« Utilisez-vous votre Smartphone aux toilettes ? » Sur les 50 personnes interrogées par StreetPress, 37 reconnaissent envoyer des sms, checker leurs mails ou leur facebook ou encore jouer à des jeux débiles quand elles sont aux WC. Bien sûr, l’étude n’a pas valeur de sondage mais elle donne une petite idée du phénomène. Selon une enquête menée aux Etats-Unis, 75 % des Américains utiliseraient leur smartphone aux toilettes. Un score qui atteint les 91% chez les 18-25 ans, rapporte le New York Times. Ne doutons pas que la sortie imminente de l’Iphone 5S, n’arrangera pas les choses. L’Apple mania est telle que lorsque la marque à la pomme sort un nouveau modèle, elle interdit à ses vendeurs de prendre des congés pour faire face au rush.
Nostalgie Fini l’époque où les aventures de Picsou ou l’intégrale de Playboy squattaient les WC. Nous sommes en 2009 et Baptiste Lorber – qui lancera plus tard 10 minutes à perdre – imagine « ‘La grosse commission’, le premier journal humoristique gratuit à lire aux toilettes ». Le magazine est distribué dans les toilettes des bars de Paname. Sur le trône, on prenait le temps de lire « une BD ou de la presse people. Comme chez le coiffeur ou le médecin, on savait qu’en passant les portes des chiottes on tombait sur cette presse qui ne fait pas trop réfléchir. C’est de la lecture de merde quoi ! » L’aventure de ‘La grosse commission’, s’arrête après seulement trois numéros. « C’était un mag dans la veine d’Hara-Kiri) et on avait fait un ‘spécial religion’, bizarrement on n’a pas trouvé d’annonceur… » Baptiste reconnaît sa « petite nostalgie » du temps béni où les toilettes faisaient office de salle de lecture… Mais « aujourd’hui, comme tout le monde, je suis vissé à mon smartphone. »
Fan club Vous qui nous lisez en ce moment bien assis sur la cuvette, vous ignorez peut-être qu’aux Etats-Unis, depuis 1988 un « Institut des lecteurs aux toilettes » revendique « honorer les Américains qui pratiquent ce passe-temps séculaire », allant jusqu’à créer le « mois de la lecture aux toilettes », avec au programme des lectures organisées dans les commodités publiques, des interviews d’auteurs posés sur les WC…
Certains scientifiques s’étaient même posé la question de l’impact de la lecture sur l’effort de poussée. Le quotidien Le Monde se faisait, en 2011, l’écho de cette très sérieuse étude israélienne, menée sur la question. Difficile de résister à l’envie (pressante) de vous en citer les meilleurs passages :
« On demandait à ces personnes si elles lisaient aux toilettes, le temps qu’elles passaient sur le trône, le nombre de fois où elles s’y rendaient, la vigueur de leur transit, l’état de leur anus et une caractérisation de leurs selles, et ce, grâce à la célèbre échelle de Bristol. Celle-ci note de 1 à 7 la forme et la consistance de la production intestinale, du petit gravier à la lavasse, en passant par le bien moulé. »
Que l’on se rassure, l’étude ne montre aucun impact significatif de Paris Match sur vos selles. Il y a certes un tout petit peu moins de constipation et à peine plus d’hémorroïdes chez les lecteurs, mais rien de suffisamment significatif pour pouvoir établir une véritable corrélation entre les commodités et l’académie française. Et si BHL en fait chier plus d’un, ça reste donc bien au figuré.
Pause Caca Si rien ne prouve que la lecture aux toilettes facilite le transit intestinal, il est au moins certain qu’elle marquait une coupure dans le rythme effréné des journées. « Ce moment est une pause pour le corps et donc aussi pour l’esprit », explique Baptiste Lorber. Aujourd’hui même aux toilettes on reste connecté. « Je sais que quand j’ai un mail un peu long à envoyer je me le garde pour ce moment-là, confie notre expert es commodités. Sinon je lis France Football ou 20 Minutes. » Selon une des nombreuses études menées par nos amis Américains sur la question, outre-Atlantique une personne sur deux se connecterait sur Facebook et 36% des interrogés (live ?) tweeteraient depuis les cabinets. Plus surprenant, selon un autre sondage, ils seraient 63% à avoir répondu à un appel et 41% à avoir appelé quelqu’un. Et un petite texto pour dire « je t’aime » à son partenaire alors qu’on est en train d’en poser une, ça vous choque ?
On demandait à ces personnes si elles lisaient aux toilettes
Je sais que quand j’ai un mail un peu long à envoyer je me le garde pour ce moment-là
Shit Wars Si les smartphones sont en train de gagner la guerre des toilettes, c’est aussi parce qu’ils sont adaptés à des temps d’utilisations courts. « Quand vous lancez un jeu comme Angrybird, il ne faut que très peu de clics pour arriver à l’action de jouer », explique le développeur web Sam Jochimek. Ajoutez à cela un fractionnement du contenu parfaitement adapté à une utilisation d’à peine 1 à 2 minutes et vous éradiquez définitivement toute presse papier des WC.
Les médias tentent bien de s’adapter à ces nouveaux modes d’utilisation en proposant des applications pour smartphone. « Le problème c’est qu’ils veulent mettre toutes leurs pubs et ça pourrit complètement l’ergonomie », explique notre développeur. Mais être poursuivi par les « alertes push » du Figaro jusqu’au fond des chiottes, est-ce bien raisonnable pour notre santé mentale ?
Drogue Selon une étude réalisée en 2012 par « Storage Option », 40% (seulement ?) de nos voisins britanniques reconnaissent utiliser leur mobile ou leur tablette tactile aux WC. Mais ils sont aussi 57% à les utiliser au lit, 49% pendant que leur conjoint leur parle et même 5% pendant l’acte sexuel (l’étude ne précise pas l’utilisation qui en est faite).
A croire que les WC font désormais office de salle de shoot pour asociaux techno-scatophiles. Eric Schiermeyer, fondateur de l’entreprise Zynga qui a développé le jeu Farmville, le reconnaît, expliquant « qu’en tant qu’humains, nous voulons de la dopamine » et l’utilisation des smartphones nous en fournit. Comme avaler un Big Mac ou un verre de Coca, jouer sur un mobile active dans notre cerveau les « neurones qui forment le circuit de la récompense, mais aussi d’hormones comme l’ocytocine ou l’adrénaline, ce neurotransmetteur [qui] serait peut-être l’un des vecteurs de notre addiction », explique le Huffigton Post. Cependant, pas de quoi faire culpabiliser Eric Schiermeyer : « Les chaînes de fast-food diraient: y va-t-il vraiment de notre responsabilité si les gens mangent trop et grossissent? La plupart des gens répondraient non. » Il en va de-même pour les développeurs d’applications. En clair, chacun sa merde…
bqhidden. Comme avaler un Big Mac ou un verre de Coca, jouer sur un mobile active dans notre cerveau les neurones qui forment le circuit de la récompense
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