La scène se passe au croisement des rues 23 et Infango, vers 10 heures du matin, tout près du Malecón, ce boulevard qui longe l’océan. Dans une La Havane qui semble s’être arrêtée dans le temps, quatre petits vieux assis à côté d’une épicerie suivent du regard un rassemblement et en rigolent ensemble :
« C’est quand même drôle ! On ne voit pas ça à Cuba d’habitude ».
Ce rassemblement, c’est « La Conga », la huitième Gay Pride de La Havane organisée ce samedi 9 mai. Environ 1.500 personnes dans la rue défilent pour réclamer plus de droits et lutter contre une homophobie et transphobie, encore bien présentes dans l’ensemble de la société cubaine.
Buena vista social club ? / Crédits : Antoine Guibert
Le drapeau cubain en mode arc-en-ciel / Crédits : Antoine Guibert
Lesbiennes à Cuba / Crédits : Antoine Guibert
Mariela Castro, figure du militantisme LGBT
Il est 10 heures du matin et les gens dansent déjà, munis de leur canette de Cristal, la bière cubaine. Un groupe de percussions se charge de l’ambiance. Des femmes trans rigolent entre elles, des groupes de jeunes arborent des masques arc-en-ciel, d’autres distribuent des flyers pour des soirées gays. Mais il y a aussi des citoyens au look plus lambda, venus pour demander plus d’égalité.
La Conga est organisée par Mariela Castro, fille de Raul, nièce de Fidel. Les mauvaises langues diront qu’elle seule peut organiser un tel évènement sans craindre les foudres du régime castriste. Directrice du centre cubain pour l’éducation sexuelle, elle est la chef de file des revendications LGBT à Cuba. La marche est le point d’orgue d’un programme de deux semaines qui prend place à La Havane et à Santiago de Cuba, mettant en avant des films, de l’art et un festival de théâtre.
A la gay pride de La Havane / Crédits : Antoine Guibert
Groupe de copines / Crédits : Antoine Guibert
La Havane, 9 mai 2015. / Crédits : Antoine Guibert
Des camps de rééducation aux défilés queer
Un jeune homme monte sur un school bus américain et se déhanche sous les applaudissements de la foule. Il n’oublie pas qu’il est dans un pays communiste qui a la répression facile pour ceux qui oublient d’être discrets. Alors il redescend très vite. Bien que Fidel Castro ait regretté le traitement infligés aux homosexuels après la Révolution, la persécution de la communauté LGBT pendant des décennies reste dans les têtes. Le régime castriste les a envoyés pendant des années dans des camps de rééducation.
Mais aujourd’hui, une petite mamie distribue avec un enthousiasme débordant des prospectus d’éducation sexuelle. Puis deux jeunes, l’un arborant fièrement une cravate arc-en-ciel sur sa chemisette noire, m’arrêtent pour que je les prenne en photo. Entre le combat affiché de Mariela Castro et les trans’ exubérants de cette marche des fiertés LGBT, l’image d’un Cuba figé dans le temps s’effrite.
A la gay pride de La Havane / Crédits : Antoine Guibert
A la gay pride de La Havane / Crédits : Antoine Guibert
Yo soy gay y que ? / Crédits : Antoine Guibert
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