Halle Pajol (18e) — Cinq jours après l’évacuation du camp de la Chapelle, les réfugiés sont déjà de retour dans le 18e. Depuis vendredi soir, une centaine de migrants s’est installée sur la vaste esplanade qui borde la rue Pajol, à quelques encablures de la station de métro Marx Dormoy. « Un petit groupe de 20 personnes a décidé de se réinstaller ici » explique Nikita, une canette de 8-6 à la main :
« Il y a des gens qui viennent d’arriver à Paris, d’autres qui n’ont pas été satisfaits par l’hébergement qu’on leur a proposé. Et puis ceux qui n’étaient pas présent lors de l’évacuation. »
Depuis, l’info a tourné et les réfugiés affluent. « J’ai envoyé 179 textos pour prévenir tout le monde », se vante l’homme aux cheveux poivre et sel. Il y a un an, comme StreetPress vous le racontait, un camp de 200 migrants avait été démantelé au même endroit. Dans la confusion et les violences policières.
Tente internationale
« Dans notre tente, il y a un Moldave, un Iranien, un Népalais et un Afghan. On est la tente la plus internationale du camp », s’amuse Homayoun. Cela fait un an que le quinqua afghan aux yeux rieurs est parti de chez lui. Pakistan, Bulgarie, Hongrie… il a traversé le Moyen-Orient et l’Europe centrale pour arriver en France il y a deux semaines :
« A Kaboul, je travaillais pour des ingénieurs japonais. Je conduisais des camions. Les talibans voulaient que je bosse pour eux. Ils ont menacé de me tuer si je ne le faisais pas. Alors je suis parti. »
Les potos Santos et Homayoun. / Crédits : Tomas Statius
A sa gauche, Santos, casquette de surfeur sur la tête et tatouage tribal sur le biceps, hoche la tête. Lui aussi a connu l’itinérance, la bourlingue. Il a quitté le Népal il y a deux ans déjà. Il ne s’appesantit pas franchement sur les raisons qui l’ont fait fuir son pays. Il concède tout juste que « là-bas ça ne va pas ». De Bangkok à la Malaisie, le jeune mec a roulé sa bosse. Alors qu’il est en Indonésie, il prend un billet pour la France. A peine atterri à Paname, sa vie de poissard le rattrape :
« Je me suis fait piquer mon passeport et mon argent dans un café à Barbès. »
Depuis Santos est à la rue. Cela fait deux semaines. Son ambassade ne bouge pas le petit doigt pour l’aider. Il compte sur la France pour le sortir de la galère. « Je suis allé au commissariat pour déposer mes empreintes. C’est décidé, je veux demander l’asile ici. Nous, les réfugiés, on a besoin de sécurité. Et d’un toit. »
Les bénévoles s’organisent
A peine installé, le camp s’organise. Certains bénévoles apportent couvertures, vivres et vêtements propres. D’autres veillent à ce que chaque réfugié dorme sous une tente. « Toutes ces tentes proviennent du jardin d’Eole » détaille Stéphanie :
« Lors de l’évacuation, la mairie nous a gracieusement autorisé à les récupérer. »
Avec son gros sac à dos et sa sacoche, Pascal bat le pavé de l’Esplanade Nathalie Sarraute. Son rôle ? Soigner les petits bobos des réfugiés. Et le medic’ a plutôt fort à faire :
« Je viens de poser une attelle à un jeune Soudanais qui s’est foulé la cheville. Dans mon sac j’ai des compresses et des pansements. On a eu des cas de varicelles sur le camp. On a orientés les malades vers l’hôpital. »
Cela fait plusieurs mois que l’homme de 54 ans parcourt les 40 kilomètres qui séparent le 18e de Saint-Rémy-lès-Chevreuse pour aider les réfugiés :
« Les gros collectifs, les grosses assos, on les voit très peu sur les camps. A part quand il y a des évacuations. »
Ambiance camping à la Halle Pajol. / Crédits : Tomas Statius
Again and Again
Malgré la bonne humeur, c’est l’impression d’un éternel recommencement qui domine aux abords de la Halle Pajol. La clope au bec, Nathalie s’emporte : « Bien sûr qu’il y a de la lassitude. Mais il faut continuer de résister. C’est une lutte qui pourrait durer des années. » La jeune instit’ ne croit plus vraiment aux promesses des politiques, comme l’ouverture d’un camp d’accueil aux normes HCR à Paris. Annoncé pour l’été, il sera finalement opérationnel en septembre :
« Ce camp, Hidalgo l’avait déjà annoncé il y a un an. Des petites annonces il y en a toujours. La vraie question, ce n’est pas celle du camp. Mais de la politique d’accueil que l’on veut mettre en œuvre. »
Pour Pascal, le vrai problème c’est que les réfugiés sont mieux accompagnés sur des camps de fortune qu’au sein de structures gérées par l’Etat. Ce qui explique qu’ils reviennent inlassablement :
« Lors de la dernière évacuation, certains réfugiés ont été emmenés à Villejuif. Là-bas, les bénévoles ne connaissaient rien à leur situation. Ils n’avaient même pas de traducteur. »
Nikita acquiesce :
« J’ai eu des nouvelles d’une jeune Afghane. Elle a été emmenée à Melun dans un hôtel. Elle n’avait ni nourriture, ni suivi. Elle est en train de revenir à Paris. »
A peine arrivés à Paname, Homayoun et Santos ont aussi entendu les histoires de ces réfugiés dispersés dans toute la France. Ce dernier conclut :
« Ce n’est pas la solution. »
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