« Un article sur moi, t’es sûre ? Bon d’accord. J’ai même déjà ton titre. Ça pourrait être “Mi-dieu, mi-drôle” ! » Derrière la vanne, Thomas Barbazan, 39 ans, parle d’une voix calme, presque pataude au téléphone. Le rendez-vous est pris dans les locaux de Radio Nova, juste avant son émission Les 30 Glorieuses, qu’il co-anime avec Yassine Belattar toute la semaine à 17h30.
En 2018, Thomas s’y est fait remarquer avec son personnage DJ Chelou. Toute l’année, il a mélangé titres-phares de variétoche et hits du rap français. Parmi les plus gros succès du “remixeur inattendu” : Claude Fian-çois -le mélange inattendu de Claude François et du rappeur Fianso, Mafia K’1 Brel ou Roffnaud.
À l’antenne, tout le monde se marre. Sur Youtube, les vidéos cartonnent et rassemblent plusieurs centaines de milliers de vues. « Tu veux parler de DJ Chelou, c’est ça ? Ah non, ma vie mon oeuvre? Ok. Une heure d’interview ?! En quinze minutes, j’aurai fait le tour ! »
Le bonhomme a pourtant un CV long comme le bras : animateur sur les radios Générations, Le Mouv’, Beur FM, on le voit dans des productions France 4 ou Blackpills, le nouveau service de vidéo à la demande uniquement mobile. Sans parler de ses travaux comme auteur. Voilà donc quinze ans que Thomas Barbazan se promène entre les plateaux de radio, de télé et les scènes de spectacles. Préférant inlassablement l’ombre à la lumière.
DJ Chelou a 15 ans
Dans les locaux de Nova, Thomas Barbazan salue tout le monde, avec un petit mot pour chacun. « Un mec vraiment bien, hyper gentil, très généreux ! », lâchent les collègues. Haut de presque 2 mètres, il se plie en deux pour claquer les bises. « Attends, j’envoie le conducteur de l’émission et j’arrive », promet-il d’une voix douce. Depuis octobre 2016, il anime une « émission de dédramatisation sociétale » quotidienne, avec son acolyte de toujours, Yassine Belattar. Une sorte de grand édito humoristique et corrosif de 30 minutes, où les deux compères brossent une bonne partie de l’actualité.
Et à 30 minutes du direct, l’animateur n’est pas stressé. « Quand il n’y a pas de tests à faire pour DJ Chelou, on arrive souvent au dernier moment. » Son personnage n’entre en scène qu’une fois par semaine. Une chronique qui fait souvent le tour des réseaux sociaux une fois postée sur internet. Certaines vidéos dépassent les 300.000 vues sur YouTube. Bénabar et Booba, MHD et Jacques Brel, Carlos et Niska, les mash-up se succèdent et fonctionnent à tous les coups. « La Mafia K’1 Fry, ça marche avec tout, c’est magique. » Yassine Belattar abonde :
« Le premier qu’on a fait c’était Aznavour avec la Mafia K’1 Fry. C’était sur Générations il y a 15 ans. Mais on n’avait pas trouvé l’emballage, le markétoche qui ferait exploser le truc. Avec DJ Chelou, on a trouvé le truc. »
C’est sur la radio rap que les deux compères se sont rencontrés. Thomas sortait d’école de journalisme et s’occupait des flashs info de la chaîne. « J’avais fait un CV en rap pour entrer à la radio… Pour ma défense, c’était en 2003. » Yassine anime alors une chronique culture humoristique. « Je me suis rendu compte qu’il faisait de très bonnes imitations de Chirac et Mitterrand. Alors je lui ai demandé de me prêter sa voix pour mes chroniques », se rappelle-t-il. Et puis ils ne se sont plus jamais séparés. Les sketches, les mash-up… ils n’arrêtent plus depuis. Thomas ajoute :
« Et c’est toujours moi qui m’occupe du chant. Yassine chante extrêmement mal. »
Auteur de l’ombre
« DJ Chelou est devenu le truc le plus demandé de Nova », assure Yassine, avant d’ajouter :
« Thomas est comme un bon vin : plus il vieillit, plus il prend une envergure intéressante. »
D’abord journaliste, Thomas assure aujourd’hui se sentir surtout « auteur ». Et c’est encore pour son acolyte qu’il écrit le mieux, selon lui. Il a co-réalisé son spectacle, Ingérable, travaille en coulisses sur l’émission Indéfendable pour Blackpills (présentée par Yassine) et rédige la plupart des chroniques radio. « Yassine a la plupart des idées, je les ordonne », explique l’auteur. Complétant :
« On n’est pas vraiment un duo. On ne parle pas de Thomas et Yassine, comme on parle d’Éric et Ramzy ou d’Omar et Fred. On est plus un binôme. »
Sur les deux, l’un prend plus la lumière que l’autre. Lorsque Yassine monte sur scène, n’hésite pas à prendre la parole dans les médias et hoste différents shows, Thomas préfère les coulisses. Mais partout où l’un passe, l’autre suit. Une question de tempéraments selon Nasser, comédien qui monte sur scène sous le pseudo Nasser l’handicapable. Il accompagne les deux animateurs ce jour-là chez Nova. Il poursuit :
« Ils ont l’habitude de dire que l’un est le feu quand l’autre est la glace. Yassine est dans l’émotion, il est free et mégalo ! Thomas est l’équilibre, introverti avec un humour extraverti. »
Pas sa langue dans sa poche
Il est 17h28 et les animateurs entrent à peine en studio. Dès la première minutes, les vannes fusent. Toutes les minorités en prennent pour leur grade. « On fait du trashing sur tout le monde, mais on a gagné une certaine légitimité. Et on ne va pas s’interdire une vanne sur les juifs, par exemple, sous prétexte qu’il y a des connards d’antisémites dans ce pays. » Les deux humoristes ont toutefois connu leur lot de shitstorm. En octobre 2017, Thomas s’est fait bousculer après avoir poussé la chansonnette dans leur émission Les 30 Glorieuses : il a repris Emmenez-moi de Charles Aznavour avec la voix de Jean-Marie Le Pen et en y appliquant des propos racistes. Ni une ni deux, Yassine répond et prend sa défense dans Libération avec une tribune : « Un clown ne justifie pas ses blagues ». « On a plus de 30 ans, on a des enfants, on sait ce qu’on fait et on le fait avec envie : on voudrait réconcilier tout le monde avec un nombre de vannes incalculable », explique Yassine, qui conclut :
« On ne se simplifiera pas la tâche. Tu nous verras pas sur TF1, chez Arthur, avec une plume dans le cul comme Issa Doumbia. »
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