Boulevard Saint-Michel (Paris, 5e) – Ce 6 avril, Gaspard Glanz a eu chaud. Alors qu’il suit une manif sauvage partie de République, le journaliste et fondateur du site d’infos Taranis News manque de se prendre une beigne. Sur le boulevard, manifestants et hommes en bleu s’échauffent devant sa caméra quand un policier de la BAC lui tombe dessus :
« Il m’a demandé ma carte de presse. Pas le temps de dégainer mon portefeuille qu’il me gaze et me met un coup de matraque. »
2 minutes plus tard, tandis que les CRS secouent son pote Pierre Gautheron, les flics menacent à nouveau Gaspard :
« Il m’a mis la gazeuse sur les yeux. En mode tu filmes je te coupe les yeux. »
De Calais à Nuit Debout
Depuis le début du mouvement contre le projet de loi Travail, Gaspard Glanz est sur tous les fronts. Le journaliste de 29 ans est presque tous les jours en manif’. Casque de snow sur la tête, masque d’hôpital, talkie toujours à portée de main, il braque sa cam’ là où ça chauffe. Quitte à s’attirer les faveurs de la police. Depuis 2 ans, il a déposé 6 plaintes à l’IGPN, la police des polices :
« A chaque fois qu’on prend des coups de grenades, de flashball, je publie tout et le nombre de followers sur Taranis triple. A vouloir nous faire passer pour des militants, la police nous légitime en tant que journaliste. »
Résultat ? Son média Taranis News, un site d’infos vidéos et photos, cartonne. Connu à l’extrême-gauche depuis ses reportages à la ZAD de Sivens et de NDDL, le média sort peu à peu du bois :
« Depuis le début de la loi Travail, on a fait 500.000 vues. En une semaine, on a pris autant de fans qu’en un an au début de Taranis. »
Chef de meute
(img) En action
Il faut dire que Gaspard et sa team chopent des images que personne n’a. Bastons entre keuf et black block en marge des cortèges étudiants, manif’ des réfugiés à Calais, reportage à Nuit Debout, le bougre est toujours en première ligne. Et si Canal +, M6 ou l’AFP lui achètent ses images, d’autres lui reprochent de faire dans le « riot porn », l’esthétisation de la violence politique :
« En ce moment, il y a une manif chaude par semaine. Je suis trop concentré sur la violence pour faire des interviews. Je ne fais pas de riot porn. Mais c’est vrai qu’en un mois, j’ai filmé plus de violences qu’en 2 ans. »
Il n’est pas le seul. A la croisée des chemins entre l’Huma et Vice, ils sont une poignée de journalistes à traîner dans les manifs, au plus près de l’action. Gaspard se défend d’être le chef de meutes. « Ça, c’est pas ma faute. »
De l’UNL aux totos
A 11 ans, le petit Gaspard trainait déjà dans les milieux militants. Au collège puis au lycée, il enchaîne les mandats électifs : délégué de classe, élu au conseil de vie lycéenne, jusqu’à être intronisé boss de l’UNL pour la région Alsace suite au mouvement contre la loi Fillon… A 19 ans, lors du Contrat première embauche (CPE), il est encore une fois en première ligne :
« A Strasbourg, une proviseure avait contacté le FNJ pour débloquer son lycée. J’avais appelé des renforts pour faire tenir le blocus. Elle n’a pas apprécié. J’ai été condamné à 500 euros d’amende et 500 euros avec sursis. »
Vidéo – Quand Gaspard passe à Calais
A la capitale, alors qu’il traîne avec le gotha militant de l’époque – « J’ai même été invité chez Thomas Hollande » – Gaspard tourne finalement le dos à la politique et au syndicalisme. Son bac en poche, il déménage à Rennes et s’inscrit en socio. Lors des mobilisations contre la loi Pécresse (LRU), il monte le site Université de Rennes 2 en lutte et réalise ses premiers reportages.
Un zadiste surnommé Stardust
« Mes début en tant que journaliste, c’est lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009. Encore aujourd’hui ça reste la pire manif que j’ai faite », rembobine le jeune homme tout en sirotant une eau gazeuse italienne. Il s’en souvient comme si c’était hier :
« D’un côté, il y avait 22.000 flics mobilisés, de l’autre le plus gros rassemblement de black block des 20 dernières années : entre 3.000 et 5.000. J’ai tout filmé. Et le soir, je n’étais même pas frustré de ne pas en faire partie. »
Mais c’est surtout à la ZAD que le bonhomme gagne ses premiers gallons de reporter. En 2012, alors qu’il vient de lancer son premier média, Rennes TV, Gaspard élit domicile pendant plusieurs mois à Notre-Dames-des-Landes : « Entre novembre 2012 et avril 2013, j’étais tout le temps à la ZAD. Personne ne parlait de ce qui se passait ».
Rebelote à Sivens en 2014 où il filme l’évacuation de la ZAD et collabore avec Vice News et Rue89. Sur place, il finit par faire partie des meubles :
« J’avais un deal avec les zadistes. Ils me laissaient les suivre et je faisais un peu office d’automédia. A Sivens, mon nom de code, c’était Stardust. »
600 euros par mois
Avec ses 7 journalistes dispatchés dans l’Hexagone (Rennes, Nantes, Paris et Lille), Taranis se pose comme le média des mouvements sociaux. « Un jour, un keuf est même venu me voir pour me dire qu’il aimait mes vidéos. Il m’a dit : “tu montres les cons de notre côté comme de l’autre” », fanfaronne Gaspard.
Malgré les lauriers, tout n’est pas si rose pour le journaliste autodidacte. Surtout niveau portefeuille : « Aujourd’hui, je gagne 600 euros par mois et je me suis réinstallé chez mes parents à Strasbourg ». Tout le temps dans le train, souvent chez les autres, Gaspard court la France pour faire vivre Taranis :
« En 2 jours, j’ai dormi 2 heures. J’ai enchaîné manif le matin, montage manif le soir, et re-montage. »
Dans les prochains mois, le site devrait muter pour devenir une véritable agence de presse en ligne où les médias pourront venir acheter directement les images de la team et de journalistes partenaires. Gaspard promet :
« 2016 devrait être une grande année pour Taranis ! »
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