2017 a bien eu lieu mais ils ne désarment pas pour autant. Ce dimanche après-midi, à quelques heures du résultat du second tour des élections présidentielles, une grosse centaines de militants se sont réunis dans le Parc de la Villette (19e arrondissement) pour discuter de l’après élection présidentielle, autour d’un jeu de chamboule-tout et d’une cantine bio. Certains font partie de collectifs antifascistes, d’autres de mouvements créés pendant la loi travail. La plupart n’ont pas voté à l’élection présidentielle. « C’était important de se retrouver ce soir, pour montrer que l’on peut faire autre chose à part voter », tranche Aldo, militant antifa, une bouteille de Leffe bien en main :
« Ce que j’espère c’est une vraie mobilisation contre autre chose que l’extrême-droite. Parce que Macron, lui aussi, est dangereux. »
Sur le coup de 20h, c’est à la station de métro Ménilmontant que les « ninistes » [ni Macron, ni Le Pen, ndlr] les plus convaincus se sont donnés rendez-vous pour une nuit de mobilisations. Mais les manifestations sauvages ont tourné court dans le nord-est parisien. Les forces de l’ordre, en nombre, ont bloqué de petits cortèges éparses tout autour de la rue de Ménilmontant. Le gros des troupes, une soixantaine de personnes, a été coincé pendant plusieurs heures autour du bar le Saint Sauveur-, un QG de l’extrême-gauche parisien. Selon plusieurs témoignages recueillis par StreetPress, une trentaine de manifestants auraient été embarqués par la police. Dont de nombreux clients du bar le Saint Sauveur.
« On peut s’organiser autrement »
Rachid (1) et ses amis ont installé leur stand sous la passerelle qui traverse de part en part le parc de la Villette. Leur collectif, Boycott 2017, milite pour un « boycott actif » des élections. Sur la petite table : des pin’s à l’effigie de leur mouvement, des affiches et puis des tracts. Pour eux, pas de doute : Emmanuel Macron sera bien élu président de la République. Mais la petite bande de copains, qui n’a pas déposé de bulletin dans l’urne, continue à rêver du grand soir. « Il faut que les gens comprennent que ce n’est pas fini », oppose le jeune homme au débit rapide :
« Il faut préparer la suite. Je pense que le défi va être de s’élargir. »
Un dimanche à la Villette / Crédits : Tomas Statius
Pour Aldo, cet après-midi est une sorte de rampe de lancement pour les mouvements qui viendront. « Il faut montrer aux gens qu’on peut s’organiser autrement », explique l’homme à l’impeccable blouson de moto noir :
« Je pense qu’on pourrait faire plus de soirées, plus de choses dans des squats. Nous, de notre côté, on continuera à avoir une action plus locale. »
Après-midi houmous et taboulé
Car la colère ne risque pas de s’éteindre sous le quinquennat d’Emmanuel Macron remarque Houssam (1), 21 ans, sourire bright sous sa casquette de cycliste :
« Macron président, c’est sûr que ça va énerver des gens. »
Pour d’autres, l’après-midi houmous et taboulé a des vertus cathartiques. « On voulait faire un évènement festif pour passer une bonne après-midi plutôt que de déprimer toute l’après midi » lâche Babouche (1), 19 ans, La jeune étudiante au pull à grosses mailles et aux cheveux ondulés a voté Mélenchon au premier tour. Pour le deuxième round, elle est revenue à ses premiers amours :
« La lutte, c’est la vie. C’est les potos. »
La police veille au grain / Crédits : Tomas Statius
Pour Camille (1), 35 ans, militante passée par Calais et Vintimille, ces temps de parole sont nécessaires. « Sans discuter, on ne trouvera pas de solutions » lâche la jeune femme dont le visage est encadrée par une capuche kakie.
« Macron démission ! »
Devant la station de métro Ménilmontant, alors qu’une cinquantaine de manifestants sont déjà réunis pour la Nuit des Barricades, Rémi (1), un enseignant de 29 ans, tente d’écouler son stock de tracts. « C’est pour le front social, une manifestation organisée demain à République. Il faut y être », explique l’homme aux lunettes à verres épais et à l’impeccable sarouel noir et rouge. Lui non plus n’a pas voté au second tour :
« Ce résultat, c’est ce qu’on attendait de toute façon. Si ça avait été 51-49, ça n’aurait pas changé grand chose pour moi. »
L’homme ne troquerait pour rien au monde sa soirée à arpenter les rues de Paris contre un plateau télé devant la soirée électorale. « C’était important de se retrouver ce soir. Plus on se mobilise. Plus on montre qu’on refuse cette forme de démocratie », lâche-t-il les yeux dans le vague. Il regrette toutefois le manque d’hétérogénéité du milieu militant :
« J’aimerais qu’il y ait plus de connexions avec les syndicats, les jeunes des quartiers populaires mais aussi avec les usines. Tout cela a été fait pendant le mouvement social mais par une groupe trop restreint de personnes. »
Zone antifa / Crédits : Tomas Statius
Il est 20h, une rumeur parcourt la place de Ménilmontant. La nouvelle se répand : Emmanuel Macron a été élu président de la République. Rémi : « Et c’est parti pour 5 ans de libéralisme ». Un manifestant, un peu trop confiant, lance :
« Macron démission ! Macron démission ! »
Rideau de fer forcé
Après avoir forcé le rideau de fer, les forces de l'ordre interppelent activistes et clients du bar / Crédits : Tomas Statius
Il ne fait pas un temps à mettre un black-bloc dehors, ce dimanche 7 mai. A peine en marche, la manifestation sauvage, contre le résultat des élections, qui regroupe entre 100 et 150 personnes, est scindée en deux par la police au niveau de la rue des Panoyaux (Paris 20e). C’est alors une partie de nasse qui se joue autour de bar le Saint-Sauveur. Autour de 70 manifestants sont ainsi coincés pendant plusieurs heures entre trois épais cordons de CRS et de gendarmes mobiles.
Après avoir forcé le rideau de fer du bar, la police finit par embarquer une trentaine de militants, dont des clients du bar, selon plusieurs témoignages recueillis par StreetPress.
(1) Le prénom a été modifié
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