Pas de sécu, pas d’allocations, pas de contrats, une rémunération qui oscille entre 20 et 45% du SMIC depuis la loi Dati de 2009… Travailler en prison ce n’est pas franchement la joie. Interrogé sur le cas de nombreux détenus payés en dessous du minimum légal, le conseil constitutionnel a déclaré ce 25 septembre, contre l’avis de nombreux universitaires, que la « juridiction était suffisante ». Les sages déboutent par là même une procédure de plusieurs mois attentés par un ancien détenu. Pascal, lui, affirme :
« Quand on nous met en prison, ce n’est que pour être exploité »
Pascal a 50 ans et a fait plus de 10 ans de placard. Pendant toutes ces années, l’homme originaire du Nord de la France travaillait pour préparer la sortie ou pour cantiner. Lors de sa dernière incarcération, c’est en cuisine qu’il s’est retrouvé, travaillant de 8 h à 18 h par jour pour 1,80 euros de l’heure. Pour StreetPress, il raconte les coulisses.
« La dernière fois que j’ai été incarcéré, c’était en janvier 2013. J’avais pris 2 ans ferme pour violence. Quand je suis arrivé à la Maison d’Arrêt d’Amiens, j’ai été affecté à la cuisine. Le travail, en prison, c’est censé être un privilège : ça te permet de mettre de l’argent de côté ou de cantiner. Ce qu’on oublie de dire, c’est que, bien souvent, c’est de l’exploitation.
Ma cuisine va crack-er
En prison, les detenus sont payés bien en dessous du taux legal. Et la situation est même pire en cuisine. Au début, j’étais plongeur. Puis comme j’aimais bien faire la cuisine, on m’a nommé chef cuistot au bout de 3 mois. La journée type c’est 8h – 18 h. Tous les jours. Au mieux j’ai été payé 441 euros, soit 1,80 euros de l’heure.
Et puis il faut voir les cuisines. En 18 mois à la maison d’arrêt, il y a eu 3 fois des rats. Les surveillants nous disaient de ne surtout pas en parler. C’est aussi nous qui gérions les stocks : plus d’une fois on a servi des trucs périmés aux détenus.
Mieux traité par le privé
En prison, l’Etat est pire que les entreprises qui te donnent du travail. Quand j’étais au service général, j’avais la pression constamment. Personne n’ouvrait sa gueule, sauf moi. D’ailleurs au bout de quelques mois, j’ai demandé à être rétrogradé. Je ne pouvais plus supporter d’être chef.
En 10 ans, je n’ai jamais été traité comme je l’ai été en cuisine. Lors d’une précédente incarcération, j’ai été nommé contremaître dans un atelier pendant 4 ou 5 mois. Je contrôlais des pièces d’Airbus A320 dans ma cellule. Je travaillais 14 h à 16 h par jour mais j’arrivais à me faire 15.000 francs par mois. Je me souviens, les surveillants ont même fait grève : ils se sont rendus compte qu’on gagnait plus qu’eux.
Dédommagements
Le pire dans cette histoire, c’est que pendant toute ma détention, je n’ai été payé que pour 180 h travaillées alors que j’en faisais bien plus chaque mois. En sortant, j’ai demandé un réajustement de mon salaire sur le taux légal plus règlement de toutes mes heures impayées. Pendant les 18 mois, j’avais tenu un journal dans laquelle je notais toutes mes heures de travail. J’ai transmis ça au ministère de la Justice, à la Maison d’Arrêt et à la direction interrégionale de Lille. Tout ce qu’ils m’ont proposé c’est 1600 euros. Alors qu’en tout et pour tout, la prison me doit plus de 4000 euros. J’ai 2 gamins, j’ai choisi l’argent plutôt que des années de procédure au tribunal administratif.
Moi ce qui me plairait bien, c’est de parler avec les gens du ministère. Quand on est en prison c’est eux qui nous baisent. Quand on nous met en prison, ce n’est que pour être exploité. »
Propos recueillis par Tomas Statius
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER