été refait à neuf. Exit l’ancien stade en bitume, remplacé par un terrain en synthétique. Demeure à l’entrée la stèle en hommage aux frères du quartier disparus trop tôt. L’aventure sportive de Bernard part justement de l’un de ses drames :
« En 2010, on a organisé un tournoi au Foot Max d’Argenteuil pour un petit frère qui est décédé. Du coup, on a cherché à récolter des fonds pour aider sa famille. »
Pour les frères partis trop tôt. / Crédits : Rodrigue Jamin
L’événement prend de l’ampleur. Différents quartiers d’Argenteuil rameutent leurs plus fins techniciens pour marquer leur soutien à la famille endeuillée :
« Ce tournoi-là n’a rien à voir avec Impulstar. Mais ça nous a permis de constater qu’il y avait quelque chose à faire. »
Un carnet d’adresses bien rempli
L’année suivante, Bernard et son équipe lancent le premier tournoi régional de street foot. Il s’adresse aux jeunes de 14 à 16 ans des huit départements d’Île-de-France. « Les années ont passé et la sauce a pris », résume Bernard Messi, un brin déconcentré. Pas cinq minutes sans qu’un passant ne l’accoste : pote d’enfance, épicier ou môme venu caresser le cuir à San Siro, tout le monde s’arrête pour le saluer.
Les petits du quartiers viennent taper la balle / Crédits : Rodrigue Jamin
L’amateur de foot, d’origine camerounaise, ne porte pas le projet Impulstar seul. Il sait s’entourer. Parmi les soutiens on trouve Julien Chaput, journaliste pour BeIN Sports, ou Meissa N’diaye. Lui, c’est l’agent prodige du football français. À seulement 31 piges, il protège déjà les intérêts de quelques internationaux comme le Belge de Chelsea, Michy Batshuayi ou Benjamin Mendy, fraîchement sélectionné en Bleus.
Un carnet d’adresses qui a permis au projet de prendre de l’ampleur :
« Ça a fonctionné grâce à une addition de réseaux. Meissa connaît les footballeurs. De mon côté, j’avais pas mal de contacts dans la musique parce que j’y ai bossé pendant plus de six ans. »
Sous le blaze de Nar-B, il a taffé pour Première Classe, le label fondé par les Neg’ Marrons ou Because Music, l’un des principaux label indé de l’hexagone. Dans le foot, comme dans le rap, les cadors jouent le jeu et viennent soutenir. Côté ballon, on peut citer en vrac : Paul Pogba, Eden Hazard, Nicolas Anelka, Pierre-Aymeric Aubameyang, Rio Mavuba, Blaise Matuidi, etc… Côté mike, le line up est tout aussi prestigieux : la Sexion d’Assaut, Soprano… « À tous ces gens, on leur a prouvé qu’on avait les crocs », martèle Nar-B, le sourire aussi large que ses épaules.
Le San Siro se trouve en plein coeur d'Argenteuil / Crédits : Rodrigue Jamin
Passer pro
Les lundi 10 et mardi 11 avril, les centres aérés seront bondés, vacances de Pâques obligent. Le Five Porte de la Chapelle, salle de foot urbain du 18e arrondissement de Paname, lui, bouillonnera. Les éliminatoires de la 7e édition du tournoi Impulstar devraient regrouper une centaine d’équipes venue des huit départements franciliens. Seuls 16 teams pourront se qualifier pour la phase finale et goûter au plaisir de dribbler devant un parterre de VIP : humoristes, acteurs, rappeurs et footeux. « Le tournoi a deux objectifs », détaille le chef du projet.
« Le côté social, d’abord. Avec ce rendez-vous, on sort les jeunes des quartiers. Ils se rencontrent. Le foot, ça parle à tout le monde. Et puis, les jeunes intéressent beaucoup les centres de formation. »
En plus des stars, le tournoi accueille chaque année des recruteurs venus de clubs pros. Tony White, en charge du recrutement pour Chelsea, avait même fait le déplacement en 2016. De quoi faire rêver les jeunes. Surtout quand l’on sait que quelques joueurs détectés pendant le tournoi sont devenus pro’. Parmi eux, Georges-Kévin Nkoudou, repéré durant la première édition, en 2011. L’ailier gauche, passé ensuite par Nantes et Marseille, a traversé la Manche et joue sous les couleurs des Spurs de Tottenham.
La devise du tournoi est floqué / Crédits : Rodrigue Jamin
Projet non lucratif
« On a lancé le projet à nos frais. Tout vient de notre poche. Le tournoi en lui-même n’est pas lucratif », explique le fondateur. Plusieurs acteurs publicitaires, comme la marque à la virgule, participent fréquemment au tournoi pour jeunes aux crampons acérés. Pour gagner de l’argent, la boîte organise d’autres événements sportifs. Pour Bernard, l’essentiel n’est pas là :
« De toute façon, on ne va pas lâcher. C’est notre bébé ! »
Au moment de clore la parenthèse San Siro, Nar-B joue la nostalgie :
« Si on m’avait dit que ça se passerait aussi bien sept ans après nos débuts… L’histoire est belle ! »
À l’avenir, l’objectif de la petite entreprise, c’est de s’imposer à l’échelle nationale.
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