Après la mixtape Snuff Muzik, des tournées avec Casey et le combo free-rock rap Zone Libre tu t’apprêtes à sortir un premier album, c’est un chouette parcours non ?
Est-ce que c’est un chouette parcours, je ne sais pas. Pour les rappeurs ou autres artistes qui voient le milieu artistique pour le brillant et les paillettes, ça correspond plus à un parcours de merde mais pour moi oui ; ça correspond à ce dont j’avais envie. Et puis je ne me suis pas souvent posé la question de briller, ni même de vivre de ça au départ. Je vais là où j’ai envie d’aller donc ça me va.
C’est un aboutissement de faire quelque chose en solo après ce que tu as fait avec Anfalsh et Zone Libre ?
Pour tout te dire, c’était compliqué puisque mon album est prêt depuis un moment. Le projet avec Zone Libre, à la base, je n’y étais pas impliqué : je les ai rejoint sur la tournée en 2009 parce qu’un des membres (Hamé, membre de La Rumeur, ndlr) avait lâché le projet et qu’ils avaient quand même une grosse envie de continuer leur travail. Puis est apparue l’idée de faire un album en commun puisque ça s’était bien passé et qu’on avait envie de continuer à travailler ensemble. Donc on s’est remis au boulot pour construire l’album, rentrer en studio, enregistrer et faire des concerts. Ça a pris du temps et je n’arrivais pas à me concentrer sur mon projet solo. Parce que je fais du rap avant tout! Je voulais aussi présenter mon travail perso, mais le temps a fait que les Contes du Chaos, l’album avec Casey et Zone Libre est sorti avant.
L’interview en intégralité est sur “Kiblind”:http://www.kiblind.com/Kiblind/pa1.html
B.James – Aiguise moi ça
C’est quoi pour toi un chanteur engagé ?
La question n’est pas évidente. Je ne me considère pas spécialement comme un chanteur engagé. Effectivement, tu grandis dans un certain milieu, tu vis et vois certaines choses ; donc forcément, dans le rap, tu retranscris ton vécu. Ça donne des textes qui peuvent paraître défendre une cause mais si des fois ça parle d’esclavage et de colonisation ou autre c’est juste que « on est ça », on a subi ça et on subi encore ça. Mais je ne brandis pas de pancartes « rappeur engagé, rappeur conscient » ; je vais pouvoir faire des morceaux complètement égo trip juste parce que je kiffe la prod’ puis le morceau d’après parler d’esclavage et de violences policières. Tous ces aspects on les retrouve sur mon album, du « brut », mec de banlieue, limite cliché parfois, mais j’assume ça tout à fait et le morceau d’après parlera de colonisation. Je ne me considère pas comme la conscience incarnée.
Au niveau de l’écriture, c’est quoi ta relation au texte ? Est-ce qu’on apprend à écrire ?
J’en sais rien ! En tout cas, il me semble que je ne dois pas grand chose à l’école… D’ailleurs j’ai arrêté tôt, chose que je regrette parfois. Mais oui, il y a quand même une envie qui se construit sur les bancs de l’école et ailleurs. J’ai du commencé à faire mes premières rimes vers 1992-1993, comme un amusement, sans y penser sérieusement, me dire que je voulais faire ça plus tard. Mais à mesure que ça continue, que tu vis des trucs, vois des trucs, que tu prends conscience de certaines choses, ton vécu et ta plume se transforment. C’est comme ça que j’en suis venu à ce que je fais maintenant.
La prison te tue : tu dois te mettre à genoux pour obtenir ce à quoi tu as droit de fait, à l’extérieur
Et tu as des référentiels dans l’écriture ? Des figures qui te font avancer ?
Je ne suis pas un grand lecteur donc je ne me plonge pas dans de la littérature pour écrire. Des gens comme Césaire bien sur, Fanon, Mumia Abu-Jamal, Nelson Mandela ; c’est des gens qui comptent pour ce qu’on fait et ce qu’on est. Des gens que j’admire, qui te prennent aux tripes. Est ce que ça m’a transformé moi ou ma façon d’écrire je n’en suis pas certain. Mais indirectement, leurs vécus, la place d’où ils s’expriment me parle. Pourtant je n’écris pas en voulant les citer. Dans la rancune, la colère et les revendications qu’on a envers un système établi, on est certainement parallèles. C’est peut être plus inconsciemment que je me retrouve face à ces figures. Je n’ai pas la prétention de vouloir éduquer le peuple. D’ailleurs il y a autant de façons de pratiquer le rap qu’il y a d’individus. Il y a des personnes qui ont le même vécu que moi et qui ont des textes totalement différents. Et je les respecte aussi, je ne suis pas là pour les juger. L’important est de faire ce que l’on est, pas de se greffer sur une tendance. En commençant dans le rap, je concevais ça comme un loisir, comme jouer au foot à la récré. À l’heure actuelle, certains commencent dans le milieu hip-hop en ayant des rêves de réussite, de fric. La chose est biaisée dès le départ donc. Du moins, ils ne partent pas du même point que la génération de rappeurs à laquelle j’appartiens.
2000: Premières apparitions discographiques aux côtés de Casey et Prodige (Anfalsh)
2010: B.James Snuff Muzik Tape
2011: Les contes du chaos avec le groupe de rock Zone Libre (alias Cyril Bilbeaud, Marc Sens et Serge Teyssot-Gay) et Casey.
2012: 6 février – sortie nationale d’Acte de barbarie premier album solo
Pour les rappeurs ou autres artistes qui voient le milieu artistique pour le brillant et les paillettes, ça correspond plus à un parcours de merde
Il reste quand même des choses intéressantes dans cette génération de rappeurs ?
Oui, bien sur il y a des choses intéressantes, mais je suis peu enclin à citer des noms parce que l’organisation du milieu rap c’est un peu le tapin… Dès que tu dis « j’aime bien un tel, ou un tel » c’est vite considéré comme un appel subliminal à une éventuelle requête, un éventuel featuring. Donc j’évite de dire ce que j’aime, mais j’aime beaucoup de trucs et pas que dans le rap ! C’est malheureux, mais le fait de dire « j’apprécie ça » va être parfois perçu comme une mise à genou, une demande de faire un truc adressée au mec que tu kiffes. Et c’est propre au rap, en tout cas on voit pas trop ça dans la varièt… Mais en écoutant mes morceaux, tu peux vite piger le genre de mec, de style que j’aime bien, que j’écoute.
Dans « B.James » premier extrait de ton album « Acte de barbarie », tu finis en disant « j’ai fait du chtar, j’en suis sorti, j’en suis pas fier, j’en ai pas honte ». Ton écriture est fortement marquée par ton expérience carcérale ?
Ça a peut être amené quelque chose. Est -e que c’est positif, négatif, je ne sais pas. Beaucoup de gens peuvent me reprocher de parler un peu trop de prisons et de banlieues dans mes textes, mais c’est ce que je suis encore une fois. Je ne vais pas m’en cacher, ça fait partie de ma vie comme ça peut faire partie de la vie de beaucoup de personnes qui viennent du même milieu que moi. Ça a changé ma vision sur pas mal de choses tout comme mon écriture. Ça a été dit et redit mais c’est un système d’avilissement des individus, et on ne peut pas ressortir de là en disant « c’est de la bombe » ce que certaines personnes dans le rap font en sortant de trois mois de détention et en se prenant pour Pablo Escobar. Ce que je veux montrer, c’est que je suis sorti de là debout mais surtout capable d’avoir une parole en réaction à cette expérience. Ce système te tue : tu dois te mettre à genoux pour obtenir ce à quoi tu as droit de fait, à l’extérieur. Je veux juste montrer que je suis sorti de là vivant et debout. Ni fierté ni honte.
Zone Libre est un putain de groupe avec qui j’ai adoré bosser !
L’expérience avec Zone Libre, Les Contes du Chaos , c’est un truc qui t’a marqué au niveau des sonorités ? Est ce que ça va continuer ?
Zone Libre est un putain de groupe avec qui j’ai adoré bosser ! Pleins de gens dans le milieu rap traditionnel n’ont pas trop compris. Mais je peux comprendre que ça ne plaise pas. Je me suis greffé sur le projet « L’Angle Mort » en milieu de tournée (plus de 60 dates ndlr) et ça a été une claque. Déjà je kiffe la scène mais là, avec les musiciens qui envoyaient un son ultra puissant, ultra sombre, c’était génial. Tout ça nous as conduit à faire l’album et la tournée « Les Contes du Chaos » parce qu’on avait encore envie d’explorer ensemble, de mélanger nos univers, de créer un truc hybride où le côté rap ne soit pas lésé par des sonorités rock. Tout ça prenait un tel sens sur scène que c’était vraiment génial.
À regarder ton parcours, celui d’Anfalsh (dont fait partie Tcho vidéaste ndlr) et de Zone Libre, on a l’impression qu’il y a une « patte » visuelle très marquée
Il y a des côtés promotionnels qui sont indispensables, comme les interviews, les radios, etc. Mais comme on n’est pas dans la grosse machine du disque, et bien il faut trouver d’autres espaces où se faire entendre, des endroits où on peut avoir un peu d’impact. Diffuser les choses avec le peu de moyens que l’on a passe aussi par là. Vu que la vidéo s’est pas mal démocratisée, que c’est un peu moins cher qu’avant, et bien on fait plus de clips et ils circulent beaucoup plus grâce au web. Anfalsh c’est presque un univers sons et images, on a effectivement une patte qui se dénote d’autres groupes de rap, une patte sombre, dure et noire. Ce que l’on est, encore une fois, ce que l’on aime.
Les professionnels – B.James
bqhidden. Une patte sombre, dure et noire. Ce que l’on est, encore une fois, ce que l’on aime
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