Pantin – Seine-Saint-Denis. Le long du canal d’Ourcq, une fois passé le 19e arrondissement, direction Pantin, il est immanquable. Là, sur les quais, un vieux bâtiment en apparence délabré. Un de ceux que vous pourriez voir si vous vous baladez sur le port de Brest ou du Havre. Ce bunker sorti de nulle part resplendit depuis l’été 2012 de sa nouvelle robe.
A première vue, le grand bâtiment en ruines paraît bon à jeter. Des fenêtres cassées, des escaliers qui ne touchent pas le sol, et de la rouille très apparente. Abandonné depuis 2008, ce colosse de 41.000m² est inaccessible au public. En vérité il est protégé, et sa démolition est interdite par la ville qui l’a classé « monument remarquable ». Mais plus que son état de santé général, ce qui saute aux yeux c’est la beauté des tags qui le recouvrent. Un véritable tableau de Street Art. Les promeneurs s’arrêtent intrigués, et discutent. Certains s’interrogent : « Vous pensez que c’est quoi ? Un ancien bâtiment municipal ? » D’autres constatent : « En tous cas, il est décoré. Tous ces graffitis, ça lui donne un genre nouveau. Spécial, mais nouveau ».
Office du tourisme « C’est ça qu’on a voulu faire. Le message que je veux transmettre, il n’est pas politique, c’est un message de partage, de lien. Je veux que les gens s’arrêtent, s’interrogent, qu’ils se parlent aussi. Quand tu vois cette œuvre, tu t’arrêtes peut-être devant, et tu discutes avec un inconnu à qui tu n’aurais surement pas adressé la parole », s’enthousiasme Marko 93 , graffeurs et photographe, à l’origine du projet.
Depuis 2008, ces anciens entrepôts de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, ont déjà été recouverts de graffitis clandestins çà et là. Les trois graffeurs Marko , Artof Popof et Da Cruz , eux, ont pu y pénétrer légalement pour redécorer la façade. « On avait déjà fait un projet avec le comité départemental du tourisme du 93. Là, ils nous ont rappelé pour couvrir ce mur de 10 mètres tous les week-ends. On n’avait jamais fait aussi grand, c’était un challenge pour nous. L’idée c’était de faire un Tetris sur cette façade », raconte Marko.
1929 Pendant les deux mois d’été, le trio va, chaque week-end, redonner une âme au lieu. Les touristes, en péniche s’arrêtent pour observer la façade renaître. « Au début on a failli mourir, tu te souviens Marko ? » rigole Da Cruz. « Des fois, il y avait des pierres qui nous tombaient dessus, on devait se trimbaler les échelles, les pots de peintures. C’était un peu compliqué. Et puis un mur de dix mètres, c’est immense, nous on fait des murs de trois mètres d’habitude, ce n’est pas du tout la même gestuelle. Mais on sent le vécu dans ce lieu, le mur n’est pas droit, n’est pas lisse, il a fallu s’adapter »,
Un lieu qui, selon Marko « a eu plusieurs vies ». Une première en tant que bâtiment des douanes, à sa construction en 1929. Il servait d’entrepôt et de relais pour les bateaux qui partaient ou arrivaient à Paris, avant de devenir de connaître l’abandon. Une deuxième vie, repeinte à la bombe de peinture, qui lui donne un petit air de 5 Pointz , le temple du graf’ à New-York. Et une troisième en tant que QG de l’agence de pub BETC Euro-RSCG qui a racheté le bâtiment.
Port de plaisance S’il gardera ses peintures urbaines, les graffeurs n’en savent rien. « C’était le deal, on le savait avant de peindre. Les graffitis sont faits pour être peints et effacés, ça fait 25 ans que c’est comme ça on a l’habitude. Bien sûr qu’on aimerait que ça reste, mais on ne choisit pas. J’ai fait des études de pub moi avant d’arrêter pour peindre. Et la pub s’inspire parfois de ce qu’on appelle le “Street art” », raconte Marko 93. Peut-être alors que le site, qui abritera quelques 500 employés, gardera après sa rénovation, certaines traces de ses anciennes vies. La rénovation complète est prévue pour 2015. Des résidences y seront aussi construites et la ville de Pantin prévoit même d’y construire un port de plaisance. Comme un hommage à l’ancienne vie industrielle des entrepôts.
Au début on a failli mourir, tu te souviens Marko ?
Marko 93 et sa bombe
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