Watermael-Boitsfort (Belgique) – Dans sa petite bicoque toute blanche de la banlieue chic de Bruxelles, Olivier Van Hoofstadt en a fini de ressasser les souvenirs de Dikkenek. « Il n’y a que toi qui me parle de ça, personne d’autre », ironise-t-il quand on l’interroge.
Sorti en 2006, le film a lancé la carrière de François Damiens et de Florence Foresti au ciné. Farce belge et ode aux vantards (les Dikkenek en bruxellois), il a fait la célébrité de son réal qui en a écrit les dialogues et les personnages cultes… de Claudy Focan, joué par Damiens, « photographe de charme » et « directeur, marketing manager des abattoirs d’Anderlecht » à J.C (Jean-Claude Couchant) sympathique magouilleur qui fume des clopes Alain Delon. Depuis, le Besson boy n’a sorti qu’un autre film, Go Fast. Un thriller qui a trusté le box-office en 2008.
A la cool, une semaine avant de partir en tournage pour une pub, c’est chez lui, en baskets et les cheveux ébouriffés qu’il nous accueille pour une interview fleuve. Bien loin des flashs crépitants de l’industrie, c’est dans ce cadre rassurant, depuis son canap’ que le cinéaste fabrique ses films. « S’il fait beau, on pourra même se faire un barbecue » nous avait-il prévenu par téléphone. Finalement, ce sera plusieurs cafés dans son salon puis une pizza dans le resto préféré de ses enfants. Entre plans alimentaires et écriture de scénars, Olivier Van Hoofstadt nous a raconté son cinéma… et dévoilé sa petite popote.
Est-ce qu’il y a un peu de Claudy Focan en toi ?
Bien sûr. C’est un personnage que j’adore, peut-être parce qu’il me ressemble. C’est un type que tu peux pas t’empêcher d’aimer, malgré tous ses défauts. Un jour j’étais dans un bar à hôtesses au Japon avec [le DJ Sébastien Devaud aka] Agoria. Le barman avait mis un truc dans le verre de Seb’ et il nous demandait de payer 500 euros pour trois bières. Je lui ai dit : « tu as trois secondes pour ouvrir la porte, sinon je l’enfonce avec ta gueule, tes dents, et je casse tout ». Ça, c’est mon côté Claudy Focan.
Quand t’as écrit Dikkenek, tu débutais dans le métier. Comment tu t’es mis à bosser sur le film ?
À cette époque, j’avais la vingtaine. Obtenir la confiance de boîtes de prods alors que t’as assez peu d’expérience, c’est pas évident. Donc plutôt que d’adapter des livres, je me suis dit : « si tu veux faire un long métrage, il faut peut être que tu l’écrives toi même ». Au départ je ne savais pas quoi écrire, donc j’ai écrit des conneries sur mon enfance. C’est comme ça que Dikkenek est né.
OVH termine son verre / Crédits : Tomas Statius
Selon toi, pourquoi Dikkenek a eu tant de succès ?
Dikkenek, c’est un film qui ne se prend pas au sérieux, c’est pas un film pour Télérama. C’est un film pour les gens. Un jour, j’ai rencontré le maire de Bruxelles sur une terrasse. Il m’a dit : « ce qui est bien dans ton film, c’est qu’il n’y a pas d’histoires. Quand tu veux aller pisser, tu peux aller pisser ». Il l’a montré à un pote texan qui a la plus grande collection de santiags du monde. Ça l’a fait marrer alors qu’il ne pète pas un mot de français.
Les gens pensent que les personnages de Dikkenek n’existent pas mais Dikkenek c’est du vécu. C’est une sorte de Strip-Tease, si tu veux. Quand François Damiens s’enquille une bière dans le café Duvel, il ne fait pas semblant. Même chose pour Jérémy Régnier quand il se prend la porte dans la gueule Place Poolaert. Je me souviens sa femme était à côté, et elle lui disait de refaire la scène pour que ça ait l’air plus réel !
Claudy Focan, il existe alors ?
Bien sûr, il a existé. Maintenant il est dans une caisse en sapin ! Il habitait dans un petit village qui s’appelle Furfooz, à 120 kilomètres de Bruxelles. C’est un bled où j’allais passer mes vacances avec mes parents. La genèse de Dikkenek, elle est là aussi.
« Ça c’est le vrai modèle de Jean-Claude, j’adore comment il tient sa clope » / Crédits : Tomas Statius
Quelle a été la réaction du public lors des premières projections ?
À Cannes, on avait projeté le film pendant le Festival. Et plutôt que de faire un événement privé, on était allé mettre des invitations pour la soirée Dikkenek dans les boîtes aux lettres. Duvel offrait des bières gratuites. La salle était comble, c’était fou.
Pour la montée des marches, on voulait arriver à deux bagnoles avec François et mettre Mélanie Laurent dans le coffre de l’Audi, comme dans le film. Je devais mettre un coup de frein pour qu’il me rentre dedans. Après je devais appeler les flics. Mais bon chez Europa, ça ne leur a pas trop plu.
Quelle importance a eu C’est arrivé près de chez vous pour toi ? C’est une inspiration ?
“C’est arrivé près de chez vous”:https://www.youtube.com/watch?v=QjmA_M5iv1s , c’est un film qui a changé la vie de plein de jeunes cinéastes belges. À l’époque, on s’est dit : « enfin quoi… enfin un film qui va loin, bien joué, bien réalisé, bien écrit… et qui ne coûte pas cher ». Tout d’un coup, il y eu une cassure entre l’héritage classique du cinéma belge et la nouvelle génération dont je faisais partie. C’est à cause de C’est arrivé près de chez vous que je suis parti de l’IAD d’ailleurs [une école de ciné à Louvain-La-Neuve où il a étudié pendant cinq mois]. Les profs disaient que c’était de la merde. Faire une école de ciné, je trouvais que ça ne servait plus à rien. Après j’ai fait deux licences de philosophie et de lettres à l’ULB. C’est à cette époque que j’ai commencé à bosser pour financer mes projets.
Bande annonce – Kéo, 1997
Avant Dikkenek, t’as fait 3 courts métrages plutôt balaises. Pourquoi passer par cette étape ?
Faire des courts, c’est aussi apprendre son métier. Comme je n’ai pas fait d’école c’était important de montrer ce que je savais faire. J’ai d’abord tourné Snuff Movie, un film d’horreur avec Marion Cotillard. À l’époque elle avait 15 ans. Et après j’ai fait Kéo et Parabellum avec José Garcia.
C’est d’ailleurs grâce à Parabellum et Snuff Movie que Besson a entendu parlé de moi. Un jour, lors d’un dîner, il a demandé mon numéro à José. Une semaine plus tard, il m’a appelé et je lui proposais le scénario de Dikkenek. C’était une chance inespérée. Toutes les portes étaient fermées à l’époque. J’avais rencontré beaucoup de producteurs. Certains n’avaient pas les moyens de produire Dikkenek, d’autres n’étaient pas convaincus par le projet. J’avais tout misé sur Besson. Sans lui, le film ne se serait jamais fait.
Vous comptez bosser ensemble ?
Pourquoi pas. Aujourd’hui, on est en bons termes. Mais Luc, ça ne l’intéresse plus les films comme les miens. Il est aux Etats-Unis maintenant. Un film belge, humoristique, ça ne correspond plus à ce qu’il fait aujourd’hui.
Bande annonce – Go Fast, 2008
Comment tu prépares tes films ?
Comme disait José Garcia, tu ne peux pas faire un film sur les putes sans y être allé au moins une fois dans ta vie. Pour mes films, j’aime bien me renseigner, faire des recherches. Tu vois pour Go Fast, je suis allé en bagnole à Ketama au Maroc. Le producteur du film était là aussi… et c’était un ex-trafiquant qui conduisait. Le mec roulait à fond. 260 km/h, tout du long. La voiture ne pouvait pas aller plus vite.
Puis quand on est arrivé en Espagne, il m’a demandé : « Est-ce que t’as déjà été arrêté par des flics ? » « – Non ». Puis il me dit : « On va aller dans un quartier de milliardaires à Marbella. Tu vas voir, trois mecs dans une Audi avec une plaque française, on va nous laisser exactement 7 minutes ». Au bout de 6 minutes, trois bagnoles de flics nous bloquaient. Les mecs ont ouvert la porte de derrière et nous ont sorti de la caisse. Je m’en souviendrai toute ma vie : le producteur du film suppliait les flics à genoux de ne pas le frapper ! Le seul qui discutait avec les flics au milieu de ce bordel, c’était lui. Dans un espagnol parfait. Ce mec a collaboré au scénario, tout comme le frère de Samy Naceri . C’était hyper intéressant. Ca permet de rendre les situations plus réelles. C’est du cinéma vérité.
C’est pour ça que tu fais appel à des acteurs amateurs ?
Oui j’aime bien. Dans Dikkenek il y en a pas mal. Yves, par exemple. C’est lui qui est au musée des accidentés de la route et dans la boîte de jour. Il traînait toujours dans un café, en dessous de chez Olivier Legrain, le scénariste du film. C’est comme ça qu’on l’a rencontré. Il dit rien, c’est un alcoolo, il bosse dans une bibliothèque. Par contre, il fait très bien des bruits d’animaux…
Et Baudouin ?
Guy ? C’est mon coiffeur. Il a un salon avenue Louise à Bruxelles. Je l’ai rencontré comme ça. Il est aussi dans Go Fast, il joue le boss des narcotrafiquants. Il devrait jouer aussi dans Canet-Plage, mon prochain film qu’on devrait tourner en mai prochain. Il sera le parrain de la mafia des vendeurs de bijoux. Il habite à Goa en ce moment, il fait de la coiffure là-bas.
Olivier braque son flingue sur Florence Foresti
Tu castes parfois dans la rue ?
Ouais ça m’arrive. T’as des mecs qui dégagent trop de choses rien qu’en marchant. Une fois à Paris, j’ai croisé Delon. À 100 mètres, même sans le reconnaître, tu le remarques. Quand il marche, il dégage un truc, il emporte de l’air. L’autre jour, j’étais à l’hôtel Amour. Un gars était en train de bouffer. J’adorais sa gueule à ce type. Il avait une gueule qui me faisait penser à mon enfance : il était pas à la mode, il s’en foutait, il buvait juste son verre de vin. Je l’ai chopé à la volée et je lui ai expliqué que j’aimerais bien le voir dans mon film. Il m’a dit : « Ouais, mais je sais pas si je saurais jouer dans un film ». Je lui demandais s’il était dans la musique et là, il éclate de rire… En fait c’était un des deux Daft Punk.
Comment tu prépares un film avec un acteur ?
Pour chaque rôle, on s’échange les répliques jusqu’à trouver le bon ton, la bonne intonation. Tu vois pour le personnage de Claudy Focan, j’avais écris une base qu’on a retravaillée pendant des mois avec François. On répétait en jouant au foot dans son jardin. Même chose avec Florence Foresti avec qui j’avais fait des essais pour le rôle de Marion Cotillard. Elle le faisait vachement bien.
Comment tu les as rencontrés ?
Florence je l’avais contactée après que Besson ait lu le scénario de Dikkenek. On s’était donné rendez-vous au Marché des Enfants Rouges à Paris, juste pour prendre l’apéro… Tu parles ! J’ai jamais descendu autant de bouteilles de rosé en une après-midi.
François, à l’époque, il faisait des caméras cachées à la télé belge. Je l’avais contacté avant que le film ne soit complètement financé. Un an après je suis revenu le voir en lui disant que le film était produit par Besson. Il ne me croyait pas… Faut dire que c’était pas loin d’être sa première expérience au cinéma. Moi aussi, si un type venait me voir en me disant que j’allais jouer dans un film produit par Besson, je l’aurais pris pour un fou. Je me souviens le premier jour de tournage, François ne connaissait pas son texte. On l’avait noté sur un panneau et on lui montrait pendant les prises !
T’aimerais tourner avec quels acteurs ?
Après Dikkenek, j’ai écrit un scénario pendant trois ans. Ce scénario c’est l’histoire d’un monde imaginaire, une sorte de poubelle des U.S.A où des personnages se croisent entre décors de ciné et costumes de flics. Dans ce film je rêverais d’avoir Brad Pitt, Georges Clooney ou Kevin Bacon. Mais bon, ça coûte de l’argent tout ça.
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.
Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.
Je fais un don mensuel à StreetPress
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER