Adrien R., dit Adrien Lasalle, cadre lyonnais de feu Génération identitaire a tailladé au couteau deux passants. La justice reconnaît sa culpabilité mais lui épargne la prison. Le 9 juin dernier, la nuit est déjà bien avancée quand le leader identitaire est pris à partie non loin de la place des Terreaux, un quartier festif de Lyon. A-t-il été reconnu ou a-t-il initié la bagarre ? L’enquête, très brève, n’a pas pu le déterminer. Toujours est-il que les caméras de vidéosurveillance de la ville de Lyon montrent ce costaud d’extrême droite poursuivre des individus un couteau à la main, avant d’être lui-même pris en chasse plus tard.
Il finit par se réfugier dans un restaurant. À partir de là, les faits sont flous sauf sur un point : avec son arme, Adrien Lasalle, ivre, poignarde un jeune au niveau du cou et un autre au bras. Ces deux victimes, qui ne faisaient pas partie des premiers bagarreurs, sont rapidement prises en charge par les secours. Au moment de son interpellation, le militant d’extrême droite colle plusieurs beignes à un policier.
Au tribunal
À peine trois jours plus tard, il est présenté à la justice. Mais pourquoi privilégier la comparution immédiate, une procédure expéditive ? « On aurait pu faire le choix d’une procédure plus longue, pour approfondir les actes d’enquête, interroger des témoins qui n’ont pas forcément été entendus et conduire une série d’investigations qui n’ont pas été faites », soupire maître Calame-Schmidt, avocat des deux jeunes hommes :
« Je ne doute pas que nous aurions eu une décision différente si la justice avait eu plus d’éléments à disposition. »
Comme le raconte Rue89 Lyon dans son compte-rendu du procès, Adrien Lasalle ne s’est pas montré bravache à l’audience. Celui qui a le symbole de Génération identitaire tatoué sur le biceps droit assure avoir changé et pris le large d’avec ses amitiés politiques. Il s’est aussi défendu d’avoir porté les coups de couteau. D’ailleurs, il n’avait même pas de couteau sur lui, dit-il. L’objet qu’il tenait dans la main, bien visible sur les caméras de vidéosurveillance ? C’était sa « cigarette électronique », assure-t-il à la barre. Mais il a bien de la peine à en donner la marque lorsque l’avocat des victimes l’interroge… Et ce soir-là, il n’a agressé personne. Ça serait même lui, la victime « d’une foule » qui cherchait à le lyncher avec « matraques » et « gazeuses ». Une version confirmée par un seul témoin. Un ami d’Adrien Lasalle – également membre de GI – qui, simple coïncidence, passait par là. Les images de vidéosurveillance montrent une situation embrouillée. Lasalle recule parfois et à d’autres moments poursuit lui-même des individus.
Pas de mandat de dépôt
Ses explications n’ont visiblement pas convaincu les magistrats, qui l’ont finalement condamné à 18 mois de prison dont six mois assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans avec une obligation de travail, obligation de soins, obligation d’indemniser les victimes, interdiction d’entrer en contact avec les victimes et interdiction de paraître dans le premier arrondissement de Lyon. Une peine qui n’a pas été accompagnée d’un mandat de dépôt. L’accusé repart donc libre. « À titre de peines complémentaires, l’interdiction de détenir une arme pendant cinq ans et la privation du droit d’éligibilité pendant cinq ans », précise le parquet de Lyon à StreetPress.
Adrien Lasalle était un cadre de Génération identitaire. Ici, il pose avec d'autres membres du groupe, comme Thaïs d'Escufon et Jérémy Piano, candidat aux élections législatives pour Reconquête. / Crédits : DR
L’avocat des deux victimes déclare pudiquement avoir « du mal à comprendre l’absence de maintien en détention ». Et maître Calame-Schmidt d’ajouter :
« Les victimes étaient déçues, des gens partent en prison pour beaucoup moins que ça. Il y a un rôle social à la décision de justice et, dans ce dossier-là, il n’a pas été rempli. »
Un lourd passif
L’homme a pourtant un CV chargé. C’est « un gars violent ». Une description qui revient souvent quand on interroge ceux qui ont connu Adrien R., dans sa Meuse natale. Son racisme semble lui aussi bien ancré. Il avait eu maille à partir avec la communauté turque de Commercy pour avoir traité l’un d’entre eux de « sale bougnoule ».
Quand il quitte Commercy (55) pour Lyon, sa réputation de costaud le précède. Et il a tout fait pour l’entretenir en relayant ses exploits sur les réseaux sociaux. Comme lorsqu’il publie cette photo de lui avec un beau cocard. En guise de légende, il écrit :
« Le moment où je préfère le bleu de tes yeux à celui des gyros »
Il aime se battre. En septembre 2019, il participe au tournoi de boxe identitaire organisé à L’Agogé, le club de combat identitaire lyonnais. L’année suivante, il diffuse sur son compte Instagram sa confrontation avec deux individus présentés comme des antifas. Il revendique avoir fait fuir les deux militants de gauche.
Fin juin 2021, Adrien Lasalle s’était aussi retrouvé mouillé dans de graves violences, rue Mercière, en marge d’un match de l’Euro opposant la France à la Suisse. Un groupe de plusieurs dizaines de jeunes hommes mêlant militants d’extrême droite et hooligans avait attaqué des clients d’un bar, certains avec des couteaux. Au milieu des nervis, nettement plus calmes que les autres, on distinguait sans peine la carrure de Lasalle. Il semblait même donner des ordres.
Adrien tu es trikar pic.twitter.com/yfCB4T3FI0
— Groupe Antifa Lyon (@antifa_lyon) June 29, 2021
Reconstitution de ligue dissoute
La condamnation d’Adrien Lasalle s’ajoute au dossier déjà important des violences commises par les anciens membres de Génération identitaire. Cette même violence est invoquée par le ministère de l’Intérieur dans la procédure de dissolution de l’association au printemps 2021. Pour autant, cette interdiction du groupe n’a pas fait diminuer les agressions d’extrême droite à Lyon, bien au contraire. StreetPress avait démontré en octobre dernier qu’elles avaient même augmenté. De nombreux militants se sont retrouvés privés de l’encadrement qui jugulait, de façon certes relative, leurs envies d’en découdre. Et la reconstitution d’une association identitaire baptisée Les Remparts Lyon n’y a rien changé. Des militants antifascistes locaux interrogés par StreetPress, alertent même sur une augmentation des violences. L’un d’eux explique :
« Depuis un an, c’est vraiment chaud, ils sortent des couteaux systématiquement quand il y a confrontation. »
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