Église Saint-Merry, Paris 4e – Tour à tour, une quarantaine de personnes effleurent une dernière fois le cercueil du défunt. « Que ta volonté soit faite, seigneur des temps nouveaux, et que ton royaume vienne au milieu de nous », récite le père Daniel Duigou, au milieu de l’église. Une femme blonde au chouchou bleu se lève pour annoncer à ses proches : « Je vais continuer sans lui, mais je serai avec vous. » Elle jette un œil sur la photo de son mari, près du cercueil, puis s’attarde sur quelque chose au-dessus de sa tête. Une toile de 7 mètres est accrochée sur un mur. C’est une œuvre de street art en plein milieu de l’église.
Pendant une semaine, du 13 au 19 juin, l’église accueillait une exposition de street art avec 29 artistes, dont Jérome Mesnager, C215 ou 13Bis. Sous les arches, sur l’orgue ou sur les murs, les artistes ont interprété leur spiritualité.
Le père Daniel Duigou est un des deux prêtres de l’église qui a donné son accord pour le projet. Devant nous, il prend la pose devant un collage de l’artiste Softtwix mettant en scène le visage d’une petite fille.
Le prêtre, sans sa soutane. / Crédits : Pierre Gautheron
Pourquoi souhaitiez-vous être pris en photo ici ?
C’est l’œuvre de l’exposition qui m’impressionne le plus. Je n’y connais pas grand-chose en art : je ne suis pas peintre et je suis incapable d’interpréter Bach au piano. Je n’avais jamais entendu parler de C215 ou de 13Bis. Mais je suis un ancien journaliste de télévision, donc je comprends l’image. Je vois de la liberté dans le street art. Vivre, c’est créer et c’est inventer Dieu. Pour moi, les street artistes continuent d’écrire la bible.
Pourquoi avez-vous installé ces œuvres dans votre paroisse ?
L’église est à 100 mètres de Beaubourg et nous avons toujours été tournés vers la création. Le street art permet de découvrir une autre approche de l’église et du monde. Je pense que les artistes sont les nouveaux prophètes d’aujourd’hui.
Devant l'église, le portrait massif de Dalí par Jef Aérosol / Crédits : Pierre Gautheron
Quand les petits bonhommes de Jérôme Mesnager rencontrent des voûtes gothiques / Crédits : Pierre Gautheron
Les prophètes d’aujourd’hui ? C’est-à-dire ?
Nous sommes tous les ouvriers d’une nouvelle dictature. C’est l’économie qui décide à la place des hommes politiques. C’est vrai, est-ce qu’on est libre parce qu’on peut choisir entre 4 smartphones ? L’artiste est là pour le dénoncer, ils peuvent crier : « au secours, l’individu est en danger ! » Ils sont des éveilleurs de conscience, des prophètes.
Le public est-il gêné par cette exposition ?
Nous avons organisé des funérailles et ça n’a pas gêné l’épouse du défunt. Les seuls qui ont été perturbés ce sont les catholiques traditionalistes. Ils surveillent de près ce qu’on fait. Il y a deux semaines, ils sont venus perturber une messe parce qu’on avait invité des juifs et des musulmans à chanter avec nous. Pour eux, l’exposition est inadmissible puisqu’ils ne considèrent pas le street art comme de l’art sacré. C’est comme si Satan était entré dans l’église. Les mentalités changent et l’Église doit évoluer avec elles.
Punching-christ / Crédits : Pierre Gautheron
Il y en a un qui a forcé sur le LSD / Crédits : Pierre Gautheron
Cette exposition est donc politique ?
C’est parfaitement une parole politique, mais je ne suis pas engagé. On assiste à une faillite des hommes politiques et de la société. On construit des miradors et des frontières, mais le problème est ailleurs. Samedi, nous avons donné aux réfugiés le tiers des bénéfices de la vente aux enchères des œuvres exposées.
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