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    18/12/2013

    Depuis novembre, la «discrimination à l'adresse» est un délit

    Des entreprises bientôt condamnées pour ne pas embaucher dans le 93 ?

    Par Pauline De Deus

    Sur StreetPress, le député Daniel Goldberg est remonté : « En province, je vois les regards sur ma plaque d'immatriculation 93. » A son initiative la « discrimination à l'adresse » est inscrite au Code Pénal.

    Le 14 novembre dernier, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée Nationale adoptait à l’unanimité un amendement intégrant la discrimination à l’adresse dans le Code Pénal. Une victoire pour le député socialiste de Seine-Saint-Denis à l’origine du texte, Daniel Goldberg. Son objectif principal : favoriser « l’accès à l’emploi » des habitants des quartiers populaires et plus largement changer l’image de son département. « Quand je me rends en province avec ma voiture personnelle, je vois les regards jetés sur ma plaque d’immatriculation 93 », assure le parlementaire.

    C’est quoi cette discrimination à l’adresse ?

    C’est un vingtième critère de discrimination dans notre législation. En plus du nom, du sexe, etc., le lieu de résidence entre en compte. Quelqu’un qui s’estime victime d’une discrimination parce qu’il habite à Aulnay-sous-Bois pourra donc faire valoir ses droits au même titre qu’une personne noire.

    Ça concerne quels domaines ?

    Dans le code pénal, c’est toute forme de discrimination. Mais ce qui m’a motivé en premier lieu c’est la question de l’accès à l’emploi. Je suis né en Seine-Saint-Denis, j’y ai grandi, j’y vis, j’en suis un des élus et donc je connais cette situation. Beaucoup de jeunes pensent que leur code postal « 93600 » est une des raisons pour laquelle ils n’ont pas été recrutés ou n’ont même pas eu d’entretien. Il faut lutter contre cela ! Bien sûr, c’est très symbolique (…) Moi aussi je le remarque. Quand je me rends en province avec ma voiture personnelle, je vois les regards jetés sur ma plaque d’immatriculation 93.

    L’amendement déposé par Daniel Goldberg

    Comment prouver qu’on est victime de discrimination ?

    De la même manière qu’on prouve une discrimination liée à la couleur de peau. Je ne dis pas que c’est facile. C’est un peu une épée de Damoclès : si une société est prise sur le fait, par exemple suite à un testing, les sanctions peuvent être très lourdes, comme pour les autres formes de discrimination [3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende, ndlr]. Mais surtout, ça serait catastrophique pour l’image de l’entreprise !

    Si c’est aussi compliqué, est-ce que ça va vraiment changer quelque chose ?

    Ce n’est pas simplement un critère de plus dans la loi qui mettra fin à cette discrimination, j’en ai conscience. Cet amendement a surtout une valeur pédagogique. Certaines entreprises ont bien compris qu’avoir des profils différents est un plus pour la société. Même s’il y a encore des progrès à faire, certains recruteurs tentent de contrer les discriminations liées à la couleur de peau, l’apparence, etc. J’aimerais que ça soit fait de la même manière avec la discrimination à l’adresse. J’espère donc une évolution dans ce sens, même si j’ai encore d’autres cartouches dans ma besace !

    D’autres cartouches ?

    J’ai d’autres idées pour lutter contre les discriminations dans les entreprises. On pourrait être beaucoup plus incitatifs, dans les marchés publics notamment. Par exemple en demandant aux entreprises de mettre en avant leurs procédés de lutte contre les discriminations. Ça serait un plus pour obtenir le marché, un peu comme c’est le cas avec les sociétés qui portent une attention particulière au développement durable.

    On parle beaucoup de l’égalité face à l’emploi. Est-ce que l’amendement concerne aussi l’accès aux services ?

    Oui, comme je vous l’ai dit ça s’applique à toutes les formes de discrimination. Et il s’avère qu’il y a un réel problème d’accès aux services. Quand dans tel ou tel quartier la Poste dit, parce qu’il y a des agressions de facteurs, « on ne peut plus délivrer de colis à cette adresse », c’est un problème. Bien sûr, je comprends que la Poste refuse d’y retourner, mais pour la personne concernée c’est une rupture d’égalité très forte. A l’Etat de trouver une solution. Cet amendement n’est pas uniquement à destination des entreprises. Il doit aussi interroger la République sur la manière dont les services publics répondent à cette situation. Notamment avec les dispositifs de sécurité dans ces quartiers.

    La discrimination dans l’accès aux services concerne aussi les ruraux?

    Quelqu’un qui vit dans une zone beaucoup moins peuplée ne peut pas s’attendre à avoir les mêmes services que s’il habitait au coeur de Paris. Ça c’est clair, il faut tenir compte de la réalité. On n’aura pas la même densité médicale au milieu de la Corrèze qu’avenue de l’Opéra à Paris ! On ne va pas faire la ville à la campagne. Maintenant, qu’une personne dise : «Il faut que j’aie accès à un service d’urgences en moins de 30 minutes», ça oui, bien sûr !

    J’ai d’autres idées pour lutter contre les discriminations dans les entreprises

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