Démarche assurée, corps musculeux, Jo Prestia a le physique de l’emploi : le méchant du cinéma. Violeur de Monica Bellucci dans Irréversible, mafieux serbe dans 36 quai des Orfèvres ou marchand d’armes dans Le Baltringue, l’ex-boxeur cumule les troisième et quatrième rôles. Près de 80 au total. Une gueule plus qu’un nom : des cheveux grisonnants tirés en arrière et le visage buriné marqué d’une longue cicatrice.
« Un videur de boîte qui a voulu se frotter. Comme il n’a pas réussi avec les mains, il est revenu à la charge avec un petit couteau caché dans un bandage. »_
La rançon de la gloire…
De Sami Nacéri à Albert Camus
Dans une autre vie, Jo Prestia était champion du monde de boxe thaïlandaise. Le cinéma c’est donc sa deuxième vie quand à 35 ans passés, il se retire des rings. Une plongée dans « un autre monde ». A l’écran, le taiseux doit se dévoiler, sortir ses émotions. Il prend des cours. « Au début, j’avais l’impression d’être chez les fous. » Il « se fout un coup de pied au cul pour rester. » Et ça paye, dès le premier casting : « En fait, je me suis juste présenté devant une caméra. » Il est retenu pour onze jours de tournage aux côtés de Sami Nacéri et Saïd Tahgmaoui face à la caméra d’Olivier Dahan dans Frère.
Jo Prestia, avec José Garcia (Le Mac, g.), Antonio Banderas (Femme Fatale, c.), et Monica Bellucci (Irréversible, d.) / Crédits : CC.
Petit à petit, il gagne ses galons et parvient même – un peu – à sortir du rôle du méchant. « J’ai fait pas mal de flics. Tous les grades ou presque. » Il fait du théâtre aussi sous la direction de Charles Berling, rencontré lors du tournage de J’ai vu tuer Ben Barka, qui lui fait passer un casting pour Caligula, d’Albert Camus :
« Six mois à jouer la même chose, au début j’avais peur de me faire chier. Et finalement, c’est tout le contraire. Tous les jours, c’était différent. Un vrai bonheur. »
Dix ans à vivre du statut d’intermittent du spectacle, sans presque jamais dire non. « À partir du moment où j’avais une phrase, même un mot, pour moi c’était du training, donc je prenais. »
Cosa Nostra
Il tourne aussi en Italie, d’où il est originaire. Sa vie de môme, il l’a racontée dans un livre non-publié. « Les éditeurs le veulent gratos ou presque. Alors ils vont se faire foutre et je le garde pour moi. » Et pourtant le pitch a des faux airs de scénario : l’histoire d’un gamin de Sicile débarqué à 10 ans dans une cité du nord de la France, pour fuir son père « petit mafieux ». « Un vrai méchant », dit-il de lui. Pour brouiller les pistes, sa mère fait envoyer son courrier depuis les Etats-Unis où le père est « persona non grata ».
« Quand j’arrive, je ne sais ni lire ni écrire en français. À l’école, je dois tout reprendre à zéro. J’ai commencé à être frustré, vexé et honteux de lire Daniel et Valérie alors que les autres faisaient leurs devoirs de CM1. »
Pas vraiment fort en thème, il s’embarque à 15 ans dans un apprentissage. Six mois comme aide soudeur et un licenciement économique plus tard, il atterrit sur les chantiers. Le boulot est dur mais là n’est pas vraiment le problème :
« J’ai souffert parce que, à 16 ans quand tu travailles dans le bâtiment, t’es sale. Et puis les petites nanas, elles passent à côté de toi et elles ne te regardent pas. »
« Les hôtels grandioses. Les journalistes qui te suivent dans la rue… » / Crédits : Mathieu Molard
Parpaing
Le regard des autres, encore. Et c’est le kick-boxing qui lui offrira sa part de lumière. Pour ses premiers galas, il passe la frontière pour aller combattre en Belgique, quand la boxe américaine n’en est qu’à ses balbutiements en France.
« Je travaille dans le bâtiment et en fin de journée, épuisé, les mains en sang par les parpaings, je vais taper au sac. »
C’est dur, mais qu’importe, il a trouvé sa voie. « Ou tout du moins la façon de me faire regarder par les autres. » C’est encore manœuvre dans le bâtiment qu’il enfile le maillot de l’équipe de France de boxe thaïe. À 20 piges, direction Hong-Kong. « Les hôtels grandioses. Les journalistes qui te suivent dans la rue. » Star en Asie, anonyme en France. « On était amateur tout en ne combattant que contre des pros. »
Ce n’est qu’à 25 ans, alors qu’il vient de décrocher le titre de champion de France qu’ *il quitte les chantiers pour… un job dans la sécu :
« C’était énorme pour moi. Ne plus travailler sale, porter un costume. »
Don King
Quelques années plus tard, il profite de sa notoriété pour monter sa propre boîte de sécu :
« Le premier contrat, je l’ai fait moi. Le deuxième, je faisais les deux, matin et après-midi. Pour le troisième, j’ai dû embaucher. Après, ça n’a plus arrêté. À la fin, j’avais plus de 300 salariés. »
C’est un contrôle fiscal qui, dix ans plus tard, coupera court au business. Retour à la case départ ou presque. Mais qu’importe, la boxe est là. C’est l’époque où Canal diffuse la boxe thaï en prime time. Jo Prestia affronte les plus grands et multiplie les ceintures. Puis à 36 ans, « il y a moins de challenges, de combats intéressants. » Après 85 combats, dont 70 victoires, il raccroche les gants.
Jo Prestia, à droite, dans La Fureur. / Crédits : CC.
C’est finalement son ami acteur Gérard Lanvin qui, en 2012, lui permettra de remettre un pied dans monde de la boxe : alors qu’ils assistent ensemble à un gala, il confie à l’acteur qu’il se verrait bien organiser des combats. « J’avais déjà tenté quelques années avant, mais j’avais pris un gros bouillon financier. » Ensemble, ils font la tournée des partenaires et des télés, et ça marche. « Maintenant, Gérard Lanvin est le parrain d’honneur de mes événements. »
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