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    20/10/2010

    Dieu aime-t-il le rap?

    Rap et islam : La longue marche

    Par Respect Mag

    « Il faut peut-être prévenir vos auditeurs qu'on est au XXe siècle » scandaient les athés NTM chez Radio Beur en 1990. Depuis, les relations entre rap et islam ont évolué. Respect Mag fait le point dans son dernier numéro.

    Les Nique Ta Mère sont athées, anti-communautaristes, et grossiers. Dans leurs textes, ils envoient. Dans Blanc et Noir : « Je suis noir, il est blanc, la différence se voit dans les yeux des bâtards. Le Pen et Farrakhan, même combat pour la haine…».

    Aux États-Unis, des groupes comme X-Clan, Ice Cube revendiquent leurs liens avec la Nation of Islam de Farrakhan. En France, les jeunes des cités considèrent alors l’islam américain comme une religion « gadgette ». Les plus pratiquants des rappeurs français comme Kader d’Aktivist préfèrent garder leur foi pour la sphère privée : « Je ne me vois pas sur scène en train de rapper un texte sur l’islam devant des mecs qui boivent de la bière et se grattent les couilles », déclare-t-il au magazine L’Affiche.

    En 1995, après la Guerre du Golfe, premières références au Coran dans un rap d’IAM. Akhenaton rappelle quelques principes à Saddam Hussein : « Saddam, tu ne me feras pas croire, à moi, que tu fais la prière en dehors des caméras. Sais-tu au moins qu’exhiber son portrait dans tous les coins est interdit par notre Livre Saint : le Coran ? »

    Extrait de Respect Mag, ‘‘Musulmans de France, loin des clichés‘‘. En kiosque depuis le 11 octobre.

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    Un peu plus tard dans le morceau, l’enregistrement audio d’un imâm rappelle l’esprit du Jihad : « L’effort sur le chemin de Dieu ». Cela passera comme une lettre à la poste dans la France laïque, car le titre condamne les excès de représentants des trois religions monothéistes. Le débat sur le voile islamique dans les écoles publiques débute à peine. Les médias ne rapprochent pas encore, à outrance, les attentats du GIA dans le RER à Paris en 1995 et la pratique de l’islam.

    En textes et en actions

    Dans le rap français, de plus en plus de jeunes artistes se convertissent. C’est le cas de Disiz La Peste qui, voyant le succès et ses excès arriver à grands pas, trouve refuge dans l’islam de ses racines sénégalaises et dans le mariage : « L’islam dont on parlait dans les quartiers, on aurait dit un jeu vidéo, raconte-t-il alors dans Libération : “Si tu fais une bonne action, c’est comme si tu faisais 50 prières, donc tu pourras aller au paradis.” »

    Rohff, musulman d’origine comorienne, hésite entre prêchi-prêcha dans ses interviews (à Groove, par exemple où il prétend qu‘« une femme bien est une femme pieuse ») et l’apologie de la délinquance dans ses raps où il clame : « Le champ du vice, j’vais le labourer ». Les problèmes de conscience travaillent déjà beaucoup d’artistes.

    Le Strasbourgeois Abd Al Malik, dans son livre Qu’Allah bénisse la France (Albin Michel), parle carrément de schizophrénie entre ses deals de shit et les interdits de l’islam. Lui, quittera le trafic pour le mouvement fondamentaliste Tabligh, dont il partira également quand ce dernier voudra lui interdire de rapper avec les NAP.

    Afficher sa foi ?

    Le basculement a lieu en 1999, avec la conversion spectaculaire de Kery James, leader d’Ideal J. Après l’assassinat de son meilleur ami, LAS Montana, le meneur de la Mafia K’1 Fry décide d’enterrer sa carrière en même temps. Kery James a le sentiment d’avoir participé à l’apologie des codes de la rue qui ont tué son pote. Dans un premier temps, il entre à fond en religion avec une pratique des plus rigoristes, refusant de serrer la main aux femmes. Puis décide, un an plus tard, de revenir au rap pour s’en servir comme d’un média. Il s’en expliquera dans un entretien pour Libération en 2009 : « Il y a des choses que j’ai juste mises de côté, parce que je me rends compte que les gens sont incapables de les comprendre en France. Je crains qu’ils interprètent mal ce que je suis réellement. L’islam m’a donné du courage… Je n’ai jamais été plus honnête que depuis que j’ai embrassé l’islam. Pour moi, c’est un fait : ce que la République n’a pas réussi à m’inculquer, l’islam y est parvenu. »

    Kery James parlant de sa foi dans ses textes libérera d’autres artistes. Ainsi Ali, ex membre des Lunatic, écrira un texte entier: A.M.O.U.R. (Allah Maîtrise l’Origine de l’Univers et le Reste). Médine du Havre met au point son muslim rap. Abd al Malik devient, pendant un temps, le curé du hiphop, rappelant les valeurs fédératrices de l’islam sur les plateaux télés.

    Dernièrement, Diam’s est la première rappeuse, convertie, dont le visage voilé fait le tour des magazines people. Elle écrit un texte défendant le port du foulard à l’école, Lili, dans son dernier album SOS pour lequel elle refusera toute interview, consciente que les médias vont l’assaillir sur sa pratique. Disiz La Peste ne veut plus parler de religion dans ses interviews: « Je regrette même de l’avoir fait, c’est quelque chose qui doit rester personnel, confie-t-il à Respect Mag. Ce qui me gêne encore plus aujourd’hui, ce sont les amalgames et les associations d’idées. Le triptyque rap-banlieue-islam, je n’en peux plus. Franchement, à quoi ça sert d’en parler ? Inconsciemment, il y a une part de prosélytisme : ‘‘Moi je fais ça, je suis comme ça, potentiellement ceux qui m’écoutent doivent être pareils’‘… Il y a un truc qui ne me va pas là-dedans. Et, pour être sincère, c’est beaucoup moins présent dans ma vie. Je suis en questionnement, et je veux être raccord avec moi-même. »

    Extrait de Respect mag ‘‘Musulmans de France, loin des clichés‘‘ En kiosque depuis le 11 octobre. En savoir plus.





    En partenariat avec Respect Mag


    Source: Stéphanie Binet | Respect Mag

    Crédits Photos: : Tangi Bertin | Flick’r Creative Commons

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