Début de campagne à Sancoins, dans la troisième circonscription du Cher (18). Un candidat Rassemblement national (RN) discute avec un éleveur local de moutons des bénéfices et des inconvénients de la fête musulmane de l’Aïd pour sa profession. L’homme est Pierre Gentillet. Et si c’est sa première campagne électorale, c’est loin d’être la première fois qu’il fait de la politique. Le trentenaire est l’ancien boss du mouvement de jeunesse de la Droite populaire, mené par l’ex-LR pro-russe Thierry Mariani, désormais au RN. Il a également été militant au sein de l’Uni, le syndicat étudiant très droitier, et il se targue d’y avoir rencontré Jordan Bardella en septembre 2013 à la rentrée en Licence 1 du futur président RN (1).
Positions pro-russes et tweet à tonalité antisémite
Le sarkozyste a claqué la porte des deux formations en 2015 pour cofonder la Cocarde étudiante, formation dont Bardella a été très proche pendant des années. À la fin de ses études, Gentillet, qui n’a jamais adhéré au RN jusque-là, se tourne vers une carrière d’avocat plutôt que d’attaché parlementaire comme nombre de ses camarades. Sur son site, il se présente comme avocat fiscaliste, spécialiste de l’accompagnement des acteurs de « l’économie sociale et solidaire ». C’est surtout un grand habitué des plateaux télé, à commencer par ceux de Vincent Bolloré, et il s’épanche très régulièrement dans divers médias fafs, des plus mainstreams comme Valeurs actuelles aux plus confidentiels comme le site identitaire Breizh info.
Gentillet est surtout un grand habitué des plateaux télé, à commencer par ceux de Vincent Bolloré, et il s’épanche très régulièrement dans divers médias. / Crédits : Capture d'écran CNews
Comme beaucoup dans les années 2010, notamment son mentor Thierry Mariani, Gentillet apprécie la Russie de Poutine. Il a notamment fait partie du Dialogue franco-russe, l’asso de Mariani qui pousse pour resserrer les relations entre l’Élysée et le Kremlin. Il est aussi l’un des cofondateurs et piliers du cercle Pouchkine, un think-tank russophile disparu en 2018 qu’il a présidé et qui aurait accueilli, entre autres, des membres de l’extrême droite française antisémites ou le chef de poste du renseignement militaire russe à Paris. Il y a quelques années, Égalité et réconciliation, le site négationniste et conspirationniste d’Alain Soral, a repris une tribune qu’il avait donnée à l’agence russe Sputnik dans laquelle il donnait son analyse sur la politique étrangère de la France.
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Sur Twitter, Pierre Gentillet calibre aujourd’hui ses propos, qui tournent souvent autour du droit constitutionnel ou de la dernière polémique identitaire fabriquée par l’extrême droite, toujours sur une ligne de crête de laquelle il ne bascule jamais. Sauf il y a quelques années. En 2013, pour s’en prendre à Vincent Peillon, à l’époque ministre de l’Éducation, au sujet de la laïcité, il liste les prénoms des quatre enfants du ministre, qui est juif. Il conclut par : « Normal quoi… #laicitePS. » Aujourd’hui, Gentillet plaide pour ce tweet l’erreur de jeunesse :
« J’avais 20 ans. »
En 2013, pour s’en prendre à Vincent Peillon, à l’époque ministre de l’Éducation, au sujet de la laïcité, il liste les prénoms des quatre enfants du ministre, qui est juif. / Crédits : Twitter
Il avance également n’avoir jamais été poursuivi pour son écrit. Trois ans plus tard, en 2016, c’est la liberté d’expression qui l’inquiète : « Voir des Femens qui pissent sur le Christ = lib d’expression, par contre dans un journal “les PD faut les bruler” là non. » Or, si le délit de blasphème n’existe pas en France – et que ladite Femen avait bien été condamnée pour exhibition sexuelle –, appeler à « brûler » des homosexuels est bel et bien une incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle. Mais pour Pierre Gentillet, il s’agissait de dénoncer « un deux poids, deux mesures » sur deux attitudes « qui doivent être dénoncées ».
Conférences devant les radicaux
En plus de ses interventions médiatiques, Pierre Gentillet donne aussi des conférences et des formations. En décembre dernier, il intervenait dans un séminaire du campus Héméra, l’organe de formation des cadres RN, parrainé par la députée sortante Edwige Diaz, pour une formation « sur le thème de la Nation », aux côtés de Jérôme Sainte-Marie, le sondeur préféré du RN, aujourd’hui candidat dans les Hautes-Alpes. Évidemment, il passe voir ses héritiers à la Cocarde, ses amis du Rassemblement national de la jeunesse (RNJ) aux Forums RNJ gérés par Thionnet, mais aussi Génération Z, le mouvement de jeunesse d’Eric Zemmour : il faut dire qu’il connaît Stanislas Rigault depuis des années.
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Fort d’une image d’intellectuel de la société civile, il a été invité en avril dernier au colloque annuel de l’Institut Iliade, le cercle de réflexion identitaire et ethno-nationaliste héritier du Grece et de la Nouvelle Droite. Le thème de son intervention rentre parfaitement dans la ligne de l’Institut : « Contre la société libérale, retrouver la communauté des Européens. » Un long discours prononcé devant toute ce que l’extrême droite fait de plus radical, des nationalistes-révolutionnaires récemment dissous du Gud aux national-catholiques d’Academia Christiana en passant par les identitaires de l’Asla ou les suprémacistes des Téméraires, une communauté inspirée du suprémaciste exilé Daniel Conversano.
Désormais en campagne, Pierre Gentillet peut rabâcher une de ses obsessions favorites : les exilés, et surtout leur accueil. Son parachutage dans la troisième circonscription du Cher – dont sa famille « vient depuis 300 ans » selon l’intéressé – n’est pas anodin. C’est la circonscription de Bélâbre (36), une petite commune dans laquelle un projet de Cada, un centre d’accueil d’exilés, est la cible de l’extrême droite, après celui de Saint-Brévin (44). En février 2023, il était un des leaders d’une manifestation contre l’implantation du centre, se présentant comme originaire d’une commune voisine. La commune de 980 habitants a évidemment été un de ses arrêts de campagne, et l’accueil des réfugiés un des principaux thèmes de la réunion publique qu’il y a tenue.
(1) La scène a été racontée par les journalistes Marylou Magal et Nicolas Massol dans L’extrême droite, nouvelle génération.
Propos racistes, homophobes, antisémites, complotistes, anti-IVG, liens avec des groupuscules radicaux… Retrouvez ici, la liste des candidats du Rassemblement national épinglés par StreetPress.
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- Agnès Laffite, 7e circonscription de Seine-et-Marne. La candidate RN qui a plus peur de l’islam que du réchauffement climatique.
- Christian Pérez, 8e circonscription du Finistère. Le candidat RN qui compare les joueurs de l’équipe de France à des « clandestins ».
- Tiffany Joncour, 13e circonscription du Rhône. Ses amis de groupuscules identitaires violents l’aident à faire campagne.
- Josseline Liban, 2e circonscription du Calvados. Une nouvelle candidate RN raciste et complotiste.
- Julie Aprineca, 3e circonscription du Cher. La suppléante RN qui porte un t-shirt de suprémaciste blanc et qui s’affiche avec des skinheads néonazis.
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- Nicolas Conquer, 4e circonscription de la Manche. Le candidat investi par Éric Ciotti et fervent supporter de Trump.
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