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    18/05/2015

    « Nous voulions ouvrir une ressourcerie, nous repartons avec des coquards »

    24 heures de GAV et coups de matraque : une squatteuse raconte son évacuation

    Par Ani Gregory

    Mercredi, ils étaient plusieurs camions de police pour évacuer 13 squatteurs d’un immeuble de Clichy-la-Garenne. Ani, qui venait apporter des gâteaux à ses amis, a fini au commissariat et témoigne des violences policières en marge de l’évacuation.

    C’était mercredi à Clichy-la-Garenne, il était 16h30, j’étais en bas de l’immeuble avec six autres personnes et nous étions encerclés par un grand nombre de policiers. Ils venaient nous expulser. J’ai vu un pote se faire plaquer à terre, le visage dans des morceaux de verre. Après la garde à vue, nous n’étions pas beaux à voir : une dent cassée crachée au fond du camion à cause d’une matraque, divers hématomes et des coups reçus à la tête pour presque la moitié d’entre nous.

    Des squatteurs qui voulaient ouvrir une résidence d’artistes

    Ce jour-là, c’était la première fois que je venais au squat. J’apportais à manger à des amis qui venaient d’arriver dans ce nouveau lieu. Ils s’étaient installés en toute discrétion pour pouvoir ouvrir une résidence d’artistes et une ressourcerie. L’endroit était inoccupé depuis un moment et appartenait à une entreprise. On pensait en faire un endroit citoyen et solidaire.

    C’est sûrement le vigile qui passe de temps en temps qui a prévenu la police. Au début, ils n’étaient pas très nombreux, puis pendant trois heures, tous les corps de police ont défilé avec l’attirail complet : casques, béliers, boucliers, gaz lacrymo… Alors que nous étions treize à peine. J’étais en bas, face à eux. Je suis restée très calme, je ne disais rien, j’essayais juste de détendre un gars totalement ivre et un peu provocateur pour éviter qu’il n’envenime la situation.

    Franchement, je ne me doutais pas que ce serait aussi violent. Pendant presque 3 heures, on s’est observés. Ils attendaient probablement l’ordre de nous évacuer. L’ambiance était assez calme malgré tout, une amie discutait même avec un des flics. Puis d’un coup, sans sommation, sans qu’on nous demande de partir, ils ont lancé l’assaut. Dans la cohue, un flic s’est approché de moi, m’a menotté et m’a dit :

    « Laisse toi faire et tout ira bien »

    Je me suis laissé faire. Il ne voulait pas me frapper. Ils ne comprenaient pas ce qu’une fille venait faire là, ils ont même laissé partir la deuxième autre fille. Je suis la seule avec qui l’interpellation s’est passée calmement. Tous les autres squatteurs ont directement coopéré. Mais avec eux, c’était plus violent, sûrement parce que c’était des mecs. Mes potes mettaient les mains derrière la tête en criant :

    « Ne nous gazez pas ! »

    Il y avait trois, quatre, cinq flics sur chacun de mes amis alors qu’ils ne se débattaient pas. Ils les pliaient dans tous les sens. J’ai vu un ami sortir du bâtiment avec le visage ensanglanté. Un autre pieds nus et sans t-shirt, main dans le dos. Il ne pouvait même pas remettre ses chaussures et marchait sur le verre. Mon copain s’est fait malmener. Il y avait une foule qui observait, je me souviens avoir vu des gamins qui assistaient à ça.

    24 heures de garde à vue

    Je n’ai vu personne frapper un policier. De toute manière, nous ne faisions pas le poids. Dans le camion nous étions six, je me suis assise dans le fond sans protester. Il y avait trois gars par terre, qui tentaient de se redresser. Dont un, ivre, il gueulait. Au hasard, ne sachant pas qui foutait le bordel, un flic a ouvert la porte et balancé un énorme coup de pied dans la tête d’un des gars au sol. Il a un énorme coquard. Les menottes d’un autre étaient tellement serrées qu’il n’a pas pu jouer de la batterie ce week-end.

    Pour la garde à vue, on a tous été séparés dans des commissariats différents. J’ai passé 24 heures dans une salle moisie et angoissante. C’était ma première garde à vue. Je ne me sentais coupable de rien. Nous n’avions pas violé le domicile de qui que ce soit, ni dégradé les lieux, ni résisté à la police. Deux téléphones ont été cassés ou confisqués durant l’interpellation. Heureusement, le mien est resté dans ma poche et des vidéos témoignent de leur brutalité. Les forces de l’ordre ont semé le chaos parmi des squatteurs pacifistes. On m’a volé un jour de ma liberté, pour une question d’inégalité économique. Le sens du mot fraternité semble avoir été oublié par les forces de l’ordre.

    Propos recueillis par Juliette Surcouf

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