Il y a t-il encore de l’esclavage en France ?
La notion d’esclavage moderne il faut la prendre avec des pincettes dans la mesure ou l’esclavage moderne n’est pas inscrit dans le code pénal français. On ne poursuit pas les auteurs des faits pour esclavage moderne mais pour « traites des êtres humains », « travail peu ou pas rémunéré », ou pour « conditions contraires à la dignité humaine dans l’hébergement ou le travail ». On est sur une question de degré et la jurisprudence française et européenne estime que le degré le plus ultime c’est l’esclavage mais qu’en France, réellement, on est plutôt sur des conditions de « servitude ».
D’après ces critères à combien évaluez-vous le nombre de victimes de l’esclavage ?
Les seuls cas que nous recensons sont les cas du comité. L’année dernière nous avons accompagné 126 personnes. Il n’y a pas de chiffre national qui nous permette de dire le nombre de personnes en situation de traite des humains à des fins d’exploitation par le travail et notamment domestique. Moi je dis qu’il y en a plusieurs milliers sur l’ensemble du territoire français, mais je me garde de donner ce chiffre officiellement.
Comment ces personnes sont connues de vos services ?
Elles nous sont signalées essentiellement par téléphone, par des tiers, des voisins, des amis, ou par des professionnels, parfois la gendarmerie. Nous effectuons plusieurs auditions et déterminons ensuite si la personne correspond à notre mandat. Dès lors qu’elle y correspond nous la prenons en charge au niveau juridique, administratif, socio-éducatif et psychologique. C’est un accompagnement global. La durée de prise en charge moyenne est de 5 à 6 années.
Quelle solution judiciaire y a t-il pour ces personnes en France ?
Déposer plainte, mais encore faut-il que tous les professionnels identifient la personne comme réellement victime de traite ! Ce qui n’est pas forcément évident dans la mesure où comme la plupart des personnes sont des migrant(e)s sans titre de séjour, on a plus tendance à voir dans leur situation un problème de titre de séjour, qu’un problème d’atteinte à leurs droits fondamentaux. On a donc souvent des classements sans suite, parce qu’il y a également un manque de preuve : c’est la parole de l’employeur contre la parole de la victime. Le problème c’est comment on concilie la législation en matière de droits des étrangers, de plus en plus restrictive, avec la protection effective des victimes de traites. Nous avons des procédures jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour faire sanctionner la France pour manquement à ses obligations.
div(border). Esclavage moderne en chiffres
90 des victimes suivies par CCEM sont des femmes
30% étaient mineurs à l‘époque des faits
82% sont originaires de pays africains
Les employeurs des victimes sont à 68% originaires d’Afrique, à 13% originaires d’Europe et à 9% originaires du Moyen et du Proche-orient Dans 21% ce sont des employés ou cadres. 11% d’entre eux sont de hauts fonctionnaires, dont 8% bénéficient de l’impunité diplomatique.%
Le site web du CCEM.
Que risquent les bourreaux ?
Il n’y a dans les faits jamais de peines de prison pour les bourreaux, ou toujours avec sursis. Souvent ce sont pour des motifs autres que la traite des êtres humains comme actes barbarie, viol ou crime. Il y a un dispositif, mais il faut voir son applicabilité. La traite des êtres humains est un délit, pas un crime ! Donc 3 ans après les faits, il y a prescription, soit zéro possibilité pour la victime d’intenter une procédure judiciaire.
bqhidden. L’esclavage moderne n’est pas inscrit dans le code pénal français
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