Un attentat suicide a fait lundi, une trentaine de morts et plus de cent blessés, à l’aéroport de Moscou-Domodedovo. La piste des rebelles du Caucase du Nord est fortement avancée. La tension monte entre la Russie et la Tchétchénie.
# 1 Comment interpréter l’attentat de lundi ?
Cet attentat suicide fait partie d’une longue série dont la Russie est victime depuis le début du conflit avec la Tchétchénie. Si Alexander Gabuev n’émet aucun doute quant à la responsabilité des rebelles tchétchènes dans cet attentat, Asher Pirt y voit une dimension plus internationale. Selon lui, le fait que les terroristes aient ciblé des citoyens de l’Union Européenne et du Royaume-Uni, peut signifier qu’ils souhaitent « attirer l’attention de la communauté internationale ». Ce qui représenterait un véritable « changement dans la tactique des groupes terroristes locaux en Russie ».
# 2 Pourquoi les rebelles du Caucase du Nord sont-ils toujours considérés comme suspects numéros 1 ?
La raison est simple : il n’y a pas d’autre groupe séparatiste aussi violemment actif. Les précédents et nombreux attentats qui ont eu lieu dans différentes villes de Russie, ont à chaque fois été revendiqués par les rebelles du Caucase du Nord. « Il n’y a aucune raison d’imaginer que l’attentat de lundi ait été organisé par un autre groupe », affirme Alexander Gabuev. Pour autant, la piste d’une aide internationale de la part d’autres terroristes, n’est pas à écarter. Asher Pirt évoque la possibilité « qu’ils les aient conseillés et fournis en armement et explosifs ».
#3 Lors de précédent attentas dans le métro moscovite, la rumeur d’un complot du gouvernement russe avait été évoquée. Cela peut-il être le cas pour l’attentat de lundi ?
Le gouvernement et les services secrets russes sont très fréquemment la cible de rumeurs, même si celles-ci n’ont jamais été appuyées par des preuves tangibles. Pour Asher Pirt, ces rumeurs sont proches de celles qui ont circulées sur le gouvernement américain, notamment la CIA, au lendemain des attentats du 11 septembre. Il n’y aurait donc pas lieu d’envisager la théorie de complot, tant pour les précédents attentats que pour celui survenu lundi.
Chronologie des rapports Russie / Tchétchénie
1991: Lors de la désintégration de l’URSS, la Tchétchénie, république autonome de Russie, proclame son indépendance.
1994-1996 : Première guerre de Tchétchénie : la Russie lance son armée à la reconquête de la république sécessionniste. Le conflit s’enlise rapidement, les pertes civiles sont élevées, les exactions nombreuses. La Reprise de la capitale, Grozny, en août 1996 par les indépendantistes oblige Eltsine à conclure un accord de paix et à retirer ses troupes.
1997: Aslan Maskhadov est élu président de la Tchétchénie indépendante (ou Itchkérie).
1999-2000: Seconde guerre de Tchétchénie : Grozny est bombardée et prise en février 2000. Les combats se poursuivent dans les montagne, tandis que les forces russes font régner la terreur.
2002: Vladimir Poutine lance la politique de « Tchétchénisation ». Il nomme l’ex indépendantiste Akhmad Kadyrov président en octobre 2003.
9 Mai 2004: Akhmad Kadyrov est tué dans un attentat. Alou Alkhanov lui succède, tandis que Ramzan Kadyrov, fils du premier, né en 1976, est nommé vice-premier ministre.
2005: Ramzan Kadyrov devient premier ministre.
Mars 2007: Poutine nomme Ramzan Kadyrov président.
Avril 2009: Le régime d‘ « opération anti-terroriste » en vigueur depuis 1999 est levé.
# 4 A quel genre de réaction s’attendre de la part du gouvernement russe ?
« Le président Medvedev va s’employer à trouver tous les responsables et les tuer », prédit Alexander Gabuev. Retrouver et punir les coupables, oui, mais la Russie doit également s’atteler à revoir sérieusement son système sécuritaire. Les attentas à la bombe sont malheureusement fréquents en Russie. Asher Pirt espère que « le gouvernement saura tirer une leçon de la tragédie survenue lundi, car le pays doit sérieusement revoir sa politique sécuritaire ». Pour mener à bien ce projet, la coopération des autres pays est primordiale, « La communauté internationale est elle aussi concernée», explique le spécialiste de la Russie.
# 5 Quelle issue est envisageable pour résoudre le conflit entre la Russie et la Tchétchénie ?
L’approche des JO d’hiver en 2014 et de la Coupe du Monde de football en 2018, qui auront lieu en Russie, accroît la pression sur le pays qui doit trouver une solution. Alexander Gabuev soutient que le meilleur moyen de résoudre le conflit avec la Tchétchénie serait « d’instaurer un réel dialogue pour trouver un vrai terrain d’entente ». Plus pessimiste, Asher Pirt, estime que « la fin du conflit n’est pas près d’arriver, car instaurer la communication avec des terroristes est quasiment impossible ».
Alexander Gabuev : Analyste et observateur politique pour Kommersant, la référence des journaux économiques russes. En tant que journaliste, Alexander Gabuev a publié plus de 700 articles sur la politique internationale et plus particulièrement sur l’économie chinoise, les relations entre la Russie et la Chine et la politique énergétique russe.
Asher Pirt: Spécialiste de la Russie et de l’Asie Centrale, il est observateur pour l’OSCE. Ancien militaire il est membre du Royal Institute for International Affairs. Son regard avisé lui vient de ses fréquents voyages en Russie, Ukraine, Asie Centrale, Moldavie et dans les Etats Baltes. Asher Pirt commente régulièrement l’actualité de cette zone géographique. pour Russia Today et CNN.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER