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    08/12/2023

    Descente raciste, manifestation interdite et agression au couteau

    Les Remparts Lyon, un groupe d’extrême droite violent dans le viseur de la justice

    Par Arthur Weil-Rabaud

    Des membres du groupe d’extrême droite des Remparts Lyon ont été identifiés parmi les militants venus mener une descente raciste à Romans-sur-Isère. L’Intérieur réfléchit à dissoudre ces héritiers de Génération identitaire, bien implantés dans le Rhône.

    Lyon (69) – Pas question pour la préfecture de laisser une nouvelle fois l’extrême droite défiler dans les rues lyonnaises. Ce vendredi 8 décembre, comme depuis dix ans, les identitaires du Rhône-Alpes prévoyaient d’organiser leur Lugdunum Suum : un défilé qui se greffe à la marche religieuse aux flambeaux organisée par le diocèse de Lyon, en hommage à la Vierge Marie, pour gravir la colline de Fourvière. Le groupuscule aux manettes sont les Remparts Lyon. Créé après la dissolution de Génération identitaire (GI) en 2021, ce groupe héritier poursuit les célébrations et actions du mouvement zid (le surnom des identitaires). Avisées « d’éléments laissant penser que des groupuscules d’ultra pourraient confisquer », la Fête des lumières, les autorités ont décidé le 5 décembre d’interdire le défilé d’extrême droite pour empêcher que soient prônées « des idéologies de haine ».

    Les Rempart Lyon étaient à Romans-sur-Isère (26) dans la nuit du 25 et 26 novembre 2023, ce que leur porte-parole nie « en bloc » (1). 80 militants ont tenté une attaque raciste dans cette ville de la Drôme après la mort de Thomas, 16 ans, tué lors d’une fête dans un village voisin. Le lendemain, le dimanche, le groupuscule lyonnais communique sur leur tentative de « manifestation ».

    Selon les informations du Figaro, une réunion à la préfecture avec les services de renseignements et le parquet s’est tenue fin novembre en vue d’un dossier pour dissoudre le groupuscule. Un des critères étudiés serait notamment la « reconstitution de ligue dissoute ».

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    Ce vendredi 8 décembre, comme depuis 10 ans, les Remparts Lyon prévoyaient d’organiser leur Lugdunum Suum. / Crédits : Telegram

    Génération après génération, la Traboule reste

    Difficile de jouer au jeu des sept différences lorsque l’on compare GI et les Remparts, tant les deux organisations ont en commun. Après plusieurs années d’agit-prop, marquées par ses actions médiatiques islamophobes ou contre l’immigration en Méditerranée, dans les Alpes ou les Pyrénées, la grande soeur Génération identitaire est dissoute par décret ministériel le 3 mars 2021 pour, notamment, « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence ». Les différentes sections locales doivent cesser leurs activités, mais les associations responsables des divers locaux de l’association ne sont pas inquiétées. C’est le cas dans le Vieux-Lyon, où « la Traboule » et « Top Sport Rhône », qui gèrent respectivement le bar éponyme – et siège social de feu GI – et la salle de boxe identitaire voisine L’Agogé, poursuivent leurs activités.

    En septembre 2021, six mois après la dissolution de GI, les deux locaux sont regroupés en une seule entité. Les nouveaux occupants ? Les Remparts, désireux de créer « un complexe enraciné sur près de 180m2 [consacré] à un rôle communautaire, culturel et sportif plutôt que politique » afin « d’accueillir chaque jeune fier de ce qu’il est ». Un vaste bâtiment utilisé pour former physiquement et intellectuellement les militants et sympathisants identitaires. Depuis la création des Remparts, des dizaines de conférences y ont eu lieu, sur des thèmes aussi divers que l’activisme, la diabolisation en politique ou le « wokisme », dispensé par des intellectuels comme Jean-Yves Le Gallou, des militants ou des responsables politiques. Stéphane Ravier, sénateur Reconquête des Bouches-du-Rhône, est par exemple venu en mars dernier parler défense des identités locales. Dans la salle de sport attenante, des cours de boxe anglaise ou de muay thaï sont proposés pour « se défendre et défendre les [siens] ». La Traboule accueille également des soirées « enracinées » où la bière et les produits locaux sont à l’honneur : une soirée vin chaud est d’ailleurs organisée ce vendredi 8 décembre après le Lugdunum Suum.

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    Reconstitution de ligue dissoute ?

    Mais les Remparts partagent plus que des locaux avec GI. Aux côtés de militants novices se trouvent des anciens de la branche lyonnaise du groupuscule dissous, dont quelques « têtes ». Sinisha Milinov, un des militants de la branche lyonnaise de GI, a été l’un des premiers porte-paroles des Remparts. En 2022, il n’hésite pas à sortir un couteau lorsqu’il se fait confronter par des militants antifascistes. S’il reste proche de la mouvance, il est aujourd’hui reconverti dans la production de « contenus subversifs » sur TikTok – il a plus de 12.000 abonnés.

    Dès 2021, l’ex-figure de Génération identitaire Adrien Ragot, connu sous le pseudonyme Adrien Lasalle, a lui pu faire des tractages des Remparts pour le Lugdunum Suum. À ses côtés, Chloé et Adam, un couple de zids (surnom des identitaires) lyonnais historiques. À l’époque de GI, les deux participent activement à la vie de la section lyonnaise, et Adam « Aubert » (un pseudo) en est même le contact privilégié. En témoignent une dizaine de posts Telegram indiquant son nom et son compte Facebook pour rejoindre la section. Pas étonnant donc de retrouver Adam sous son vrai nom dans les papiers de déclaration en préfecture… de l’association « Top Sport Rhône », fondée en 2013, qui occupe la salle de boxe de L’Agogé.

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    Dans le Vieux-Lyon, la Traboule, bar identitaire poursuit ses activités. / Crédits : Telegram

    Le couple a récemment été interpellé avec six autres identitaires. Partis de la Traboule, le groupe collait et graffait en « hommage à Thomas » et pour dénoncer le « racisme anti-blanc » lorsqu’ils ont été stoppés par la police. Avec eux, deux anciens militants actifs de GI : Roxane Chaudesaigues, ex-candidate du Front national dans l’Ain aux élections départementales puis régionales en 2015 qui n’hésite pas à se revendiquer du suprémacisme blanc. Et un certain Thibault L., poursuivi également pour « transport d’armes de catégorie D » – en l’occurrence des barres de fer et gazeuse – qui a déjà fait de nombreux tractages et maraudes avec GI.

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    Des actions calqués sur GI

    La dissolution de GI en 2021 a amené certains identitaires à rejoindre à plein temps les partis RN ou Reconquête. Et à l’échelle groupusculaire d’extrême droite, les zids ont connu une perte de vitesse au profit des mouvements nationalistes-révolutionnaires. Mais depuis la mort de Thomas, tué à Crépol (26) le 18 novembre dernier, ils reviennent sur le devant de la scène médiatique, sans lâcher les thèmes chers à GI : lutte contre l’insécurité, défense de l’identité européenne et rejet de l’immigration. À Lyon, ils multiplient les appels à se réunir « en hommage à Thomas » ou contre « le massacre des Français ». Ces mobilisations interdites par la préfecture avaient déjà été tentées en 2022 après le meurtre de Lola, une Parisienne de 12 ans. Leur méthode est rodée : ces manifs ont été calqués sur ce qu’a pu faire Génération identitaire en son temps pour d’autres victimes, comme Axelle Dorier – tuée par un conducteur avec sa voiture à Lyon en 2020 – ou Adrien Perez – assassiné à la sortie d’une boîte de nuit à Grenoble en 2018.

    Les Remparts ont également appelé à se joindre à la marche blanche pour Thomas. Plusieurs militants du groupuscule ont ensuite été identifiés dans la descente raciste de Romans-sur-Isère, preuve que la violence des identitaires n’a pas disparu sous le vernis de leur communication.

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    À Lyon, ils multiplient les appels à se réunir « en hommage à Thomas » ou contre « le massacre des Français ». Ces mobilisations interdites par la préfecture avaient déjà été tentées en 2022 après le meurtre de Lola. / Crédits : Telegram

    À Lyon, les zids sont plus prudents pour éviter la dissolution de leur groupe. Malgré tout, la Traboule est accusée depuis plusieurs années par des organisations de gauche de servir de base arrière aux radicaux lyonnais pour mener leurs descentes. Si Adrien Ragot, déjà impliqué dans des actions violentes avant Les Remparts, a été condamné en juin 2022 pour avoir tailladé deux personnes au couteau, les autres militants tentent de rester discrets et préfèrent faire le coup de poing sous d’autres bannières. Selon nos informations, des membres des Remparts ont participé à des actions du Guignol Squad, sorte « d’interfafs » locale créée durant le mouvement des Gilets jaunes. Ce dernier est impliqué dans de nombreuses actions violentes ces dernières années : agression de Gilets jaunes antiracistes à Lyon, attaque de militants antifascistes à Clermont-Ferrand et à Lyon…

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    Dernier épisode en date, le 11 novembre dernier. Quelques heures après l’attaque d’une conférence palestinienne revendiquée par le Guignol Squad, quatre étudiants ont été agressés à proximité de la Traboule. En passant devant le local, ils ont reçu des bouteilles en verre, avant que plusieurs personnes ne sortent pour les poursuivre et les frapper, notamment à l’aide d’une canne en bois selon les témoignages.
    Des faits relayés par de nombreux médias, qui ont placé les Remparts Lyon sur le devant de la scène et poussé le député du Rhône Thomas Rudigoz (Renaissance) à demander la dissolution du groupuscule.

    Malgré l’interdiction du Lugdunum Suum, les identitaires risquent d’être encore de sortie ce soir du vendredi 8 décembre 2023 dans les rues lyonnaises. Sur Telegram, les Remparts ont appelé à rejoindre quand même la procession diocésaine malgré l’interdiction de la préfecture. L’année dernière, plusieurs dizaines d’entre eux avaient défilé drapeaux et flambeaux en main. Sinisha Milinov avait alors été condamné à 800 euros d’amende pour organisation et participation à une manifestation interdite. Sur Instagram, ce dernier a pourtant encore annoncé sa présence ce vendredi soir place Saint-Jean.

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    Depuis la mort de Thomas, tué à Crépol (26) le 18 novembre dernier, ils reviennent sur le devant de la scène médiatique, sans lâcher les thèmes chers à GI : lutte contre l’insécurité, défense de l'identité européenne et rejet de l’immigration. / Crédits : Telegram

    Contactés, Les Remparts n’ont pas souhaité répondre à notre demande « en raison des raccourcis biaisés très souvent réalisés par [notre] rédaction, [notre] ligne étant ouvertement militante ». Ancien porte-parole des Remparts et figure identitaire locale, Sinisha Milinov n’a pas non plus souhaité donner suite à nos sollicitations. De son côté, la préfecture n’a pas souhaité communiquer sur la question de la dissolution du groupe.

    (1) Edit le 8 décembre à 17h20 : StreetPress a ajouté les dénégations du porte-parole des Remparts Lyon, qui certifie que son mouvement et ses militants n’étaient pas présents à la manifestation du 25 novembre à Romans-sur-Isère, malgré les informations de plusieurs médias comme l’AFP ou Libération.

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